Le Cratère critique sans fond sur Disney+

Axelle Vacher | 12 mai 2023
Axelle Vacher | 12 mai 2023

Quelque part entre les sorties des adaptations en prises de vues réelles de Peter Pan et de La Petite Sirène, le brave Mickey a concédé à enrichir son catalogue Disney+ de contenu original. Coming of age spatial à demi dystopique, Le Cratère vient donc gentiment s'inscrire dans la lignée des quelques productions SF du studio, tels que Le Trou noir (1979), Milo sur Mars (2011) ou encore, À la poursuite de demain (2015). La souris serait-elle enfin en passe de s'éloigner des sentiers battus ? Bien essayé, mais pas vraiment.

À la poursuite de l’originalité

Disons que la genèse du Cratère se distingue nettement des autres productions estampillées par Mickey. Si les plaisanteries relatives au manque de propositions originales du studio peuvent effectivement être de rigueur, c'est surtout par la nature même de son scénario que le film dirigé par Kyle Patrick Alvarez (à qui l'on doit notamment l'étonnant The Prison Experiment : L'Expérience de Stanford) fait figure de marginal. En effet, le récit n'a pas été commandé par Disney et son écriture nullement confiée à un tiers comme c'est pourtant la coutume au sein de l'industrie.

Non, l'histoire à l'origine du Cratère provient en réalité d'un script spéculatif, soit, un scénario non sollicité rédigé par un auteur indépendant dans l'espoir qu'il soit acquis par un producteur, une société, ou un studio. Et effectivement, en 2015, encouragée par un concept développé par le spécialiste des effets spéciaux Rpin Suwannath, la 20th Century Fox rachète le bébé de John Griffin pour le transposer à l'écran. Néanmoins, ce qui devait arriver arriva, et après le rachat de la Fox par Disney en 2019, le projet s'est retrouvé suspendu indéfiniment. Les affaires sont les affaires, comme on dit. 

 

Le Cratère : photo, Thomas Boyce, Mckenna Grace, Isaiah Russell-BaileyAttendre

 

Mais en 2021, le scénario est excavé du tiroir, et le cinéaste Shawn Levy (La Nuit au Musée, Stranger Things), brièvement attaché à sa réalisation avant d'être finalement relégué au statut de producteur. Un rôle à l'influence perceptible malgré tout, toute ressemblance entre ce récit initiatique porté par un casting de pré-ados méconnus et un certain phénomène Netflix n'étant sans doute pas fortuite. 

Dans l'idée, Le Cratère semble donc plutôt bien parti. Il propose quelque chose de nouveau et les prémisses de son récit ont beau être simplistes, elles ne sont pas dénuées d'intérêt pour autant. Même en termes visuels, le film est modérément correct, un constat qui mérite d'être souligné en ces temps de SFX douteux et à demi fini. Alors oui, sur le papier, ça tient la route.

 

Le Cratère : photo, Mckenna Grace, Isaiah Russell-Bailey, Billy Barratt, Brady NoonDans l'ordre :Lucas, Max Steve, Dustin et Mike

 

Un raccourci dans le récit

Le souci, c'est que la route est verglacée, et que le film a les pneus lisses. Certes, l'idée est sympathique, mais l'exécution est aux abonnés absents. Les diverses péripéties des jeunes protagonistes sont ainsi déroulées au spectateur comme on lui présenterait une liste de courses : bêtement, sommairement et avec la poésie d'un bulletin météo. En résultent des séquences tièdes se succédant les unes aux autres comme on enfilerait des perles. Oui, les actions se suivent, oui, l'ensemble est lisible, mais c'est à peu près tout.

Difficile au demeurant de se raccrocher à la mise en scène, laquelle est tout bonnement dénuée de la moindre proposition un tant soit peu intéressante. Là encore, la direction est honnête. Aucune offense esthétique ou technique n'a été commise par Alvarez et son équipe, même si on pourrait arguer qu'il s'agit-là du minimum syndical pour un film (et d'autant plus lorsque celui-ci dispose d'un budget estimé à 53,4 millions de dollars). Mais où diable est la magie là-dedans ? Les ambitions ? Les prises de risques ? Le panache ?

 

Le Cratère : photoUne créativité à l'image de la flore lunaire

 

Malheureusement pour lui, le spectateur ne pourra pas vraiment compter sur les personnages pour trouver un quelconque intérêt dans ce gloubi-boulga insipide. Que l'on s'entende, il ne s'agit pas de jeter la pierre aux différents interprètes de ce spectacle abyssal. À vrai dire, ces derniers s'en tirent passablement bien au vu du néant de leurs partitions respectives. Mais par pitié, que quelqu'un envoie des agents de recherche en salle d'écriture afin de mettre la main sur la personnalité et le développement perdu de ces pauvres bougres.

Inutile de dire que face à tant d'indigence artistique et narrative, l'engagement du spectateur flirte outrageusement avec la mort cérébrale. Les enjeux du récit ? La légende raconte qu'ils passent à la même fréquence que la comète de Halley. La scène où les marmousets semblent en passe de passer l'arme à gauche ? Si des sourcils se haussent, c'est probablement parce que le public est en train de bâiller. La séquence finale ? Allez salut, merci. Passez Le Cratère à un proche dans le coma et ce dernier devrait reprendre conscience pour mieux se débrancher lui-même.  

 

Le Cratère : photoDestination nulle part

 

Million Dollar Nothing

En réalité, on ne sait pas trop ce que Disney a souhaité faire avec ce film. Un petit coming of age dans l'espace ? Un commentaire politique sur le gouffre économique grandissant entre les classes ? Une réflexion sur les acquis dont chacun dispose inconsciemment au quotidien ? Excellente question. Néanmoins, il s'agira de téléphoner à Griffin pour en savoir plus, puisque le récit ne se donne jamais la peine d'explorer réellement ces pistes potentielles.

C'est d'autant plus frustrant qu'il suffit de plisser les yeux pour découvrir les ambitions au fond de l'abîme. Avec son élaboration maladroite d'un futur dystopique où l'humanité s'est vue contrainte de migrer sur la Lune, sa colonie minière, son organisation sociale qui rappelle (très, très) vaguement Snowpiercer, ou encore, le décès plus que douteux du père de Caleb (Isaiah Russell-Bailey), l'univers du Cratère présentait bien assez de matière pour en faire un projet éclairé.

 

Le Cratère : photo, Isaiah Russell-Bailey, Kid CudiAh et sinon, il y a Kid Cudi pendant approximativement trente secondes

 

Non pas que tout média ait le devoir de proposer un commentaire pénétrant sur l'actualité, mais s'il s'y prête, pourquoi s'en priver ? Pourquoi se contenter de gratter distraitement la surface de problématiques dont les échos se retrouvent au journal de 20h ? Une fois que la tentative d'un commentaire est posée sur la table, la balayer sobrement d'un revers de la main est une démarche au mieux lâche, au pire, hypocrite.

Malgré ses bonnes intentions et son concept un tantinet original, Le Cratère n'est donc jamais qu'une énième entreprise banale et formatée, sans âme ni réelle conviction. Est-ce qu'il y a des choses plus graves dans la vie ? Évidemment. Mais investir autant de temps, d'argent, d'individus et d'énergie pour aboutir à un résultat plus unidimensionnel qu'un monochrome sur toile frise le ridicule. L'époque où Disney savait encore émouvoir semble bien loin désormais, mais bon. L'espoir fait vivre, il paraît.

Le Cratère est disponible sur Disney+ depuis le 12 mai 2023

 

Le Cratère : affiche

Résumé

Le Cratère c’est un peu comme du tofu ; le potentiel est là, et une bonne marinade aurait suffi à le rendre si non exaltant, du moins intéressant. Mais en l’état, c’est insipide.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(2.9)

Votre note ?

commentaires
Jean Poissecaille
18/05/2023 à 19:20

Le vrai visage de Disney, soap, soap, soap !

Axelle Vacher - Rédaction
15/05/2023 à 16:15

@Et sinon ? / La rédactrice vous informe poliment qu'il s'agit, comme le titre l'indique, d'une critique du film, et non d'un synopsis. Que si vous souhaitez en apprendre davantage sur le récit, il existe des bases de données spécialisées comme Allociné, IMDB, ou même Wikipédia. Et enfin, qu'elle ne crache pas son venin, mais donne son avis de critique cinéma sur le film en question (avis que vous êtes au demeurant en mesure d'ignorer si le coeur vous en dit).

Et sinon ?
15/05/2023 à 03:51

La REDACTRICE, comme apparemment c'est important de le souligner (pourquoi ? Bonne question... Mais après c'est les autres les sexistes hein, avec nos habitudes de ne pas tenir en compte si l'article est écrit par un homme ou une femme.), ne juge pas de définir le film mais se contente de crasher son venin. Je suis venu pour en apprendre plus sur ce film et suis reparti avec encore plus de question. Le "journalisme" c'est pas donné à tous...

Dash
14/05/2023 à 20:47

Le film en lui-même vaut 3 étoiles mais le final m'a réellement pris par surprise et vaut bien 4. Ça reste un film familial porté sur l'aventure et les émotions, comme Disney en a beaucoup fait au cours de son histoire, par exemple Les Aventures de Huckleberry Finn. Mais c'est bien fait.

Walk walker
13/05/2023 à 23:40

Une bonne surprise pour moi
Même si ce n'est pas le film de l'année
C'est loin d'être complètement nul.les trucages sont bien faits dans l'ensemble.
Ça passe relativement vite.
Ça aurait mérité 3 étoiles.

Axelle Vacher - Rédaction
13/05/2023 à 13:22

@chrisprattforever | *rédactrice. Bisous.

ChrisPrattForever
13/05/2023 à 13:08

C'est bien beau de pondre une critique à charge mais sinon, ça parle de quoi? Car si tout le staff préposé à l'élaboration de la chose a déclaré forfait, il semblerait que le rédacteur d'EcranLarge aussi... Bisous

Claude Zizi
12/05/2023 à 12:50

"Si non exaltant"....

votre commentaire