Critique : Saved !

Stéphane Argentin | 15 avril 2005
Stéphane Argentin | 15 avril 2005

Ne vous fiez surtout pas au résumé de l'histoire de Saved ! qui est à cent lieues de refléter les intentions véritables du film (tout du moins au début). Sous couverts d'une bourgade de petits bourgeois cathos puritains se cache en effet une satire très astucieuse et corrosive de cet univers à priori politiquement correct et de sa communauté vivant dans une fausse joie et se cachant derrière de faux sourires pour mieux dissimuler leurs petits travers et leur morosité quotidienne.

Dès le début, on comprend d'ailleurs très rapidement que le ton est à la satire (l'apparition divine aquatique, le nom du collège : « American eagle christian high school »), que les scénaristes pousseront même jusqu'à la parodie (le Tubular Bells Exorciste de Mike Oldfield, à mourir de rire). Toutefois, satire ne veut pas dire pour autant irrévérencieux et c'est d'ailleurs là le point fort de Saved ! : dénoncer un à un toutes les belles illusions de « l'american dream » et de « l'american way of life » sans pour autant cracher dessus, mais simplement en montrant jusqu'à quel point les excès de « Tu dois croire en Jésus-Christ notre sauveur » et autres « Jésus-Christ te pardonnera » finissent par déconnecter ses fervents pratiquants de toute réalité sociale.

Et quel meilleur moyen pour argumenter ce démontage en règle que de choisir un panel d'individus clichés le plus représentatif possible de cette « american society » ? On y retrouve donc l'ado qui fait sa connerie (tombée enceinte) croyant bien faire (la trop rare Jena Malone, vue notamment dans Donnie Darko), l'égérie locale (Mandy Moore, habituée à ce type de rôle bien propre sur elle), son frère cynique (Macaulay Culkin, confondant de sérieux et à cent lieues de ses enfantillages passés), la rebelle excentrique (Eva Amurri, fille de l'immense Susan Sarandon), le petit nouveau beau gosse (Patrick Fugit, vu dans Presque célèbre), fils d'un pasteur père célibataire (le toujours impeccable Martin Donovan, habitué aux séries et téléfilms), tout comme la mère de la première citée (Mary-Louise Parker, vue notamment dans l'excellente série À la maison blanche). Soit un bien joli casting d'habitués aux seconds rôles et autres productions de moindre envergure (à l'exception de Mandy Moore) qui nous livrent des compositions impeccables pour des personnages qui ne le sont pas tant, une fois l'émail rayé.

Et jusqu'à un certain point (en gros la première heure), Saved ! réussit d'ailleurs plutôt bien sa critique sociale, parvenant à chaque nouvelle scène à rajouter un peu d'eau à son moulin sans trop se répéter. Le seul hic ? Une dernière demi-heure (soit tout de même un bon tiers du film) qui retombe au raz des pâquerettes dans une facilité et une idiotie digne du film lambda pour ados (« tu me fais une crasse, je t'en fais une », « bouh, ça c'est pas gentil »). Décision volontaire ou bien absence de nouveaux arguments à avancer ? Toujours est-il que l'on préférera alors se souvenir de la première heure, nettement plus jouissive car réfléchie. Une orientation vers laquelle retourne in extremis le tableau final, certes légèrement trop « United color of Benetton », mais déjà plus représentatif des vraies qualités de Saved !.

Résumé

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