Critique : Samaria

Vincent Julé | 13 octobre 2004
Vincent Julé | 13 octobre 2004

En 1999, avec L'île et sa fameuse scène des hameçons (pas besoin de plus de détails, ceux qui l'ont vue comprendront), le réalisateur coréen Kim Ki-duk entrait dans le cercle convoité des provocateurs inspirés, chez qui la forme rejoint le fond. Originaires en grande partie d'Asie – du moins pour l'instant –, ces auteurs sont devenus très prisés en France, voire « tendances », avec notamment le sacre d'Old boy de Park Chan-wook au dernier festival de Cannes. Aussi, l'année 2004 a été l'occasion de découvrir, dans le désordre, les trois derniers films de « l'enfant terrible du cinéma coréen » (dixit le dossier de presse) : le contemplatif Printemps, été, automne, hiver… et printemps (2003), le bancal The Coast Guard (2002), et aujourd'hui Samaria, Ours d'argent du meilleur réalisateur au festival de Berlin 2004.

Fait avoué et peu surprenant, la violence, sous ses formes les plus radicales et les plus poétiques, est au centre de l'œuvre de Kim Ki-duk. Sauf que, plus intéressant, il la replace toujours dans un rapport homme/femme. Dans Samaria, ainsi que dans les inédits Birdcage inn (1998) et Bad guy (2001), la prostitution, des lycéennes surtout, en est la principale manifestation. Sur ce thème sulfureux, à vrai dire à la fois attrayant et repoussant, le réalisateur pose un regard ambigu. Les clients sont moins des bourreaux que des pauvres types, tandis que les jeunes filles sont naïves et inconscientes – Jae-young garde toujours le sourire. Le film de Kim Ki-duk relève donc moins de la pure provocation (même quand, comble de l'absurde, Yeo-jin rend l'argent et couche avec les anciens clients de son amie décédée) que d'un désenchantement total. Tous des victimes ? Aucune réponse n'est esquissée. Le réalisateur préfère changer de point de vue et s'attarder sur le père désemparé de Yeo-jin, d'autant plus symbolique qu'il est flic. Cette seconde partie, intense, est peut-être la plus belle des réponses à ce mal inconnu. Inconsolable, perdu, et donc à son tour violent, le père nous renvoie à nos propres démons. Le dernier acte du film, plus calme, est propice à la réflexion, et Kim Ki-duk, avec sa double fin (rêve et réalité), nous laisse, tout comme son héroïne, désarmé, l'estomac noué quant à savoir de quoi sera fait l'avenir.

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