Critique : Love object

Patrick Antona | 3 septembre 2004
Patrick Antona | 3 septembre 2004

En mêlant adroitement plusieurs thèmes de la chronique sociale moderne (la déshumanisation des relations entre hommes et femmes, le monde du travail et son aliénation, la perte de repères humains et du sentiment amoureux, le besoin d'assouvissement des pulsions sexuelles), sans jamais tomber ni dans la lourdeur ni dans la facilité, Robert Parigi tire peu à peu son histoire de la satire sociale vers le drame humain et le fantastique, ménageant quelques scènes-choc, tant au niveau émotion (la réception de « Nikki » par Kenneth) qu'au niveau frisson (la dernière partie du film), sans jamais se départir de son propos, ni virer dans la farce grotesque.

Il est vrai que le jeune réalisateur est aidé par un casting particulièrement juste : le « héros », interprété par un Desmond Arrington (Le vaisseau de l'angoisse, Détour mortel) très en phase avec son personnage, auquel il prête son profil anguleux et son regard inquiet ; la très jolie Mellisa Sage (ex-modèle), qui gagne ici ses galons de comédienne confirmée grâce à une séquence où elle abandonne justement son personnage de belle poupée gentille ; Rip Torn, parfait en patron uniquement intéressé par le rendement de ses employés ; et surtout Udo Kier (plus de 150 films au compteur !) dans un rôle de concierge curieux et dépravé des plus géniaux, qui nous ramène à ses grands rôles des années soixante-dix. Au niveau de la mise en scène, et malgré son petit budget, Robert Parigi réussit à donner à son film un style évoquant le meilleur du cinéma des années soixante-dix (on pense à Cronenberg et Coppola), avec sa représentation d'une urbanité pesante à la photo un peu granulée, entrecoupée de scènes plus « claires » style roman-photo (la scène au bord de la plage), mais aussi par la distance un peu comique qu'il tient par rapport à son scénario (les scènes entre Kenneth et « Nikki »). À l'instar d'un dernier tiers de film éprouvant et au retournement inattendu, bien loin des conventions du happy end à l'américaine, Parigi démontre qu'il maîtrise son récit jusqu'aux ultimes images, avec une note finale poétique, savoureuse et inquiétante à la fois.

Avec une telle entrée en matière, on attend donc bien évidemment avec impatience et une réelle excitation que le cinéaste transforme vite l'essai. Vivement la suite !

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