Critique : Suspect zéro

Damien Vinjgaard | 17 mars 2005
Damien Vinjgaard | 17 mars 2005

Sûrement ragaillardi par la sortie du longtemps attendu Saw, les distributeurs se décident à lancer au cinéma ce qui, sans cette aubaine, aurait sûrement été estampillé direct-to-video. Une chose est sûre, cette énième chasse au serial killer (à prononcer avec l'accent) a déployé tout son potentiel pour rentrer dans cette catégorie.

Le long-métrage s'ouvre sur un restaurant, de nuit. Il pleut (évidemment) quand un Ben Kingsley fiévreux s'assoit à la table d'un homme pour le menacer. Il le kidnappera quelque temps plus tard dans le parking sans oublier de se montrer préalablement par le rétroviseur de la voiture. Déjà bien échaudé par cette scène qui charrie quelques poncifs du genre, les vrais signes du ratage s'affichent très rapidement sur le visage des acteurs. Le comédien anglais, d'abord, qui force le trait sans finesse et sur le facies duquel on peut lire la déception d'avoir lu le script après s'être engagé. De Aaron Eckhart, en illuminé du dimanche, à Carrie-Anne Moss qui n'en revient pas de passer de la trilogie Matrix à ça, tous montrent qu'ils sont là pour le cachet qui règlera les traites de la maison, de la piscine ou de la voiture.

Evidemment l'argument du scénario n'aide pas à y croire. L'histoire du tueur de tueur à la poursuite du plus grands des tueurs, cela sonne comme hautement improbable. On imagine toutefois qu'avec un peu d'astuce et d'esbroufe, la pilule aurait pu passer (ça a été le cas avec Saw). Mais E. Elias Merhige oublie d'avoir de l'ambition pour sa mise en scène. L'auteur du très beau mais un peu lourd L'ombre du Vampire ne cherche en effet jamais à magnifier son sujet. Bien au contraire, il préfère adopter une pseudo-esthétique de série B cormanienne : un Texas terne, délavé et sous-exposé, des flashs de visions saturés de rose assez gratuitement, un cadrage en biais censé « collé » au personnage, d'improbable contre-jour. Tout est ici visiblement bâti pour ressembler à un film plus pauvre qu'il ne l'est véritablement. Car doté d'un budget confortable (27 millions de dollars) et assisté d'une productrice de la trempe de Paula Wagner (Les Autres et Mission Impossible 1&2), le réalisateur pouvait avoir plus d'ambition. Avec 20 millions de dollars, Jean-François Richet s'est attaqué au box-office américain en signant un Assaut digne et classieux. Pour 3 fois moins - 8 millions de dollars exactement - John Dahl signait Red Rock West, un petit polar joliment ficelé. Et pour une poignée de dollars (Ah ! ah ! Il fallait l'oser celle-là !), James Wan a tourné Saw. Qu'a donc fait E. Elias Merhige de l'argent pour n'avoir au final qu'un pénible sous-Seven du pauvre ?
S'il y avait des salles de projection dans les trains, on appellerait sûrement cela un film de gare (à méditer).

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire