Critique : La Confiance règne

Laurent Pécha | 8 novembre 2004
Laurent Pécha | 8 novembre 2004

Pour son nouveau film, La confiance règne, Etienne Chatiliez n'a rien trouvé de mieux que de nous pondre une sorte de best of de son univers, avec en point de mire le film qui le révéla au grand public : La vie est un long fleuve tranquille. Situation d'autant plus embarrassante et condamnable que, si l'on peut être indulgent, eu égard à la longévité de sa filmographie, avec un Woody Allen devenu bien trop répétitif et convenu depuis quelques films, il est difficile de l'être autant avec Chatiliez et ses seulement cinq films au compteur. Le courroux est encore plus féroce quand on s'aperçoit vite que le projet du réalisateur s'apparente en plus à un bien maladroit best of !

D'habitude, Chatiliez compense une mise en images relativement plate et sans grande imagination par une mécanique des dialogues et des situations comiques savoureuse. Il n'en est presque rien ici. Beaucoup trop long, multipliant les personnages secondaires sans pour autant leur laisser l'occasion de vivre et de « séduire » le spectateur (Ludo, le frère de Chrystèle, la famille d'adoption de Chrystèle, les différentes familles bourgeoises volées par le couple...), La confiance règne dresse un portrait grossier et caricatural d'un monde social aux tendances manichéennes. Car, si dans La vie est un long fleuve tranquille les pauvres et les bourgeois étaient traités d'égal à égal (c'est-à-dire aussi attachants et ridicules les uns que les autres), Chatiliez a cette fois-ci clairement choisi son camp : l'attachement du cinéaste va aux prolétaires et à son couple de domestiques chapardeurs. On a beau ne pas être sur le terrain du social à proprement dit, tant la caricature est extrême, il se dégage suffisamment de bêtise et de schématisation trop facile pour parasiter grandement la relative efficacité des gags et autres situations rocambolesques dans lesquelles se fourrent Christophe et Chrystèle.

Heureusement, La confiance règne échappe au ratage que laissait augurer un tel traitement visuel et narratif par l'impeccable interprétation de ses comédiens. Si Vincent Lindon, en neuneu de service au cœur énorme, est impeccable comme souvent, la star du film est de loin Cécile de France. Physiquement (presque) méconnaissable, la comédienne trouve avec Chrystèle un rôle parfait pour laisser libre cours à toute la démesure de son talent. Ayant tout le loisir d'être le plus excentrique possible, elle ne se fait pas prier pour accentuer chaque trait de son caractère, réussissant à créer un personnage aussi insupportable à vivre qu'attachant à voir vivre. De réplique désopilante récurrente (« J'me prendrai bien une mousse ») en raisonnement d'une implacable logique (« On travaille ensemble, on dort ensemble, on baise ensemble, mais cela ne veut pas dire qu'on est ensemble »), en passant par l'art de remettre au goût du jour la « beauferie » de La Soupe aux choux (elle rote, il pète : ils sont donc faits l'un pour l'autre !!!), l'actrice emporterait notre adhésion presque totale. Seulement, le talent a ses limites. Et il commence par une vraie et bonne histoire et un vrai regard de cinéaste… ce qui fait incontestablement défaut à La confiance règne.

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