De haut vol : critique Maman j'ai braqué l'avion sur Netflix

Clément Costa | 27 mars 2023 - MAJ : 27/03/2023 15:03
Clément Costa | 27 mars 2023 - MAJ : 27/03/2023 15:03

Avec De haut vol, réalisé par Ajay Singh, Netflix nous promettait un thriller aérien tendu et captivant. Le tout porté par une Yami Gautam en très grande forme. Réussite ou déception ?

FLIGHT PLAN

Un couple endetté et un braquage qui tourne mal à bord d’un avion détourné. Cette simple promesse d’un double concept un peu fou suffisait à donner envie de découvrir De haut vol sur Netflix. Et quand bien même le réalisateur Ajay Singh n’est pas un auteur particulièrement remarqué dans le paysage du cinéma indien, la présence au scénario de talents confirmés comme Raj Kumar Gupta et Amar Kaushik avait de quoi attiser un peu plus encore notre curiosité.

C’est d’ailleurs bien en exploitant son concept que le film parvient à nous offrir quelques moments de tension particulièrement efficaces. Avec de telles bases, Ajay Singh n’a pas à forcer pour mettre en évidence l’enfermement de ses personnages et développer une atmosphère anxiogène. D’autant que la durée raisonnable du long-métrage lui permet de ne pas égarer son spectateur et d’éviter une certaine répétition narrative.

 

De haut vol : photoUne étrange partie de cache-cache

 

La vraie surprise vient cependant du changement de ton opéré en cours de récit. Abandonnant presque totalement ses promesses initiales, De haut vol effectue un virage inattendu vers le whodunit grâce à un twist extrêmement bien pensé et diablement efficace. Le long-métrage nous pousse alors à remettre en question l’intégralité du récit grâce à son écriture ludique. Difficile d’en dire plus sans gâcher la surprise. On peut cependant reconnaître que le film parvient réellement à nous surprendre en détournant nos attentes.

De haut vol peut également compter sur un autre point fort indéniable, à savoir son actrice principale Yami Gautam. De la comédie de mœurs Vicky Donor au thriller militaire Uri, The Surgical Strike, l’actrice est réputée pour sa capacité à jongler entre les différents genres et registres. Elle le prouve une fois encore avec une performance puissante et complexe. Un accomplissement d’autant plus impressionnant quand on voit à quel point le reste du casting n’est pas à son niveau, en particulier Sunny Kaushal qui cabotine au possible.

 

De haut vol : photoUne performance qui ne vole pas bien haut

 

LES AILES DE L’ENFER

Les quelques qualités du long-métrage ne suffisent malheureusement pas à sauver ce vol chaotique d’un crash inévitable. Premier problème de taille, De haut vol peine à comprendre les règles élémentaires de la gestion d’un twist. Lorsqu’un récit repose sur un rebondissement majeur censé redistribuer les cartes de façon tardive, il est crucial de ne pas bâcler tout ce qui se déroule avant la révélation. C’est malheureusement ce que le réalisateur Ajay Singh semble ne pas comprendre.

Lorsqu’arrive enfin l’élément de surprise, le spectateur est déjà fatigué par d’innombrables petits rebondissements anodins et invraisemblables. La narration laborieuse et l’écriture superficielle ont déjà saboté la possibilité d’avoir des enjeux dramatiques touchants. Citons par exemple la tentative de romance expédiée entre Neha et Ankit. Tout se déroule bien trop vite, la narration fracturée entre présent et souvenirs achève la crédibilité d’un couple auquel on ne s’attache jamais.

 

De haut vol : photoMême en photo le manque d'alchimie saute aux yeux

 

D’autant que le scénario entier repose sur des coïncidences et des improbabilités bien trop grossières pour être acceptées. Un personnage prépare un plan machiavélique ? Il va soigneusement dévoiler son complot dans lieu public. Un personnage est infidèle ? Il doit évidemment s’afficher à la fenêtre de l’hôtel qui donne sur une grande avenue pendant que son partenaire passe par là pile au bon moment. Même en faisant beaucoup d’efforts pour suspendre sa crédulité, certaines grosses ficelles sont bien trop voyantes pour ne pas perdre le spectateur en chemin.

Au-delà de son jeu entre plusieurs concepts, De haut vol tente également un mélange de genres. Le scénariste Amar Kaushik, à qui l’on doit notamment Stree et Bhediya, aurait pu apporter beaucoup sur ce plan en tant que maître indien de la comédie horrifique. C’est malheureusement là encore un rendez-vous manqué. On voit bien que les dialogues tentent de distiller quelques touches d’humour noir par moments. Mais le film semble frileux à l’idée de réellement appuyer ses moments de comédie. De haut vol se prend bien trop au sérieux et n’a clairement pas les qualités nécessaires pour que l’on partage cette vision.

 

De haut vol : photoRacontez-moi une blague ou je tire !

 

Y A-T-IL UN RÉAL DANS L’AVION ?

Malgré les nombreuses maladresses d’écriture, le concept de base semblait si prometteur qu’un cinéaste talentueux aurait au moins pu garantir un divertissement décent. Et c’est bien là que De haut vol s’écrase définitivement. Sa direction artistique digne d’un téléfilm ne l’aide évidemment pas. Entre un éclairage aseptisé au possible et une mise en scène exécutée en pilote automatique, le film remplit simplement les conditions pour être une énième production Netflix destinée à se perdre dans les tréfonds du catalogue.

Le réalisateur nous surprend par son incapacité à gérer l’espace. Il parvient ainsi à nous perdre dans l’avion tant sa façon d’utiliser le décor est difficilement lisible. Le problème se posera à nouveau lors d’une séquence clé qui se déroule dans le hall d’un petit aéroport. Ajay Singh ne parvient jamais à préciser la configuration des lieux. Ses personnages semblent déambuler dans des espaces vagues de façon purement aléatoire.

 

De haut vol : photoLe jour où tout a basculé

 

Et c’est peut-être là que se trouve le vrai drame concernant De haut vol, le film ne tente jamais d’être plus qu’un banal produit qui sera oublié en deux heures. Il incarne tout le cahier des charges Netflix sans avoir une quelconque ambition cinématographique. Ce cynisme est éclatant lors du dénouement. On découvre effarés une scène post-générique qui va à l’encontre de toute la construction narrative. Un aveu opportuniste qui nous rappelle que l’essentiel sera de faire une suite si les statistiques sont au rendez-vous.

Ces dernières années, l’expression film d’algorithme est de plus en plus utilisée. S’il fallait sélectionner un long-métrage illustrant sa définition, De haut vol ferait partie des favoris. Pas assez raté pour être honteux, pas assez bon pour être mémorable, aussitôt vu aussitôt oublié. Les péripéties s’enchaînent suffisamment vite pour anesthésier notre cerveau et éviter de passer un mauvais moment. Mais avec le recul, c’est tout simplement un film insignifiant.

De haut vol est disponible sur Netflix depuis le 24 mars 2023 en France.

 

De haut vol : photo

Résumé

Malgré un concept très prometteur et une actrice talentueuse, De haut vol rejoint le rang des exclusivités Netflix simplement destinées à nourrir l’algorithme. Difficile d’y voir une tentative ratée tant le film ne tente rien sur plan technique. Banal et insignifiant.

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commentaires
Lutr
28/03/2023 à 15:30

@ Kyle Reese
Tout à fait, vous avez entièrement raison, souvent les derniers films Netflix ne sont même pas du niveau de téléfilms

Ghob_
27/03/2023 à 18:16

Je confirme : niveau film ça vole pas très haut ces temps-ci (sans jeu de mots), mais question j'ai commencé à suivre Night Agent ces temps-ci et dans le genre c'est pas mal du tout !

Faurefrc
27/03/2023 à 17:13

@Kyle Reese :
Tout à fait.

Excepté le Pinocchio de Del Toro, je vois pas non plus.
Heureusement il y a le Fincher qui arrive bientôt

Kyle Reese
27/03/2023 à 15:32

C'est moi ou en ce moment les films Netflix c'est pas trop ça.

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