Critique : L'Enquête corse

Patrick Antona | 29 septembre 2004
Patrick Antona | 29 septembre 2004

À l‘annonce de l‘adaptation de la bande dessinée éponyme de Pétillon par Christian Clavier, l'inquiétude était de mise, et avec elle la peur de voir disparaître la causticité du matériel d‘origine. Sacrifiée au rouleau compresseur du tandem Reno-Clavier, une des meilleures peintures satiriques de la Corse d‘aujourd'hui risquait de perdre tout son mordant et toute son ironie. Alors, respect ou trahison ?

Un peu des deux en fait ! Véritable héros de l‘aventure, Jack Palmer, interprété de manière sobre par Christian Clavier (si si !), va se retrouver empêtré, durant une première partie du récit très fidèle à la BD, dans une situation inextricable, et être le jouet de manipulations entre les indépendantistes et la police. Que ce soit son premier contact avec le taxi (« C‘est votre droit ! »), la scène du bar et le mutisme des insulaires, le couple de Continentaux sujet au racket, les interventions hilarantes de Figoli, le terroriste gaffeur (Eric Fraticelli, du tandem comique Tzek & Pido, une révélation !) et l‘enlèvement raté perpétré par les différents groupes concurrents, Jack Palmer n‘est que le spectateur d‘actions qui le dépassent, mais qui arrivent à dessiner de manière un peu caricaturale mais paradoxalement assez fidèle un état des lieux de la société corse. Derrière la comédie et le joli catalogue d'images pittoresques (magnifiées par une belle photo), la critique de la situation sociale de l‘Île de Beauté arrive à point nommé sans pour autant alourdir le propos. On retrouve également un nombre incroyable de seconds et troisièmes rôles, tous du crû local, qui apportent une touche de vérité salvatrice, et ce en dépit d'un certain (et logique) amateurisme.

Malheureusement, autant la première partie du récit sait se montrer séduisante, autant la suite est d'une platitude consternante. Désirant logiquement justifier et faire fructifier leur duo vedette, les auteurs du film transforment ce qui était une très sympathique satire des mœurs et coutumes de la Corse, en banale course-poursuite dans de beaux décors naturels, tout juste égayée par l'arrivée impromptue dans le récit et la vie de Jack Palmer de la sœur d'Ange Léoni, Léa (personnage créé pour le film et « habitée » par la magnifique Catherine Murino). Même si on a un peu de mal à croire à leur romance compliquée, elle offre au film un vrai moment de grâce lors de la scène de veillée funèbre, typiquement corse, et où le jeu subtil de Christian Clavier fait merveille. Quant à Jean Reno, il fait, comme depuis près de dix ans, du Jean Reno. Si sa stature imposante lui permet de camper un indépendantiste plus vrai que nature, le choix de le faire parler avec un accent corse forcé s'avère un peu artificiel sans être totalement gênant.

Si, au final, on est plutôt partagé entre la satisfaction d'une adaptation fidèle de l'œuvre originale, malgré les péripéties ajoutées pour muscler le scénario (excepté une fin différente un peu trop consensuelle et oubliant le mordant de la vignette finale de la BD), et la relative déception de ne pas avoir une suite de gags désopilants, l'humour étant plutôt à rechercher dans les réparties, L'Enquête corse arrive néanmoins à se classer dans les bonnes réussites du genre.

Résumé

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