Critique : Les Tortues volent aussi

Julien Welter | 21 février 2005
Julien Welter | 21 février 2005

Derrière ce titre énigmatique duquel pourrait sortir une fantaisie slave de Kusturica, se cache en fait un film dur et âpre sur la guerre du côté de ceux qui la voient de trop près. Car en prenant comme personnages principaux des habitants du Kurdistan Irakien à la frontière entre l'Iran et la Turquie, Bahman Ghobadi symbolise très justement un état difficile à entendre et à voir, celui des hommes et des femmes qui sont entre le spectateur et l'acteur : les victimes.

Celles-ci, loin dans la souffrance à juste titre, le sont néanmoins souvent trop pour pouvoir créer une juste empathie et une juste interrogation dans les films. Sans montrer les horreurs directement, Bahman Ghobadi narre alors justement les séquelles qui, pour ces oubliés, définissent un nouvel espace constitué de champs de mines et de ferrailles militaires et une nouvelle mémoire pleine de fragments de douleurs. Dans ce nouveau lieu, le corps de ces enfants, mutilés et déformés se double d'un visage exprimant la joie et l'espoir. De cette juste ambivalence, Bahman Ghobadi fait naître le juste regard de ce qu'ils endurent.
Certains partent en quête de l'information à travers l'implantation d'antennes satellites, d'autres vivent dans la prédilection de l'imminence d'autres affrontements. Ce que l'on veut voir de la guerre, ce que l'on attend d'elle, ce que l'on redoute et ce qui arrive. Se frayant un chemin aux abords de toutes ces propositions, le récit propose une succession de tableaux parfaitement composé (peut-être trop) sur la présence sourde du combat et leurs répercussions. De tous, le plus édifiants est peut-être celui de cet enfant aveugle au pied d'un arbre, entouré de mines.

En nimbant son long-métrage d'un fantastique étrange qui aurait pû être déplacé avec n'importe quelle autre histoire, le réalisateur réussit à sortir son film d'un misérabilisme de mauvais goût. Il nous met en présence d'une fable, moderne et âpre, vague rêverie sur la réalité du monde, qui nous laisse entièrement le choix de la prise de conscience. Plutôt que de nous traîner vers le mélodrame salvateur, cette démarche redonne alors de l'humanité à ces enfants qui ne sont que des corps dans n'importe quel journal télévisé.

Résumé

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