Apaches : critique d'un hommage pas si sioux

Judith Beauvallet | 28 mars 2023
Judith Beauvallet | 28 mars 2023

Après Le Dernier Voyage sorti au cinéma en 2020, Romain Quirot s’aventure de nouveau dans le cinéma de genre pour son deuxième long-métrage. Mais cette fois-ci, pas de science-fiction : place au western urbain d’un Paris de la Belle Epoque, dans lequel les gangs de voyous font régner la terreur dans les rues de Montmartre. Billie, incarnée par Alice Isaaz, jure d’avoir la tête du chef de gang (Niels Schneider) qui a tué son compagnon d’infortune lorsqu’ils étaient enfants. Pour ce faire, elle va se faire enrôler à ses côtés, quitte à prendre goût à la vie d’assassin. Un film plein de promesses et de noms connus qui n’a pas grand-chose d’autre à offrir.

ça comanche Bien

Apaches avait plus d’un atout dans sa manche. Avec le Montmartre de Toulouse-Lautrec en toile de fond et de la castagne tarantinesque en avant-plan, le film promettait des explosions de couleurs et de sang à la française. Avec Le Dernier Voyage, qui avait éveillé la curiosité à défaut de séduire tout le monde, Romain Quirot s’était fait connaître comme l’un des espoirs du cinéma de genre français. Tenter de faire de la science-fiction à domicile était une ambition aussi risquée que louable en soi, tout comme l’était la sortie du film en salles entre deux confinements, et la prise de risque avait été appréciée.

 

Apaches : photoDe grandes espérances

 

Quirot était donc attendu sur son deuxième long pour confirmer la qualité prometteuse de son Dernier Voyage. Et s’il laisse ici la science-fiction de côté, il ne revoit pas ses ambitions à la baisse pour autant, ni ses inspirations hollywoodiennes. On sent, dans Apaches, l’admiration pour Scorsese et les personnages de gangsters aussi cruels que flamboyants, par exemple. Et le film ne manque pas de références auxquelles prêter allégeance pour raconter son histoire d'orpheline vengeresse. Problème : le film cite beaucoup ses modèles, et au milieu de tous ses hommages, peine à faire autre chose que souffrir de la comparaison.

Pas si savant mélange entre Moulin Rouge ! et Inglourious Basterds ou entre Oliver Twist et Mort ou Vif, Apaches ressemble, en dépit de toutes ses bonnes intentions, à une petite fille paumée dans les vêtements trop grands de sa mère. Que lui manque-t-il donc pour expliquer que sa trajectoire soit si bancale, malgré ses belles aspirations et ses partis-pris esthétiques pas piqués des hannetons ?

 

Apaches : photo, Alice Isaaz, Niels Schneider, Rod ParadotLes affranchis

 

Sans contre-faction

Flanqué de Jean-Paul Agostini à la photographie, Quirot a le désir évident de faire de belles images et de styliser sa mise en scène. En ce sens, un certain nombre de plans sont réussis, ou tout du moins jolis, ce qui est plaisant. La lumière qui joue beaucoup sur l’entre chien et loup varie de la nuit éternelle des films de bandits ou du soleil de plomb des westerns poussiéreux. Malheureusement, la mise en scène reste trop vide pour que ce joli vernis dépasse son simple côté esthétisant.

 

Apaches : photo, Alice IsaazÇa tire à balles réelles

 

Et sous ce vernis, les personnages sont empêtrés dans leurs costumes et leurs coiffures toujours convenablement salis sans une mèche qui dépasse. Plutôt sortis d’une pub Jean-Paul Gaultier que des bas-fonds de Montmartre, ces voyous donnent l’impression qu’ils s’apprêtent à installer des familles nombreuses dans les wagons des attractions de Disneyland. C’est mignon, oui, mais pas assez fort esthétiquement pour aider à prendre au sérieux les enjeux d'un scénario qui veut tendre vers la tragédie et les tourments des personnages mal dégrossis.

Des tourments qui, eux aussi, semblent écrits au feutre pour enfant tant ils sont épais et faciles (le grand méchant s'appelle Jésus...), simplifiant au maximum les dilemmes déjà vus maintes fois dans les films précédemment cités. Une atmosphère générale qui pourrait être tragiquement fun et violemment pop si elle ne se s’étalait pas sur 1h35 (heureusement, pas plus) de drame attendu et inconsistant. Apaches, ou comment ce qui aurait pu être un formidable clip de Mylène Farmer se casse la figure dans la narration d’un format long.

 

Apaches : photo, Niels SchneiderJésus te croix

 

Capulet et catapulte 

Pour soutenir ce format, il aurait sans doute fallu qu’une proposition pleine d’enthousiasme comme Apaches assume sa modernité de façade. Parce que si le film cherche à Moulin-Rouginiser l’histoire de sa blonde Oliver twistée, c’est la ringardise de son écriture qui lui coupe les ailes. À commencer par les dialogues trop écrits et trop adolescents, qui font des croche-pattes aux acteurs qui essayent de leur donner vie. Et ces acteurs, parlons-en : merci à Dominique Pinon de s’être déplacé pour apparaître trente secondes à l’écran en tant que caution “gueule”, et à Alice Isaaz de faire ce qu’elle peut dans un rôle qui aurait pu lui aller comme un gant s’il avait été plus soigné.

Car on ne peut pas dire de ce personnage de rebelle tombée dans les bras du premier type toxique qui lui fait des compliments qu’il est soigné. A fortiori quand le type toxique en question est l’assassin de son frère d’adoption et son ennemi juré. Ne sont pas Richard III et Lady Anne qui veulent, et l’absence de point de vue avec laquelle est mise en scène cette relation malsaine lui ôte toute rugosité.

 

Apaches : photo, Alice Isaaz"Either thou, or I, or both, must go with him."

 

Est-ce qu’il s’agit réellement d’amour ? Ou plutôt de fascination morbide ? Un peu des deux ? Difficile de le dire. Une chose est sûre, le manque de crédibilité de cette histoire rejoint la longue liste des incohérences d’un film dont les sous-intrigues sont terriblement bâclées. À force de vouloir faire tout Les Misérables en 1h35, Apaches se condamne à rester à la surface de la surface. À l’image de cette écriture paresseuse, la scène qui ose encore dégainer le joker des méchants qui laissent leur victime dans un piège soi-disant mortel et partent avant d’assister à sa mort, histoire de lui laisser l’occasion de ne pas mourir.

Nul besoin de tirer davantage sur l’ambulance tant Apaches est tout bonnement le rendez-vous manqué d’un jeune réalisateur plein de bonne volonté et d’un sujet trop tarte à la crème pour qu'il puisse y faire ses armes tranquillement. Le spectateur y trouve, néanmoins, suffisamment d’envies et de propositions pour que la curiosité envers les prochains films de Quirot reste présente.

 

Apaches : photo

Résumé

Apaches veut faire beaucoup de jolies choses, mais s'enferme dans un carcan de références écrasantes et dans une écriture vieillotte qui lui donnent l'air d'un mauvais remake d'un mauvais Tarantino. Quirot passe à côté d'un nouveau Mort ou Vif pour donner dans la fiction TF1 à peine améliorée.

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Lecteurs

(3.4)

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commentaires
Danny Boy
07/05/2023 à 05:13

J'abais vraiment mis plein d'espoirs sur ce film. Le theme très interessant. Mais des la première scène, j'ai compris. La typo utilisée pour le generique su trouve sur photoshop, la musique Twist again de Jhonny ou je ne sais plus, et le scenar, plat et vue et revue. Bref. Telement on s'enuie, il nous reste l''analyse. Les decors sentent un peu la rue dysneland mais reste très beau. Dommage, je m'apprêtais a aimer ce film et son équipe a taimle humaine, Française. Le Réal aura je lui souhaite une autre chance de nou embarqué.

Sanchez
08/04/2023 à 15:52

Film tarantinesque vu et revu, on dirait qu’il date de 1997 , un peu ridicule , avec une vengeance sans queue ni tête qui débouche sur du vide. 2 ou 3 scènes sympas cependant
4/10

Bebert
07/04/2023 à 01:04

j'ai vu le film. J'avais hate de voir votre critique et j'en reviens toujours pas. Le film est une fable vengeresse pop et ultra référencé mais fait avec une passion jamais vu depuis 20 ans en France. Votre critique c'est abusé de méchanceté et de gratuité. T'as une équipe de passionnés qui se démènent pour faire un film qui claque visuellement à 3 millions et surtout ils tentent de proposer autre chose en france. Et vous les assassinez avec une critique totalement mensongère écrite par une autrice bien pistonnée par papa journaliste. A gerber franchement

Pas de troisième
29/03/2023 à 17:17

Je viens de regarder la promo du réal, le mec se prend pour scorsese !
Franchement redescendez les gars, vous êtes justes des petits artisans sans génie !

Mari
29/03/2023 à 16:48

Mais elle l’a vu le film au moins ?… on ne dirait pas.

Tengaar
29/03/2023 à 14:40

Personnellement, je suis assez d'accord avec la critique et encore elle ne souligne pas la voix-off qui tue toute subtilité que pourraient avoir certaines scènes ni les quelques ralentis ou gros plans qui sont juste assez longs pour basculer du côté du ridicule /cringe. Et que dire de la musique ? Personnellement j'ai absolument détesté cette proposition musicale et vu les réactions dans la salle, je n'étais pas la seule.
Par contre, quelques séquences sont vraiment cool et les décors vraiment bien foutus et bien au-dessus d'une production TF1.
Une occasion manquée mais je salue l'essai.

4rrr
29/03/2023 à 08:20

Téléfilm extrêmement laid et mal écrit.

Clampin
28/03/2023 à 23:21

L’auteure de la critique à du passer plus de temps à la rédiger qu à regarder le film ou le comprendre puisqu’elle affirme que billie se venge de la mort d’un compagnon alors qu’il s’agit de la mort de son frère ficelle
À partir de là, on peut se demander ce que vaut cette critique qui descend en flèche un film et un réalisateur qui sortent des sentiers battus en proposant quelque chose d’innovant.
Pour ma part, j’ai regardé le film et pense l’avoir compris j’ai passé un excellent moment avec des personnages touchants des musiques décalés et un scénario surprenant.

Gg
28/03/2023 à 23:08

Tres bon film

Géraldine
28/03/2023 à 18:54

heu pas sur que l’on est vu le même film ! Ce n’était pas son compagnon mais frère ! On peut douter alors du sens critique
Film extraordinaire! A ne pas manquer
Incrovable! A voir sans hésiter
Un film français comme on en demande!
Paris 1900 un gang très violent sème la terreur ! "Les apaches"
Une jeune femme incarnée par l'incroyable Alice Isaaz est prête à tout pour venger la mort de son frère en voulant intégrer le gang dirigé par
Niels Schneider sublime!
On se demande où Romain Ouirot le réalisateur du film puise cette folie de créativité ! En tout cas c'est gagné on rajoute des scènes à couper le souffle bref ! Pari gagné pour un Paris vu comme iamais !

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