Critique : L'Exorciste : Au commencement

Laurent Pécha | 16 novembre 2004
Laurent Pécha | 16 novembre 2004

L'Exorciste : Au commencement est un film événement… de par sa genèse pour le moins complexe. Perpétrant une funeste tradition qui remonte à L'Exorciste original de William Friedkin, le projet de ce quatrième opus narrant le premier affrontement en Afrique entre le père Merrin (interprété par Max Von Sydow dans le premier, et ici par Stellan Skarsgard) et le démon Pazuzu a connu un accouchement douloureux humainement, financièrement et artistiquement. Après John Frankenheimer, qui épuisa les derniers souffles de sa vie sur la faisabilité du film, c'est Paul Schrader qui fut engagé par Morgan Creek, puis viré une fois le film terminé sous prétexte qu'il n'était pas assez gore et spectaculaire. Pour reprendre les rennes du projet et livrer un film plus conforme à ses attentes « blockbusteriennes », le studio choisit, et c'est sans doute là un véritable objet de fascination cinéphilique, le réalisateur le plus opposé au style et aux préoccupations théologiques et religieuses du scénariste de Taxi driver : Renny - « je suis un gros bourrin » - Harlin. Le cinéaste, qui n'a pas son pareil pour exploser les décors mis à sa disposition, se lance donc dans un remaniement total du film déjà tourné par Schrader, et livre ce qui est désormais la version officielle en salles de L'Exorciste : Au commencement .

En écrivant que le résultat obtenu à l'écran est relativement fidèle au style et à la vision « harlinienne » (souvent jouissive) du cinéma, le spectateur assidu de la filmographie du géant finlandais peut donc anticiper ce qu'il va voir en entrant dans la salle. À savoir un film d'horreur hautement grand-guignolesque, où le moindre effet est appuyé lourdement, où chaque séquence donne lieu à une envie d'en rajouter à tout prix. Résultat, alors qu'un récit comme L'Exorciste nécessite un traitement mesuré, une approche cherchant la finesse (du moins dans la première partie du récit), pour contrer le pathos qu'engendrent les figures imposées de la représentation du diable à l'écran (surtout vis-à-vis de non-croyants), le film de Renny Harlin suit un chemin inverse. Entre un assaut de hyènes numériques qui fait passer l'attaque des loups du Jour d'après pour un documentaire animalier, et un exorcisme final risible (un démon virevoltant en as de l'acrobatie aérienne), en passant par un affrontement ultra cheap entre militaires et autochtones, ou encore un twist d'une bêtise abyssale (aussi introuvable qu'impensable et ridicule), L'Exorciste : Au commencement prend les formes, malgré quelques atouts non négligeables comme sa photo signée Vittorio - « Apocalypse now » - Storaro et ses décors (l'église ensevelie en tête), d'un film authentiquement raté, plus proche de la série Z que du grand film malade et schizophrène espéré.

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