Critique : The Assassination of Richard Nixon

Laurent Pécha | 27 octobre 2004
Laurent Pécha | 27 octobre 2004

Avec The Assassination of Richard Nixon, Niels Mueller n'a pas choisi le sujet le plus facile pour débuter sa carrière de réalisateur de longs métrages. Même s'il semble s'en défendre fermement (voir l'interview qu'il nous a accordée), son premier film fait irrémédiablement penser à Taxi driver. Du nom de son héros (certes véridique) à ses motivations (il veut assassiner un homme politique), tout en passant par son comportement (un être en marge de la société), tout ramène au Travis Bickle de Martin Scorsese.

Enfin presque, car reconnaissons à Mueller et à son coscénariste, Kevin Kennedy, leur option d'une approche moins désespérée, moins lugubre que le réalisateur des Affranchis. Car, ce qui intéresse notre jeune cinéaste ici est bien plus la lente introspection de la vie d'un homme banal qui va petit à petit sombrer dans la folie. En choisissant Sean Penn pour interpréter Sam Bicke, Mueller a eu forcement tout juste, puisque le comédien est sans doute ce qui se fait de mieux actuellement à Hollywood lorsqu'il s'agit de jouer les êtres torturés. Et effectivement, la performance de Sean Penn est de bout en bout parfaite, chose d'autant plus difficile à réaliser pour l'acteur qu'il est présent quasiment dans tous les plans du film. Mais si ce dernier sert effectivement le film par son interprétation, il le gangrène terriblement aussi en étant l'arbre qui cache la forêt. Enlevons quelques instants l'immense sympathie que l'on peut avoir pour Sean Penn et son talent, et arrêtons nous sur le comportement, les motivations et réactions du personnage qu'il campe.

En optant pour un récit en flash-back totalement artificiel (la pseudo tension créée lors de la première séquence restera totalement vaine, même lors d'un final vite expédié), et surtout en choisissant délibérément de ne jamais nous montrer la dérive psychique de son héros (on le découvre déjà séparé de sa femme, en colère contre la société, en état d'échec au niveau professionnel), Mueller nous prive de toute véritable estime et empathie pour Sam Bicke. On assiste alors, durant l'heure et demie impartie, à la déchéance d'un pauvre type qui, au lieu de se battre vraiment, d'assumer son statut (notamment de père), plonge dans la facilité de la contestation gratuite, presque façon conversation de bistrot. Difficile alors dans ces conditions de ne pas avoir envie de laisser tomber cet homme, et de se désintéresser de son sort, aussi funeste soit-il. D'autant plus qu'autour de lui gravitent de vrais « héros », des personnages qui souffrent tout autant que lui, mais qui eux ont décidé de se battre et de ne pas capituler aussi facilement : l'ex-femme qui assume, elle, son rôle de parent (excellente Naomi Watts), le meilleur ami black (Don Cheadle, aussi juste qu'il se fait trop rare sur nos écrans) qui a bien plus de raisons de se sentir exclu d'une société américaine encore loin d'avoir intégré la communauté noire dans son éventuelle prospérité économique, ou encore le frère, artisan honnête et droit (méconnaissable Michael Wincott).
Ainsi, malgré un vrai talent de mise en scène (découpage, rythme et sens du cadre intéressants), Mueller n'arrive pas à convaincre, faute d'avoir bien su choisir sa cible – un comble d'autant plus amer compte tenu du titre du film.

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire