Black Knight : critique Apocalypse (not) Now sur Netflix

Axelle Vacher | 15 mai 2023 - MAJ : 16/05/2023 10:44
Axelle Vacher | 15 mai 2023 - MAJ : 16/05/2023 10:44

Sept ans après s'être implanté sur le territoire sud-coréen et presque deux ans après l'énorme succès de Squid GameNetflix poursuit sa collaboration avec le pays du matin calme et propose cette fois-ci une mini-série dystopique. Principalement portée par le trio Kim Woo-binEsom et Kang Yoo-seok, Black Knight tire son intrigue d'un roman graphique en ligne développé par Lee Yun-kyun, Delivery Guy, et engage un concept post-apocalyptique prometteur à l'exécution tristement lacunaire.

Working class hero

Si le cinéma sud-coréen a connu une belle incursion au sein des contrées européennes et nord-américaines depuis les années 2000, c'est avant tout depuis le succès retentissant de Parasite – lequel a raflé une Palme d'or au Festival de Cannes 2019 et quatre Oscars à Los Angeles – que s'est réellement ancrée l'appétence du grand public pour ces productions.

Une pandémie plus tard, le carton inattendu de Squid Game sur le géant du streaming a réaffirmé l'intérêt audiovisuel du pays du matin du calme aux audiences occidentales, et simultanément présenté un filon irrésistible au N rouge. Désormais avertie de ce nouveau potentiel critique et commercial, la plateforme s'est, en 2021, décidée à investir la bagatelle de 500 millions de dollars dans la production de contenu original.

 

Black Knight : Photo Kim Woo-binLa nouvelle bonne affaire dans le viseur

 

Mais ce n'était là que le début d'une belle et grande histoire d'amour, puisqu'en avril dernier, Ted Sarandos a gaillardement annoncé que Netflix y réinjecterait 2,3 milliards de dollars. Trente-quatre programmes sud-coréens ont ainsi été prévus à son calendrier 2023, tels que Jung_E en janvier dernier, ou le détonnant Kill Bok-soon en mars. Plus récemment, ça a été au tour de la mini-série écrite et réalisée par Cho Ui-seok (Cold Eyes, Master) d'imposer au catalogue Netflix son univers post-apocalyptique désolé. 

Tournée en partie à Bayanjak en Mongolie et dans le désert de Gobi, Black Knight rend compte d'une atmosphère réminiscente du Mad Max : Fury Road de George Miller. Son récit brassant moult considérations socio-politiques, écologiques et sanitaires n'est, quant à lui, pas sans rappeler ceux de Silo sur Apple TV+, de la saga Hunger Games, voire de la satire catastrophe Don't Look Up.

La série Netflix adresse également le phénomène de lutte des classes. Sujet de tension pour la société sud-coréenne, il s'agit d'une source d'inspiration sans limites pour le cinéma et la télévision locale. Et avec ses districts opposant citoyens aisés et réfugiés, Black Knight semble issu du même giron que ParasiteSnowpiercer, La Servante ou encore Burning. À cela près qu'il ne s'agit nullement d'un tel monument. 

 

Black Knight : PhotoHey Alexa, joue "Respire" de Mickey 3D 

 

 

The parasite game

Que l'on s'entende, le projet ne manque pas d'atouts. Entre ses promesses intrigantes, son univers calciné, le charisme de son trio de tête, ainsi que ses ambitions visuelles et narratives non négligeables, Black Knight présentait tous les éléments d'un succès garanti. Pourtant à mesure que les six épisodes se succèdent les uns aux autres, la série laisse tristement déchanter son spectateur. Pourquoi ? Tout simplement parce que la mise en forme de toute cette belle substance s'avère, sinon inexistante, du moins remarquablement maladroite. 

Pour commencer, bien trop d'arcs narratifs sont introduits pour n'être qu'effleurés par la suite, voire brusquement abandonnés en cours de route. Certes, cela n'enraye nullement le bon déroulement du récit, mais ces quelques segments en encombrent inutilement la lecture. Au demeurant, l'intrigue devient bien rapidement prévisible, et s'il ne s'agit pas là d'un péché capital, autant dire que cela tend à gentiment compromettre tout engagement de la part du spectateur.

 

Black Knight : Photo Kim Woo-binAu moins, c'est joli

 

Non pas que ce dernier avait de toute façon matière à s'engager de prime abord. En effet, difficile de trouver au scénario des enjeux disposés à affoler le tensiomètre, et ce malgré le sérieux de bon nombre de situations. Mais que Cho Ui-seok souffle un coup ; il n'y a pas que son écriture ou sa mise en scène qui sont ici à remettre en question.

Manifestement, quelque chose a pris une tournure regrettable en post-production. Non pas que Black Knight soit visuellement désagréable, loin de là. Néanmoins, il semble évident que certains effets visuels laissent plus à désirer que d'autres, ce qui est d'autant plus étonnant que la série a bénéficié des services de la société VFX Studio Westworld – soit, l'une des sociétés spécialisées les plus performantes du pays.

 

Black Knight : photoDune part two

 

Plus frappant encore que de mauvaises explosions numériques, le montage – approximatif par moment et foncièrement inégal dans l'ensemble – oeuvre plus souvent à l'encontre du récit que l'inverse. Le spectateur aura ainsi tout le loisir de hausser le sourcil et se gratter la tête devant certains choix de transitions plus ou moins abruptes, d'enchaînements de séquences douteux ou, plus simplement, devant son affligeant manque de rythme.

Autant de constats en inadéquation totale avec le budget alloué à la production du projet, lequel serait tout de même estimé à 25 milliards de wons (pour les non-initiés à la monnaie sud-coréenne, cela représente approximativement 18,6 millions de dollars). À titre de comparaison, les neuf épisodes Squid Game auraient été produits pour un total de 21,4 millions de dollars. Cela signifie donc que Black Knight aurait été financé à hauteur de 3,1 millions de dollars par épisode là où un épisode de Squid Game n'en aurait coûté que 2,3. On se demande bien comment.

 

Black Knight : Photo"Vous pouvez gagner beaucoup en jouant à de tels jeux"

 

Mocking, yeah

Aussi, le spectateur se retrouve baladé de scène en scène comme la troisième roue du carrosse et rien (ou presque) ne semble avoir été pensé pour encourager son investissement émotionnel. Il lui sera par exemple pénible de s'attacher aux différents personnages, et ce en dépit de leurs motivations personnelles évidentes, ainsi que des performances savamment maîtrisées des acteurs. 

Les pauvres bougres se retrouvent par ailleurs embourbés jusqu'au cou dans des stéréotypes éculés jusqu'à la corde. Par pitié, que l'on nous préserve d'un énième tandem composé d'un apprenti inexpérimenté au tempérament de jeune chien fou et de son pseudo mentor taciturne au passé trouble – celui-là même a être succinctement dévoilé au moyen de flashbacks disséminés à travers les épisodes comme autant de cheveux sur la soupe.

 

Black Knight : Photo Kim Woo-bin, EsomProtagoniste traumatisé #1 vs Protagoniste traumatisée #2

 

Et si les portraits de héros compendieux, de militaires réticents à obéir, ou de protagonistes aux capacités insoupçonnées ne suffisait pas à barber le public de clichés, les dialogues se chargeront de l'assommer pour de bon. Affirmer que les échanges interpersonnels servent moins à développer les personnages et à leur apporter le minimum syndical de dimension qu'à exposer l'ensemble des retors du récit reviendrait à flirter dangereusement avec l'euphémisme. 

À trop chercher à complexifier plus que de raison sa diégèse, la série cède malheureusement à la boulimie narrative et passe à côté de son message initial. Que Black Knight manque de subtilité et matraque à grands coups de répliques scandalisées qu'une société marquée par les inégalités économiques fleure bon l'indécence est une chose. Que la série perde tout sens de direction sur l'autel du bourrage scénaristique en est une autre. 

 

Black Knight : Photo Kim Woo-binUne dynamique qui mérite le recyclage 

 

On notera malgré tout qu'à l'instar d'une majeure partie des productions sud-coréennes, les scènes d'action sont pour la plupart aussi bien chorégraphiées qu'exécutées, ce qui, en soi, vaut toujours le détour. Le spectateur saura également apprécier les superbes costumes imaginés par Cho Sang-kyung, laquelle a notamment conçu les iconiques uniformes de Squid Game, et est une collaboratrice régulière de l'excellent cinéaste Park Chan-wook (Mademoiselle, Old Boy). C'est à peu près tout.

Somme toute, si Black Knight n'est pas une mauvaise série en elle-même et qu'elle se regarde sans mal, elle donne la sensation d'un produit inachevé. Le concept et les pistes qu'elle s'échine à explorer sont loin d'être mauvais, mais le tout manque de cohésion. Disons que ce n'est pas dramatique, mais que c'est certainement décevant. 

Black Knight est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 12 mai 2023

 

Black Knight : affiche, Kim Woo-bin

Résumé

Malgré ses ambitions, son concept prometteur et son message politique, Black Knight laisse au spectateur un sentiment de profonde insatisfaction. Simultanément trop riche et lacunaire, la série oublie bon nombre de ses propres principes en cours de route et aliène inexorablement son héros et sa mythologie. Il y avait pourtant bien du potentiel, mais le tout manque trop de direction et de panache pour prétendre l'exploiter pleinement.

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commentaires
Eric Pelletier
18/05/2023 à 19:11

Pareil, j'ai visionné les 15 premières minutes, jusqu'au moment où un mec rentre dans le camion blindé en défonçant une grille de protection en acier côté fenêtre passager !!! Voilà quoi, wtf !! Comment tu fais tomber une grille en acier soudée à la fenêtre avec tes pieds ??? Ce moment naze ou hulkéen m'a vite fait changer de programme...

Eddie Felson
16/05/2023 à 21:36

Bah tout pareil! J’ai tenu 15/20mn avant d’aller lancer la série « Braqueurs » … good choice! Passez votre chemin pour la série « Black knight »!

Deny
16/05/2023 à 13:15

C'est un nouveau jeu? Il faut tenir le plus longtemps? Je vois un record à 15min de @Peluche!

ELMAX
16/05/2023 à 08:07

Petite erreur, c'est Bong Joon-Ho qui a réalisé The host

steve
15/05/2023 à 21:58

Assez friand de productions Sud-Coréennes, ce 1er épisode vu m' a surtout fait penser à une série... américaine de base avec rythme décuplé et musique de fond omniprésente (quasi insupportable ) Je devrais pas le dire mais j'ai fait un parraléle avec Batwoman en tête pendant le visionnage ce qui est un comble. Du coup, là aussi, je m'arrête là je crois...

Peluche
15/05/2023 à 19:00

Tout pareil, je me doutais que cette série allait être moyenne mais j'ai pas tenu plus de 15 minutes également.
La première scène de combat ou le héros se fait attaquer dans son camion... La position la plus sûre est bien évidemment a découvert en haut de la cabine... Idem la scène de baston ou le héros avance sans arme vers un mec qui le tient en joue avec un fusil. Tout à fait crédible.

Bref, soit je suis trop exigeant ou je dois pas être là bonne cible pour ce type de série médiocre.

J'y connais rien en montage et en post prod mais y pas un mec de la boîte de prod qui se manifeste pour dire que c'est clairement ridicule comme intro de série gros budget ?

Next.

Axelle Vacher - Rédaction
15/05/2023 à 13:49

@Delanodelaney / dix points pour Gryffondor

Bimbimzap ...
15/05/2023 à 13:05

Je me rends compte que j'aime le cinéma coréen et les séries coréennes ...
Comme tout autre spectacle, quand il est bon.

Et bien ... 10 minutes, c'était le max de supportable.
Pourquoi ?
cf commentaire de Delanodelaney

Delanodelaney
15/05/2023 à 12:53

A priori, cela avait tout pour être ma came: j'aime les dystopies, les ambiances post apocalyptique et le cinéma coréen... Et je n'ai réussi à tenir que 11 minutes.
L'image est d'une grande laideur avec ce filtre ocre et une vilaine post prod de tempête de sable pour les extérieurs qui donne l'impression d'avoir été tourné dans un terrain vague de 30m2.
Tous les effets numériques (explosions, cartes de la ville et véhicules en 3D) semblent avoir été rendus avec le moteur de Paint 3D, les 10 premières minutes enchaînent les clichés visuels et scénaristiques à une cadence propre a outrer les syndicalistes de l'usine de Flains... Bref, c'est pour moi un gros ratage pour une série dont le pitch m'avait donné grand faim. Dommage. Du coup, j'ai zappé sur thé Diplomate (autre salle autre ambiance) et je ne m'en plains pas !

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