Critique : La Voix des morts

Julien Welter | 28 janvier 2005
Julien Welter | 28 janvier 2005

Avant toute chose, évacuons la bonne surprise de ce succès inattendu outre-atlantique : Michael Keaton. Le plaisir est grand de pouvoir enfin retrouver les sourcils circonflexes de l'acteur culte de Beetlejuice. Jusqu'à peu il était le meilleur comédien de sa génération bizarrement cantonné à un second rôle chez Soderbergh et Tarantino.
L'homme est pourtant tout simplement capable d'être tout : Batman Burtonien, cinq déclinaisons de lui-même pour Harold Ramis ou simple journaliste pour Ron « Richie » Howard. Son visage contrit, descendant de celui de Roy Scheider, évoque une angoisse qu'il était capable de muer à volonté en comédie ou en tragédie. Aujourd'hui, les cheveux oxygénés par les échecs, le visage ridé par une carrière qu'il a voulu mener hors d'Hollywood, il retrouve le haut du box-office avec un long-métrage reposant entièrement sur les interrogations que pose son visage. Tant mieux alors, car ce pur produit de consommation et son succès pourrait relancer durablement sa carrière.

Maintenant soyons franc, l'engouement qui a fait de cette production le « hitsleeper » de l'hiver américain ne repose pas entièrement sur lui et plus sur une formule fantastique exploitée par les studios depuis le film matriciel du genre et pour ce pays : Sixième sens. Le surnaturel spirituel et les fantômes nouvelle génération qui ont quelque chose à nous dire, le mystère que l'on rend épais dès l'ouverture et qui ne repose que sur un « Que se passe-t-il ? », Hollywood en a découvert le pouvoir attractif depuis le film de M. Night Shyamalan. Sans évoquer les différents succès de ce dernier, il suffit de se pencher sur Mémoire effacée avec Julianne Moore qui repose sur la même mise en scène et les mêmes effets, bien que son folklore diffère.


La voix des morts repose sur ces mêmes postulats sauf que l'intrigue s'évapore dès le générique par le carton qui nous prévient de l'existence de ces phénomènes que sont les contacts paranormaux à travers la neige de la télévision ou le souffle d'une cassette audio (comment vont-il faire dans l'au-delà au passage du tout numérique ?). Scrutant pendant des heures les écrans plats, alors que tout le monde sait qu'il n'y a que des programmes de pêche après minuit, Michael Keaton cherche une preuve : un message de sa femme. Fermant les possibilités de son récit dès le début, le réalisateur cherche un temps la voie de la poésie (comme un lointain Truly, Madly, Deeply) puis se borne à la terreur efficace que les monteurs savent désormais créer à volonté. On s'entend pour le lambda impressionnable (comme moi-même), le montage cut violent, la poussée brutale du volume sonore qui suit une longue plage d'ennui, créent à coup sûr le sursaut. Ainsi saisi, le spectateur ne peut qu'être crispé ou tendu à loisir. Le film avance alors par bonds d'audience, d'une peur à l'autre, sans plus d'inventivité ou d'envie de le relier à une histoire cohérente. Là où The Grudge faisait de cette vacuité un style par la propagation de la peur à tous les personnages, La voix des morts ne fait que singer une méthode reconnue et l'appliquer à une histoire de pis-aller.

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