Critique : Piège de feu

Stéphane Argentin | 21 février 2005
Stéphane Argentin | 21 février 2005

Après les évènements du 11 septembre 2001, voir débarquer un film sur le quotidien d'une caserne de pompiers avait de quoi susciter quelques doutes (inquiétudes ?) quant aux intentions véritables du projet. Surtout lorsque l'on connaît la propension de nombreuses productions hollywoodiennes à glorifier tout et n'importe quoi, doublé du relent de sympathie outre-atlantique à l'égard des combattants du feu depuis ces attentats (le film a d'ailleurs rapporté quelques 75 millions de dollars de recette au box office américain, soit un succès plus que méritoire).

Est-ce le fait que son script fut rédigé avant le 11 septembre 2001 ou bien que son réalisateur oeuvra sur de nombreux documentaires au cours des années 90, notamment pour la chaîne Discovery ? Toujours est-il que tous ces doutes sont très vite dissipés au bout de quelques minutes seulement. Les intentions de Piège de feu (titre français judicieux même s'il s'écarte du sigle « Ladder 49 » visible à plusieurs reprises à l'écran) sont clairement affichées dès le départ et le film ne s'en écartera pas une seule seconde jusqu'à son terme : rendre hommage au courage, à la dévotion et à la camaraderie qui animent ces hommes, sans chercher à les déifier à aucun moment.

Pour y parvenir, la trame n'est qu'un habile prétexte à de longs flash-back sur les 10 ans de carrière de Jack Morrison (Joaquin Phoenix), depuis son arrivée en tant que bleu (Rookie en anglais) au sein de la caserne, jusqu'à cette « prise au piège » dans une usine en flammes, en passant par le bizutage, les taquineries et autres occupations quotidiennes (entretiens de l'équipement, petites parties de billard ou de tennis de table), la première épreuve du feu, les fausses alertes (un grille-pain) et, d'une manière plus générale, les joies et les peines. La joie lorsque la motivation pour cette véritable vocation se voit récompenser (venir en aide à autrui sans autre arrière pensée), la peine lorsque l'un des leurs est victime d'un accident, quel qu'en soit le degré de gravité.

Piège de feu n'omet ainsi aucun élément dans le portrait du quotidien de ces hommes, partagés entre leurs deux foyers (la famille et la caserne). Terrifiées à l'idée de devenir veuves un jour ou l'autre, certaines épouses n'accepteront pas forcément de partager cette double existence (le personnage interprété par John Travolta, d'une grande humilité tout comme le reste du casting qui a d'ailleurs du en passer par une préparation auprès de vrais pompiers) tant la frontière entre vie privée et professionnelle parait inexistante. Car, pour aussi aguerris qu'ils deviennent au fil du temps, nul pompier n'est à l'abri de l'accident (mortel) : poutrelle, plancher, retour de flamme inattendu… Mais là encore, l'orientation résolument « anti-hollywoodienne » du film nous épargne les grandes figures (imposées), aussi bien sur le plan dramatique (un minimum de sanglots et de violons) que visuel (pas d'explosion à outrance pour le seul plaisir de toute faire péter ni d'effets de mises en scène ouvertement appuyés tel que les ralentis) avec même par endroits des trouvailles très ingénieuses (montage hachée et caméra affolée pour la scène où Joaquin Phoenix avance seul dans une pièce entièrement en feu).

Au final, Piège de feu s'impose avec brio comme la troisième pierre angulaire du genre, juste entre les deux références que sont La tour infernale, film mythique de la période « catastrophe années 70 » et Backdraft et ses flammes hautement photogéniques. Et si la réponse à la question : « Pourquoi les pompiers sont-ils les seuls à s'engouffrer dans un immeuble en feu alors que tous les autres veulent en sortir » est le courage, il n'est absolument pas nécessaire de faire preuve de cette qualité pour aller découvrir Piège de feu, mais simplement de bon sens.

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire