Critique : Land of plenty (Terre d'abondance)

Julien Welter | 3 septembre 2004
Julien Welter | 3 septembre 2004

Allemand exilé aux États-Unis pour être au plus près du cinéma qui l'a influencé, l'auteur de L'Ami américain livre un regard sur sa terre d'accueil traumatisée par le 11 Septembre. Si les auteurs natifs prouvent en général leur ferveur à dénoncer ou à supporter leurs pays (selon le baromètre médiatique, bien sûr), l'immigré qu'est Wim Wenders tente une réconciliation entre ce qu'il aime et ce qu'il abhorre. D'où cette histoire, au premier (et au dernier) abord très simple, d'une jeune catholique venue d'Israël pour retrouver son oncle, paranoïaque depuis les attentats terroristes.

Peut-être parce que plus instinctif, le réalisateur des Ailes du désir prouve que son œil cinématographique est intact. Les cadrages précis, tout en étant décalés, ambiancés par l'électro-pop de Thom ou les ballades folks de Leonard Cohen, évoquent des paysages urbains et ruraux égarés, et constituent une des rares évocations réalistes d'une Amérique du Nord en marge. En baladant sa caméra avec fluidité, de la ville au désert, il effectue un trajet qui ressemble à un retour sur sa filmographie américaine. La caméra DV achève de procurer la sensation d'une visite touristique qui irait de The Million Dollar hotel à Paris Texas, pour finir par fuir vers ce qu'il n'a pas encore capté de ce pays. Cet aspect, quelques semaines avant l'ode à L.A. de Michael Mann, est ce qu'il y a de plus beau.

[img_right]landofplentycritique5.jpg [/img_right]Car si visuellement Land of plenty tient un discours nostalgique attachant, l'histoire que le film raconte agace. En elles-mêmes, les relations de deux protagonistes que tout oppose sont joliment décrites. Michelle Williams est étonnante dans son interprétation douce et candide d'une jeune femme cherchant un peu de famille, et John Diel est convaincant quand il joue l'homme sur la touche. Mais le récit porte en lui un symbolisme pataud qui démontre un regard humain embarrassé d'un paternalisme bienveillant. Wenders énerve en effet à ne voir les américains d'aujourd'hui que comme des ouailles égarées dans le patriotisme. En prenant en plus des marginaux pour protagonistes, il enferme et verrouille le spectateur dans cette vision compatissante, sans lui laisser aucun espace critique. Impossible de détester l'Amérique fautive dans ce portrait, de voir celle qui est aveugle, de voir celle qui oublie et met au passé une politique d'ingérence dans les pays étrangers, ou de voir celle qui s'enferme à l'intérieur de ses frontières. Cette bonté aveugle achève de limer le mordant des personnages, et finit par ne laisser qu'une œuvre apaisante et quelque peu ennuyeuse pour l'époque et le pays qu'elle aborde.

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