La Vie pour de vrai : critique d'un Dany Boon qui donne la mort pour de vrai
Après le désastre de 8 Rue de l'Humanité et quelques pérégrinations chez Christian Carion et François Ozon, Dany Boon revient à lui-même, rappelle ses camarades Kad Merad et Charlotte Gainsbourg, et se construit un rôle à sa mesure dans La Vie pour de vrai, qu'il écrit et réalise. Un film d'auteur donc, ainsi qu'un invraisemblable Dany Boon movie quasi pur jus, dont la tendresse apparente enrobe bien mal ses sermons pénibles sur le monde moderne et sur Paris. Ah oui, et en plus, ce n'est jamais drôle, même par accident.
LES PARIS SONT TOUS VERTS
Chantre de l'humour régional et "populaire" (notez les guillemets), Dany Boon paraît développer une petite obsession à l'égard de Paris et des Parisiens depuis quelques films. Parisiens de la haute dans La ch’tite famille, puis Parisiens du bas confiné dans 8 Rue de l'Humanité, et désormais Parisiens moyens dans La Vie pour de vrai : le cinéaste semble avoir à coeur d'investir l'imaginaire de la capitale et de ses habitants.
Mais ce sera cette fois-ci par un point de vue extérieur : exit l'architecte designer intégré ou le parisien de toujours. Dany Boon est dorénavant un "enfant du Club Med", comprendre, le fils d'un couple d'animateurs français installés au Mexique. Formaté par la pensée Club Med (au point de s'appeler Tridan, avec la faute) et n'ayant jamais vu la France, notre personnage principal est donc un héros Boonesque par excellence, à savoir un candide inadapté comme il sait les incarner et comme on en écrit depuis... hé bien, depuis un certain conte philosophique nommé Candide justement.
Bien entendu, Dany Boon connaît ses classiques, et ce serait sous-estimer son intelligence littéraire que de croire que son film ne va pas s'appuyer sur ce ressort ayant fait ses preuves pour faire passer plusieurs commentaires. Derrière l'apparente tendresse de Tridan le simple, il y a bien une réflexion qui anime l'œuvre, qui vient lui apporter de la finesse.
Là où ça coince, c'est que ladite réflexion se complaît dans le caniveau des pigeons éclopés et des caricatures BFMTV, des "zones d'émeutes" aux chauffeurs VTC clandestins voleurs qui font des courses poursuites avec les taxis pour des clients, en passant par l'eau jaune qui sort du robinet. Mais surtout, Dany Boon échoue totalement à dresser le portrait d'un monde moderne déshumanisé, qu'il réduit au désastre des jeunes qui écoutent de la musique dans le métro et à la décadence des Parisiennes sur Fruitz. Une satire bien opportuniste qui ira jusqu'à l'hypocrisie parfaite à l'occasion de deux placements de produit complètement assumés... pour Fruitz justement.
Il fait sa tête d'ahuri une séquence sur deux, on est bien dans un film de Dany Boon
VOUS AVEZ DIT BOURGEOIS BOHÊME ?
Soit la promotion exacte de ce qu'entend croquer Dany Boon avec son personnage de romantique amoureux depuis 42 ans d'une fille qu'il a rencontrée à 8 ans et n'a jamais revue. Lui a le sens de l'essentiel. Il le chante d'ailleurs : la misère est moins pénible au soleil. La femme de sa vie, en revanche, est perdue dans la superficialité urbaine, incapable de dénouer sexe et amour. La preuve, elle couche toujours le premier soir. Heureusement, au milieu des pêches et des pastèques, mieux que cette patate bougonne de Kad Merad, il y a ce cornichon de Dany Boon.
Elle part du mauvais pied, mais on admettra volontiers que La Vie pour de vrai surprend dans une deuxième moitié en arrêtant le tir comique et braque sur une tentative d'authentique film d'amour. Dommage que ce virage occasionne également une délocalisation géographique du film, qui soudainement préfère aller déambuler dans l'Ouest parisien, du côté du musée d'Orsay ou sur les bateaux-mouches pour son segment amoureux plutôt que de rester dans le 11e avec ses clodos qui puent.
Heureusement qu'on ne dépassera jamais le périph', mais comme quoi, il n'y a bien qu'un certain Paris qui mérite d'être tartiné de caricatures aux yeux de Dany Boon le comique du bon peuple. Mais dommage que ce segment soit, par-dessus tout, profondément ennuyeux et refuse catégoriquement d'interroger outre mesure les différences sociales. Soit ce que fait toute bonne comédie classique depuis Aristophane.
On a cru pourtant pendant les premières scènes de Charlotte Gainsbourg que son personnage aurait pu avoir la capacité d'ouvrir et aérer le film. La Vie pour de vrai touche même du doigt quelque chose d'intéressant sur la violence des hommes, envers laquelle le film s'honore d'être plus impitoyable qu'on n'aurait osé l'espérer.
Comme le pire des amants qui n'accepte que les qualités et rejette les défauts
SACCAGE PARIS
Malheureusement, le guignolesque rattrape aussi cette deuxième moitié de film pourtant plus sérieuse que la première. Tiraillé entre deux tons, La Vie pour de vrai rend impossible toute croyance, et finalement, toute adhésion aux personnages, que l'on apprécie les valeurs qu'ils représentent ou non.
Il faut dire qu'ils reviennent de loin, car leur point de départ est un empilement de quiproquos au mieux bien trop fortuits et au pire complètement abracadabrantesques. Que Tridan n'ait jamais vu la France ni la ville est une chose, mais qu'il ne connaisse pas le concept de payer l'addition au restaurant est royalement absurde.
Et là, il fait l'accent chinois
En résulte une tentative de dynamique à L'Emmerdeur entre lui et son demi-frère inconnu dont le moindre essai comique échouerait misérablement à faire sourire un quokka défoncé au protoxyde d'azote. C'est pourtant une règle universellement reconnue et inscrite dans les conventions de Genève, mais les vannes sur les accents sont considérées depuis des lustres comme des déclarations de guerre au rire, et a fortiori quand il s'agit de parodier l'accent de touristes chinois, qu'ils viennent de Roubaix ou de Hubei (ça vient du film, rangez votre flingue).
Hommage ou aveu d'échec, La Vie pour de vrai ira même jusqu'à tenter de recourir dans son ultime segment à la fameuse poursuite destructrice en voiture. Le Corniaud est bien loin cependant, et en lieu et place d'un authentique saccage de Paris, tout juste aura-t-on droit à quelques éraflures et un tonneau. Réalisé grandeur nature certes, mais pas de quoi réveiller son grand-père pendant la sieste, ni de quoi impressionner un rat des villes en pleine digestion d'un morceau de poubelle brûlée. Circulez, il n'y a définitivement rien à voir ni de quoi rire.
Lecteurs
(1.5)16/05/2023 à 09:36
Je n'en attendais rien, j'ai trouvé ça plein d'humanité, de tendresse et j'ai même un peu ri. Même bien ri à plusieurs reprises
14/05/2023 à 22:35
J'ai beaucoup ri. Soit, la fin est prévisible mais les acteurs sont bons. C'est du bon Boon !
07/05/2023 à 17:33
M. Boon il faut vous reconvertir et vite. Je suis sortie de ce film déprimée comme jamais. Comment a-ton pu en arriver là. Quel désastre !
04/05/2023 à 13:36
Entièrement d'accord avec votre critique. Le cinéma français en prend un coup surtout quand un présentateur télé fait la promo du film en les déclarant les meilleurs acteurs français depuis 15 ans... on se dit alors mais comment sont les autres ??? Pourtant on peut avoir quelques bons films et très bons acteurs en France mais les films actuels tournent trop autour des thèmes de société de manière conventionnelle, sans la réflexion nécessaire autour du thème.
Et on aimerait voir en France plus facilement et plus souvent les excellents films étrangers...
Sinon, à nos livres !
27/04/2023 à 23:09
De la putasserie dans les grandes largeurs on sort triste et déprime cela me rappelle un film avec Franck dubosc qui se passe sur un navire de croisière dont j’ai oublié heureusement le titre mais que je n’ai vu qu’à la télé si vous voulez vous consoler Allez voir Mon crime de François Ozon pour vous reconcilier avec le septième art
24/04/2023 à 19:40
Film de merde, j’ai passé un mauvais moment du début à la fin. J’ai même regardé le live de yassencore tellement j’me suis fait chier. Ni aller surtout pas, à cause de se film j’ai même perdu ma meuf
23/04/2023 à 22:45
Quel navet , tellement envie de sortir avant la fin. Ne dépensez pas votre argent pour ça !
23/04/2023 à 16:16
@Omega3
Tu as bien résumé le problème du Cinéma Français mais le vrai problème c'est les histoires sans envergure inepte. J'ai vu Les Conplices je m'attendais à rien et j'ai vu une version de JOHN WICK belge avec pour une fois excellent François Damiens un tueur à la vue d'une goutte de sang tombe dans les pommes. C'est du grand n'importe quoi ! Mais j'apprécié ce délire.
23/04/2023 à 02:58
Il serait grand temps d'actualiser le cast FR mais genre vraiment...
21/04/2023 à 18:24
Il me faisait marrer en spectacle, mais decidzment, au ciné, je le préfère dans les films des autres.