Bonne conduite : critique qui donne des bons points

Antoine Desrues | 28 mars 2023
Antoine Desrues | 28 mars 2023

Après avoir réalisé les sketchs du Palmashow, à la fois pour le web et la télé, Jonathan Barré est passé sur grand écran avec La Folle histoire de Max et Léon et Les Vedettes, écrits et portés par le duo d’humoristes. Si Grégoire Ludig et David Marsais sont toujours présents dans Bonne conduite en tant que seconds rôles, cette étonnante comédie bretonne sur une serial killeuse (incarnée par la géniale Laure Calamy) est moins un film “du Palmashow” que l’œuvre personnelle d’un cinéaste discret.

Permis de tuer

À première vue, Jonathan Barré peut sembler effacé derrière l’humour du Palmashow, qu’il soutient depuis de nombreuses années en assurant la mise en scène de leurs sketchs. Pourtant, le réalisateur est un rouage essentiel de leur dynamique comique. Avec le temps, il a perfectionné la captation de leur tempo et de leur langage corporel, et a acquis un savoir-faire indéniable dans le pastiche de nombreux styles de réalisation. Clips, publicités, jeux télé, reportages : tout y passe sans jamais que la moquerie ne l’emporte sur la connaissance aiguë des codes.

Le cinéaste l’a d'autant plus prouvé lors de son passage au cinéma, alors que La Folle histoire de Max et Léon a pris le risque de convoquer le film d’époque et l’héritage de Gérard Oury pour mieux moderniser l’ensemble. En transitant du petit au grand écran, Jonathan Barré et le Palmashow auraient pu rater le coche, mais ils ont su mêler leurs références avec un équilibre rare. Les Vedettes a confirmé cette trajectoire en faisant de la télévision le sujet central d’une comédie sociale. Au-delà de mélanger les formes et les formats, il y a dans l’énergie du trio une gestion habile des ruptures de ton, comme une sorte de zapping cinématographique plus structuré qu’il n’y paraît.

 

Bonne conduite : photoL'accent narbonnais de Grégoire Ludig, toujours un plaisir

 

C’est ce qui frappe d’emblée en voyant Jonathan Barré passer à sa première réalisation “solo”. Avec ses couleurs vives striant la nuit et sa musique électro, Bonne conduite puise avec loisir dans le giallo pour accentuer l’originalité de son concept : Pauline, formatrice dans un centre de récupération de points, préfère une méthode drastique de prévention routière en tuant des chauffards.

Gants de cuir, cagoule et emblèmes de voitures transformés en trophées, l’héroïne coche toutes les cases de la psychopathe à la Argento. Mais déjà, le cinéaste contrecarre nos acquis grâce à sa carte maîtresse : le choix de Laure Calamy en tête d’affiche. Depuis Dix pour cent ou Antoinette dans les Cévennes, on ne doute plus du talent comique de l’actrice, qui juxtapose à merveille l’intensité de son jeu très premier degré avec une maladresse ingénue.

Là réside d’ailleurs la première qualité de Bonne conduite : sa foi inébranlable dans son sujet, dès lors qu’il s’attarde sur cette femme endeuillée et investie d’une mission dont elle est persuadée du bien-fondé. La drôlerie des situations engendre un malaise déstabilisant, en nous imposant de la sympathie et de la compassion pour cette criminelle et sa quête vengeresse.

 

Bonne conduite : photo, Laure CalamyGiro dans le rétro, faut mettre de la distance

 

Que la Bretagne est belle

Et c’est peut-être ce qui définit le mieux le cinéma de Jonathan Barré : sa tendresse pour cet esprit gauche, qu'il aborde en filmant ses personnages comme de grands gamins convaincus d’être des adultes dans un monde qu’ils ne maîtrisent pas. Bien sûr, le réalisateur l’illustre de la meilleure des manières en ramenant dans l’équation David Marsais et Grégoire Ludig en flics incompétents, ici comme des poissons dans l’eau. Cependant, le film sublime avant tout son actrice principale par ce parti-pris, notamment lors d’une séquence burlesque autour d'une voiture compromettante, où un plan fixe et du jump cut suffisent pour capturer une crise de nerfs hilarante.

On se met alors à appréhender la tonalité du film, pour mieux qu’il nous échappe de nouveau. Derrière ses envies de giallo et de thriller décalé, Bonne conduite prend aussi la forme étonnante d’une comédie régionale au cœur de la Bretagne natale du réalisateur. Jonathan Barré n’en fait pas qu’un cadre pittoresque, mais bien la clé de voûte de son film. L’architecture et les reliefs de ses décors servent de réceptacle à la singularité du projet, comme si ces terres isolées par la mer ne pouvaient qu’encapsuler des personnages et des situations cherchant à s’échapper de leurs carcans.

 

Bonne conduite : photo, Laure Calamy, Thomas VDBIl y en a pour tous les goûts

 

À partir de là, Bonne conduite trouve sa plus grande force, ainsi que sa principale faiblesse, dans ce trop-plein stylistique et référentiel. S’il est plaisant de voir les aventures de Pauline partir en vrille jusqu’à mêler comédie romantique, film de gangsters et revenge movie, la narration tend à déliter ses enjeux par des rebondissements plus ou moins précipités, que l’ensemble essaie de pallier par l’explicitation un peu facile de ses inspirations cinéphiliques. Reste que cette énergie foutraque offre au long-métrage ses plus beaux moments, de ses citations d’Usual Suspects à cette scène improbable en hommage aux Oiseaux d’Hitchcock (la meilleure du film).

La maladresse qu'aime tant filmer Jonathan Barré se retrouve en creux dans cette mise en scène qui ose tout, quitte à parfois se planter. Néanmoins, par rapport à toutes les comédies pantouflardes qui pullulent sur les écrans, on ne saurait enlever au réalisateur sa générosité, sa sincérité, et sa soif plus ou moins réussie d’expérimentation. À chaque film, il prend toujours plus de risques, sans filet de sécurité, surtout maintenant qu’il s’émancipe en partie de son duo d’humoristes. En voilà, une bonne conduite !

 

Bonne conduite : affiche officielle

Résumé

À la fois giallo et comédie bretonne, Bonne conduite se distingue autant qu’il pèche par sa dimension protéiforme. Mais Jonathan Barré s’amuse, tout comme son casting parfait.

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Lecteurs

(2.5)

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commentaires
Dai
04/01/2024 à 09:46

Rien que pour revoir Thecky Karyo le film en vaut la peine. Très bon film qui se permet le luxe d'utiliser un rythme lent comme levier humoristique (la scene de la bouteille d'eau, il y a rien et c'est drole). Un des films les plus rafraichissant de 2023

Neji
04/08/2023 à 23:27

C'est gentil très gentil, c'est un petit téléfilm avec une musique sympa et plutôt bien filmé.
Pour le reste c'est aussi drôle qu'une porte d'ascenseur, c'est plutôt mal joué, les dialogues d'une tristesse absolue, et il se passe rien ou presque, c'est con comme une huître.

Au.
25/04/2023 à 13:56

Ai vu ce film la semaine dernière au Bifff - film festival et je trouve cette comédie bien ficelée. Les reprises et situations sont légères mais très drôles. Pas du tout dans l'humour de bas niveau - vulgaire ou lourd mais en même temps il ne faut pas avoir fait science po pour capter les blagues. Les références sont recherchées et subtiles.
Je ne trouvais pas le film malsain mais plutôt 2ème degré.
A voir pour se faire son propre avis... et oui c est filmé en Bretagne mais cela n en fait pas une comédie bretonne...

Badaboum
01/04/2023 à 20:18

Bon, votre site pense que le commentaire que j'essaie de faire est du spam, du coup je vais me contenter de dire que je vous trouve très bon public, le film est assez affligeant.

Massime
30/03/2023 à 16:10

@Bubble Ghost

J'imagine qu'on peut appeler ça une comédie bretonne à partir du moment où ça se passe en bretagne, et que certaines vannes tournent autour du breton ;) (sans rien spoiler)

Sinon mon avis rejoint celui de Morcar, Du coup je n'ai rien de plus à ajouter :)

Morcar
30/03/2023 à 00:09

Je ressors de la séance à la fin de laquelle on a pu échanger avec le réalisateur, et j'ai trouvé le film vraiment très bon. Excellent mélange de thriller et de comédie (l'équilibre entre les deux est très bon), au scénario plus complet qu'on pourrait le penser en voyant la bande-annonce (pour une fois, celle-ci ne révèle vraiment que les premiers éléments du film) et au casting très bon (on pourrait reprocher cependant au duo du Palmashow de trop jouer ses personnages de sketchs, mais ils ont été écrits pour ça), le rythme est également très bon si bien qu'on ne s'ennuie à aucun moment.
Et puis la bande-originale est vraiment excellente, rappelant par moment celle de "Drive" ou "Christine". D'ailleurs il n'y a pas que dans sa BO que le film multiplie les références à d'autres films. Si certaines sauteront aux yeux de tous, d'autres plus subtiles ne seront repérées que par les plus cinéphiles.

A mon avis la meilleure comédie française depuis "Barbaque".

Zou
29/03/2023 à 14:58

J’ai tenu environ 30 minutes. Un navet qui a peut-être amusé son réalisateurs mais même en cherchant bien je n’y ai pas trouvé de quoi justifier le prix de la seance. J’aime beaucoup Laure Calamy qui m’a donné envie de voir ce film, qu’est-elle venue faire ici ?

Eusebio
29/03/2023 à 08:37

Pourquoi pas ? Mais l'accent "du sud" de l'un des flics est déjà insupportable dans la bande-annonce, je suis pas sûr que ça le fasse sur tout un long-métrage... J'ai du mal à comprendre comment on peut encore faire d'aussi mauvaises imitations d'accents régionaux en 2023, et que ce soit toujours considéré comme drôle...

Bubble Ghost
29/03/2023 à 00:28

C'est quoi une comédie bretonne ?... Par ce que, mise à part le fait que ça doit surement se passer en Bretagne, je ne vois pas trop ^^

Ringo
28/03/2023 à 18:33

Rien qu'à cause de la présence des "acteurs" du Palmashow (je ne les ai jamais trouvés drôles, j'ai cherché pourtant), sans moi. Dommage peut-être. Mais c'est physique, de les voir, j'ai envie de fuir (pareil pour La Bande à Fifi, la franchouillarderie est bien mal en point).

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