Evil Dead Rise : critique d'un nouveau délire gore

Mathieu Jaborska | 18 avril 2023 - MAJ : 19/04/2023 15:06
Mathieu Jaborska | 18 avril 2023 - MAJ : 19/04/2023 15:06

Dix ans presque tout pile après le g(l)orieux remake Evil Dead, et cinq ans après l'annulation scandaleuse de la série Ash vs Evil Dead, la saga Evil Dead est de retour au cinéma, avec Sam Raimi et Bruce Campbell aux postes de producteurs exécutifs et le prometteur Lee Cronin (The Hole in the Ground) derrière la caméra. Evil Dead Rise promet ni plus ni moins qu'un bain de sang urbain bien poisseux. Et comment résister à l'envie de plonger dedans la tête la première ?

Enterrer le ash de guerre

Se lancer dans la production d'un nouveau Evil Dead, c'est faire face à un sacré casse-tête. Miraculeusement, toutes les approches possibles ont été expérimentées avec brio. La trilogie originale naviguait de l'horreur hyper-fauchée au burlesque pur et se risquait déjà à quitter les bois, le temps d'une escapade au moyen-âge mémorable. L'excellent remake (oui, ça existe) de Fede Alvarez avait pris le monde de court en s'assurant de ne pas empiéter sur les plates bandes comiques de Sam Raimi, avec à la clé une orgie gore dont la beauté apocalyptique a depuis rarement été égalée. Quant à la non moins excellente série, elle jouait très habilement la carte de la nostalgie et retrouvait la frénésie d'Evil Dead 2 et 3.

 

 

Difficile pour Lee Cronin de trouver sa place dans la saga, les deadites et leurs délicieuses atrocités ayant été cuisinés à toutes les sauces (et surtout à la sauce tomate). Le cinéaste s'incline : Evil Dead Rise revient volontiers à l'ambiance poisseuse du remake et réitère sa promesse, à savoir un pur film d'horreur en huis clos déversant des hectolitres d'hémoglobine sur son spectateur. Toutefois, il emprunte un peu plus franchement à Sam Raimi son écriture hyperactive, quitte à parfois virer très succinctement au slapstick qui a fait la légende d'Evil Dead 2.

 

Evil Dead Rise : photoJésus 3 le maudit

 

Face au lourd héritage avec lequel il doit composer, le réalisateur choisit la voie de la modestie. Et c'est tout à son honneur. Le film n'a pas pour ambition de détourner ou réinventer la mythologie délirante inventée par son producteur, mais de piocher beaucoup dans le remake, un peu dans la trilogie afin d'assembler sa propre montagne russe gore. Une fois le train engagé dans la descente, avec la bénédiction d'un caméo audio de Bruce Campbell, le rythme faiblit rarement et les inconditionnels seront ravis de constater qu'une bonne partie des instruments de cuisine (dont une rape à fromage !) sont mis à contribution. 

Le metteur en scène reste dans le giron d'Alvarez, s'adjoint les services d'un des chefs-opérateurs attitrés d'Ash vs Evil Dead, et étale sa charcuterie sur les murs. Forcément, ce carnage fait parfois pâle figure à côté de celui de 2013. L'Uruguayen usait avec parcimonie des CGI, quand son successeur, avide de multiplier les gros plans graphiques, exhibe parfois malgré lui l'artificialité de ses effets (dans la scène des ciseaux par exemple).

 

Evil Dead Rise : photo, Alyssa SutherlandAvez-vous une minute pour parler de notre sauveur Sam Raimi ?

 

Rise est moins viscéral, moins méchant, moins vicieux, moins beau, moins épique, moins tout, mais n'en demeure pas moins un bel assortiment de tripailles diverses. À l'instar de son climax, qui échoue à recapturer les dernières minutes de son modèle, mais fait tout de même preuve d'une générosité foutrement jouissive. Pour peu qu'on accepte l'humilité du cinéaste, difficile de bouder son plaisir face à tant d'éclaboussures cramoisies, d'autant que la mise en scène est à l'avenant, ponctuée d'audaces bien senties (l'usage des demi-bonnettes).

 

Evil Dead Rise : photoFlou gorien

 

Quand on arrive en ville

La seule originalité, c'est donc la délocalisation en ville. Comme Ghostface, le livre des morts (qui a pour l'occasion fusionné avec le manuel vorace d'Harry Potter 3) s'adapte à l'environnement urbain. Mais contrairement à Scream VIEvil Dead Rise se limite à une seule unité de lieu (une vieille tour résidentielle) et une seule unité de temps (une nuit). C'est à l'occasion d'un tremblement de terre que le jeune Caleb tombe sur des reliques oubliées et par conséquent met en danger sa petite famille. La recette date de 1981 et ne vieillit pas, même si sa transposition dans un immeuble parait un poil mécanique. L'exposition agite maladroitement ses fusils de Tchekov pendant un bon quart d'heure.

Car le film est très efficace quand il prolonge le massacre du remake (une scène d'introduction insérée au forceps se charge de faire le lien), amusant quand il rend hommage à l'oeuvre de Raimi, mais il montre ses faiblesses au moment de faire exister ses personnages. Pour la plupart, ils sont caractérisés au doigt mouillé selon les intérêts de la jeunesse actuelle ou, tout du moins, l'idée que s'en fait le scénariste (l'ado détient une collection de vinyle qui ferait pâlir Jeff Mills de jalousie).

 

Evil Dead Rise : photoLa jeune Nell Fisher

 

Bien plus malin qu'il n'y paraissait à l'époque, le scénario d'Alvarez et de son compère Rodo Sayagues utilisait le sevrage de son héroïne comme carcan narratif, offrant à la fois des prémisses idéales et une structure ambitieuse, puisque Mia faisait littéralement un aller-retour en enfer. À la place, Cronin s'intéresse aux premières semaines de la grossesse du protagoniste campé par Lily Sullivan. Forcée de protéger la petite famille d'une mère devenue monstrueuse, elle subit une formation express à la maternité.

Une idée intéressante, largement mise en avant lors de la promotion, mais finalement assez mal utilisée. Non seulement les enjeux empêchent le récit de virer au pur sadisme, mais le cheminement psychologique de Beth épouse presque un arc de rédemption dans la grande tradition hollywoodienne, voire un soupçon de moraline américaine. Un travers auquel la saga avait jusqu'ici à peu près réussi à échapper, et qui prouve une fois de plus la difficulté de la tâche plutôt qu'une affiliation à la petite vague de reboot réac' du moment (oui on pense à Massacre à la Tronçonneuse version Netflix). 

En effet, Evil Dead Rise pèche au pire par sa sincérité et c'est en écrivant à son sujet qu'on réalise que son plus grand défaut est de sortir 10 ans après un film d'horreur auquel il sera obligatoirement comparé. Sans ce spectre, ses défauts masqueraient à peine la sympathie qui s'en dégage. Toujours groovy, quoi.

 

Evil Dead Rise : Affiche

Résumé

Beaucoup moins bien écrit et un poil plus artificiel, Evil Dead Rise souffre de la comparaison avec le remake, mais n'en reste pas moins un tour de montagne russe gore hautement recommandable à qui aime la charcuterie fraiche.

Autre avis Geoffrey Crété
Moins radical, moins malin, moins beau, moins fou : Evil Dead Rise est peut-être bon au rayon charcuterie de grande surface, mais c'est un mauvais Evil Dead, qui tombe dans quasiment tous les pièges évités par le remake. Et ainsi, Evil Dead devint un presque banal film d'horreur.
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Lecteurs

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commentaires
@tlantis
10/05/2023 à 00:00

J’ai attendu tous le film de kifffer et j’en suis ressorti bien déçu .
Il manque clairement de tout pour kiffer et j’ai été bloqué pas les fx fait à la truelle , genre surtout ceux derrière la porte .
Mais bon sa ma donne envie de revoir le 2,3 et pourquoi pas le remake

Maxibestof
27/04/2023 à 11:04

Assez décevant, surtout après l'excellent opus de 2013..
D'ailleurs je ne comprends toujours pas pourquoi il n'y a pas eu de suite directe à celui de 2013, surtout que le film avait bien marché (si je ne m'abuse!) et qu'ils avaient très rapidement parlé d'une suite (et ils avaient déjà l'idée d'une suite qui ne se passerait pas dans la cabane). Celui-ci reprend l'idée d'une suite délocalisé (et reprend peut-être en parti un éventuel scénario qui aurait été écrit juste après celui de 2013 ??).

Vomito
23/04/2023 à 19:19

Déçu, on est pas loin de la production Netflix.
C'est téléphoné, sans idées et banale pour un ED.
Ça reste un film d'horreur sympatoche du Samedi soir entre pote mais pour du Evil Dead c'est clairement mauvais.

@tonton
20/04/2023 à 22:13

J'ai beaucoup aimé. Une bonne série b sévère et gore. Oui y a des lacunes -levolution de l'héroïne est prévisible- mais c'est généreux, et perso j'ai préféré au précédent

Nickdabaro
20/04/2023 à 10:55

Tout à fait d'accord avec votre critique.
Un bon petit film très honète mais qui, comparé avec le remake que j'adore m'a paru bien trop gentil avec ses personnages, enfants oblige mais pas seulement (la fameuse râpe à fromage sous utilisée).

Le film de 2013 n'hésitait pas à martyriser tous ses protagonistes (j'ai encore mal pour la main de celui à lunettes...) mais ici, chaque fois que le réal peut franchir la ligne du sadisme, il s'arrêtre juste avant ce qui est frustrant sur la longeur.

Cela fait malgré tout plaisir à l'heure des films d'épouvante pour ado ne se basant que sur un enchainement de jump scare d'avoir une proposition plus gore.

Marc the EVIL
19/04/2023 à 22:24

j'en sort à l'instant de EVIL DEAD RISE en générale je détestes les films horreurs mais j'ai appécié j'ai pas fait ma flipette c'est sanglant , EVIL DEAD sans Ash ! Pour les puriste je pense que c'est sacrilège au finale j'ai appécié la fin est tranchante sanglante et le meilleur rôle pour la Tronçonneuse.

Terminéator
19/04/2023 à 16:08

C’est une suite directe au remake de 2013 ?

Bob nims
19/04/2023 à 15:17

Franchement bon ce nouveau evil dead la mère est excellente, la fin est un festival à voir !

Rorov94m
19/04/2023 à 11:19

Finalement les seules bonnes suites de la trilogie originale c'est la série TV.
Esprit respecté, ultra gore, loufoque, politiquement incorrecte....

Geoffrey Crété - Rédaction
19/04/2023 à 11:11

@Victors

Je n'aime rien. Je le lis sur internet et dans les commentaires régulièrement donc c'est forcément vrai.

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