Critique : La Pègre

Patrick Antona | 7 juin 2005
Patrick Antona | 7 juin 2005

Film ambitieux, La Pègre (qui fut présenté en sélection officielle à la 61e Mostra de Venise en 2004) tente de nous offrir, via le vécu d'un gangster, une vision polémique de l'histoire récente de la Corée du Sud. Si comme dans tout bon film coréen, l'interprétation et l'implication physique des acteurs sont du meilleur niveau, on ne peut pas dire autant de la mise en scène de Im Kwon-Taek. Lui qui réussissait dans ses films portraits (La Chanteuse de Pansori, Ivre de femmes et de peinture) à capter notre intérêt par le biais d'une narration simple et maîtrisée s'égare très souvent dans La Pègre, ne réussissant pas à insuffler le souffle nécessaire à un sujet qui méritait mieux.
En dépit de scènes d'action coup-de-poing (fusillades, bastonnades et autres émeutes étudiantes), l'intérêt du spectateur s'émousse très vite, au grès d'un récit qui multiplie les retournements et les intervenants. Dommage car l'idée forte du film, à savoir la dénonciation de la collusion entre les partis au pouvoir et les maffieux, perd de son efficacité au fil d'un récit peu passionnant. Ce qui aurait dû faire de La Pègre un grand film politique (un peu à la manière des films italiens des années 60) ne se résume en fait qu'à une péripétie scénaristique.

Au niveau réalisation, Im Kwon-Taek soigne son cadre comme d'habitude, usant d'une ambiance pluvieuse et crépusculaire lorsqu'il s'agit de décrire les actes délictueux de son héros, mais le montage se révèle être parfois déficient, n'arrivant pas à coller à un scénario qui aurait gagné à être soigneusement élagué. Même le talent particulier habituel du cinéaste pour parvenir à nous rendre sympathique des personnages complètement amoraux, semble ici absent, rendant les protagonistes principaux semblables à des pantins et non à des figures emblématiques d'une période troublée. Ainsi l'étude du destin de ce voyou en lutte constante contre la société et qui devient un des rouages du pouvoir en place se révèle être au final peu convaincante, et ne prendra pas sa place parmi les classiques du genre. On peut largement préférer, dans un modèle équivalent, les polars japonais des années 70, en particulier ceux de Kinji Fukasaku, qui sont des œuvres autrement plus abouties et visuellement plus riches que l'essai raté de Im Kwon-Taek.

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