Renfield : critique ténébreuse

Judith Beauvallet | 30 mai 2023 - MAJ : 30/05/2023 10:02
Judith Beauvallet | 30 mai 2023 - MAJ : 30/05/2023 10:02

Le célèbre vampire Dracula, on l’adore, mais on le connaît surtout en long, en large et en travers tant il a inspiré le cinéma et la fiction en général depuis que Bram Stoker a couché ses aventures sur papier en 1897. Celui dont on parle moins, c’est son serviteur soumis et mangeur de mouches, Renfield, condamné au rôle secondaire de bouffon du comte. Désormais, il a son propre film : une comédie sobrement intitulée Renfield et réalisée par Chris McKay (LEGO Batman : Le film, The Tomorrow War). Nicholas Hoult y prête ses traits au personnage éponyme, face à un Dracula interprété par Nicolas Cage. Une vraie revanche humoristique sur la littérature ?

Pervers vampirique

Le concept du film est si charmant et évident qu’il est presque étonnant qu’il n’ait jamais été mis en scène avant. Bien sûr, tous les films ayant auparavant inclus le personnage de Renfield dans leur récit l’ont dépeint comme un homme maladivement soumis à l’emprise maléfique de Dracula, n’attendant qu’une chose : que le prince des ténèbres lui accorde la vie éternelle et le transforme en vampire lui aussi.

Mais ici, il s’agit beaucoup plus d’étudier avec humour cette emprise à travers le prisme d’une relation toxique tel qu’on le comprend aujourd’hui, avec pervers narcissique, gaslighting et tous les nouveaux outils que l’on a désormais pour identifier les gens qui poussent le bouchon trop loin avec leurs partenaires, amis ou employés. Renfield, que l'on retrouve donc de nos jours, est devenu bien conscient de ce qu'il subit, contrairement aux versions traditionnelles, et en a marre d’être traité comme de la vermine par Dracula.

 

Renfield : photo, Nicholas HoultManger des mouches, c'est pas bon pour le teint

 

L’histoire commence dans une réunion d’anonymes cherchant à se soustraire de l’emprise d’une relation toxique et c’est logique, car au fond, Renfield a les mêmes soucis que les autres, à ceci près que son patron est immortel et qu’il faut lui trouver chaque jour du sang frais. L’exposition est habile, rythmée et drôle, exactement ce que le spectateur peut attendre du pitch du film. Renfield décrit tout ce qu’il ne supporte plus en des termes génériques de relation toxique tandis que le montage nous montre les extravagances fantastiques auxquelles le soumet Dracula, représenté par un Nicolas Cage plus flamboyant que jamais dans son cabotinage ténébreux.

Dans ces premières séquences résident les meilleures idées du film, dont la reprise d’images cultes de vieux films ou vieilles représentations de Dracula avec Cage pour protagoniste, afin de resituer à coup de clins d’œil mi-historiques mi-pop culture l’envergure du pervers narcissique qui malmène le pauvre Renfield. Bref, un départ sur les chapeaux de roues, qui laisse penser que le film va parfaitement remplir son contrat de comédie moderne aux dents longues à la fois franchement drôle et très maligne. Sauf que tout n’est pas si simple...

 

Renfield : Photo Nicolas Cage, Nicholas HoultNicolas et Nicholas

 

VAMPIROUETTE

Car le gros problème, c’est que le scénario semble effrayé par son propre pitch au point de s’en détourner extrêmement rapidement. Alors que le postulat de départ semblait être une mine inépuisable de gags et de dialogues piquants, la substance de celui-ci ne demeure finalement que dans la séquence d’introduction, dans deux-trois références et surtout dans le marketing du film. En effet, le film bascule très vite vers une intrigue vaguement policière, au cours de laquelle Renfield va aider une aspirante inspectrice (jouée par Awkwafina) à démanteler un réseau de trafiquants de drogue.

A partir de là, il sera davantage question de mettre des coups de tatane dans la tronche de méchants qui n’ont rien à voir avec le mythe draculéen que de démêler les rouages d’une relation toxique. Les deux aspects de l’histoire auraient peut-être pu cohabiter, mais ce n’est pas le cas ici et ce qui devait être une psycho-comédie gothique vire à la parodie de film de kung-fu au scénario extrêmement convenu. Il y a donc, pour le moins, tromperie sur la marchandise, et tout spectateur un tant soit peu attiré par le pitch originel aura de quoi être déçu par cette esquive malhonnête.

 

Renfield : photo, Nicholas Hoult, AwkwafinaA la fête forreinfield

 

Renfield aurait pu être le spin-off du Guillermo de What we do in the Shadows qu’on attendait, mais la série de Jemaine Clement reste donc, à ce jour, la meilleure réécriture moderne d’un personnage “renfieldien”. D’autant que même la caractérisation du personnage de “familier” du vampire est vite balayée dans le film de McKay. Renfield apparaît finalement peu comme un homme en souffrance et dépendant des pouvoirs de Dracula, et le simple fait de croquer une mouche le change en une sorte de super-héros pâlichon capable d’anéantir quiconque se trouve sur son passage. Plus loin de la promesse de départ, tu meurs.

 

Renfield : photo, Nicholas HoultIl a vu flou

 

étude (v)empirique

Et pourtant, est-ce si raté que ça ? Sur le papier, oui, indéniablement, puisque le film passe à côté de toutes ses promesses alléchantes et que la personne qui écrit ces lignes ne décolère toujours pas de cette arnaque. Mais il faut reconnaître que, malgré tout, le film fait passer un très bon moment à son spectateur. Pas celui qu’il espérait, certes, mais c'est toujours ça de pris. Parmi les aspects réussis qui rachètent Renfield, il faut citer les scènes de combat, qui relèvent le pari d’être à la fois bien chorégraphiées, bien rythmées, mais aussi souvent belles et très drôles. On lui en pardonnerait presque de s’être travesti en film de kung-fu.

Autre atout majeur du film : le casting. Nicholas Hoult est parfait en gendre idéal miné par la vie qui met des pulls roses pour redonner du goût à celle-ci. Nicolas Cage, qui apparaît malheureusement beaucoup trop peu, donne tout ce qu’il a dans son costume délicieusement répugnant de vampire à moitié décomposé. Enfin, Awkwafina donne un coup de pied dans la fourmilière vampirique en incarnant avec fougue un personnage à la fois râleur comme on les aime et aussi touchant dans son ambition, à des années lumières des love interests classiques et fragilement diaphanes des films de vampires.

 

Renfield : photo, Nicholas Hoult, Nicolas CageVampire en toute inimitié

 

Ajoutez à ça la photographie macabrement colorée comme la maison hantée de Disneyland, qui plonge le spectateur dans une atmosphère de train-fantôme où l’on frissonne plus de plaisir que de peur, et voilà que le pari est presque gagné. Que de bons points, donc, pour rattraper la catastrophe, et force est de constater que l’ensemble fonctionne à peu près et que l’équilibre se fait.

Si Renfield passe à côté du chef-d'œuvre (ou au moins grand film) de comédie noire qu’il aurait pu être, il n’en demeure pas moins une friandise certes un peu trop sucrée, mais à laquelle il serait trop bête de résister.

 

 

Renfield : Affiche française

Résumé

Si Renfield passe complètement à côté de son sujet pour se reposer sur une ébauche de scénario cliché n’ayant rien à voir avec les vampires, il n’en est pas moins un défouloir réconfortant, grâce à ses scènes de baston aussi sanguinolentes que drôles et son casting idéal.

Autre avis Mathieu Jaborska
Une comédie bien plus calibrée que son pitch génial ne le laissait espérer, mais largement sauvé par ses improbables bastons gores et la performance mi-inquiétante mi-grotesque d'un Nicolas Cage en grande forme.
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Lecteurs

(3.3)

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commentaires
Jesper
29/09/2023 à 03:13

Marre des sermons...

On t'offre l'immortalité et des supers pouvoirs, forcément en contre partie on a est toujours l'esclave de quelqu'un...et non faut blablater sur "je veux être meilleur".

Le film ne se prénd pas au sérieux mais le "héros" doit l'être...

Tuer c'est mal sauf quand c'est pour le bien.

Ça aurait pu être tellement jouissif mais ça vire nanar comme toujours.

Matou76
06/06/2023 à 07:55

J'ai du mal a comprendre en quoi le pitch promettait un fimm

Berly
05/06/2023 à 09:28

Un navet, l'histoire n'est pas intéressante, il n'y a rien de drôle, les démembrements a répétition avec éclaboussures de cervelles continuelle... Une perte de temps, à fuir

Tonton
03/06/2023 à 11:38

Une vraie bonne surprise tant la bande annonce ne m'inspirait pas. Les acteurs sont excellents, c'est très drôle et gore.. une vraie bonne série b

Unknown
31/05/2023 à 12:33

Merci Garlick Jr. pour cette recommandation je ne connaissais pas alors que c'est l'adaptation du film de Taika Waititi "Vampires en toute intimité " par Taika Waititi. `

Je me demande même si la série n'a pas "inspiré" ce film qui perso' était sympathique à regarder même si je trouve Awkwafina toujours aussi surcoté ! Allez voir la série ^^

DeMo
30/05/2023 à 22:26

Film assez mauvais ou seul Cage arrive à tirer son épingle du jeu. Les chorégraphies de combat sont du déjà vu, les situations sont abracadabrantes (la fin avec le groupe de parole) et la violence est outrancière. Dommage car il y avait matière à faire quelques choses de bien avec cette relation toxique... Reste du film quelques bonnes idées, un humour qui parfois fait mouche mais qui globalement reste une déception.

Hobben
30/05/2023 à 21:06

Nicolas Cage excellent dans ce film!

Steevo Steen
30/05/2023 à 19:27

Humour débile, Nicolas Cage en roue libre et effets de sang en synthèse dégueulasse : j'ai passé un excellent moment de plaisir coupable !

shivattaque
30/05/2023 à 19:25

Perso je m'attendais plus ou moins à ça et donc, je me suis bien éclaté. Le truc que je n'avais pas prévu, c'est le côté un peu gore qui était délectable.
Je conseille bonne tranche de rire et bon moment passé.

Deny
30/05/2023 à 18:09

Excellent film

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