Critique : Brodeuses

Clara Féquant | 8 novembre 2007
Clara Féquant | 8 novembre 2007

Au vu de son pitch, Brodeuses laissait craindre un énième petit film français, spécialement destiné aux soirées thématiques d'Arte : « Accouchement sous X » et « Les métiers de l'artisanat ». Et pourtant, le premier long métrage d'Éléonore Faucher mérite bel et bien sa sortie en salles et son grand prix de la semaine de la critique au festival de Cannes 2004.

Car la réalisatrice traite son sujet avec brio et finesse, livrant le portrait d'une jeune fille (subtile et touchante Lola Neymak prise dans des vents contraires) en plein bouleversement existentiel, qui, grâce à une passion et à un talent, la broderie, va se révéler et s'accomplir, autant professionnellement que personnellement. Mais au-delà de cette activité manuelle minutieuse et créative, finalement prétexte symbolique plus que véritable sujet, c'est sa rencontre avec Mme Mélikian (magnifique Ariane Ascaride, elle aussi dans une lutte intérieure où la dignité doit triompher de la souffrance) qui va épanouir Claire. Et par le biais de leurs métiers à broder, les deux femmes vont s'aider tour à tour, s'accompagnant sur le chemin le plus juste mais aussi le plus courageux. Car l'intelligence du scénario est d'avoir réuni deux femmes, une jeune, apprentie, et son aînée, mentor et mère de substitution, toutes deux confrontées à deux évènements opposés : la mort récente et la vie à naître, qui leur sont inacceptables.

Brodeuses est un morceau de vie, quelques mois décisifs dans l'existence de Claire et de Mme Mélikian, dont la réalisatrice prend le temps de montrer les moindres détails, les relations humaines, maternelles, mais aussi la solitude, le rejet, l'introversion, la rébellion… La « magie » et la tendresse de ce film résident justement dans cette multitude de thèmes, tous évoqués avec justesse et émotion. La mise en scène, lente et soignée, participe à installer l'histoire (les histoires) et les personnages, et à créer une véritable ambiance.

Ambiances contraires, à l'image de la dualité du film, qui oscille entre poésie et noirceur. Les plans silencieux et contemplatifs (les errances de Claire dans la campagne automnale, les gros plans sur son visage…), ainsi que l'esthétisme étudié des couleurs (la campagne, les vêtements et la chevelure de Claire, digne fille de cette nature, les tissus et matières travaillées par les deux femmes…) subliment le film. Les « tableaux » psychanalytiques illustrant les rêves de Claire, et le thème musical récurrent aussi fort qu'inquiétant, eux, l'assombrissent.

Tissé avec soin et patience, Brodeuses nous permet de découvrir une réalisatrice authentique qui nous invite ici à assister à un miracle : le deuil d'un enfant et l'acceptation de la maternité.

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire