Skyfire : critique éteinte sur Amazon

Axelle Vacher | 27 mars 2023
Axelle Vacher | 27 mars 2023

Dirigé par Simon West, que l'on connait principalement pour Les Ailes de l'enfer ou Lara Croft : Tomb RaiderSkyfire a notamment été conçu pour être la toute première super-production de film catastrophe chinois. Sa productrice Jennifer Dong attendait ainsi que le projet impulse un nouvel intérêt pour le genre – comme a pu le faire The Wandering Earth pour la science-fiction en 2019. Fraichement débarqué sur la plateforme Amazon Prime Video, le film a-t-il été à la hauteur de ses ambitions ? 

Capitalism, baby !

Les scientifiques de toutes disciplines tirent désespérément la sonnette d'alarme depuis plusieurs années déjà et le dernier rapport du GIEC n'est pas exactement des plus réjouissant. Alors pourquoi chercher du réconfort devant une petite comédie feel good si l'on peut plutôt focaliser son attention sur les divers cataclysmes climatiques qui pourraient mettre un terme à l’ordre mondial une bonne fois pour toutes ?

Après l'âge de glace 2.0 du Jour d'après, le récent météore de Don't Look Up : Déni cosmique, ou encore les écosystèmes aux abois de Vesper Chronicles, c'est au tour de la Chine de s'interroger sur les éventuels griefs de Mère Nature – à condition bien entendu de s'assurer que l'humanité se donnera les moyens de s'en sortir. Et quoi de mieux pour cela que la menace bien réelle d'une explosion volcanique digne de Pompéi ?

 

Skyfire : photo, Xueqi Wang, Hannah Quinlivan, Shawn DouMais qui aurait pu le voir venir ?

 

L'idée est aussi simple qu'effrayante de réalisme : un promoteur immobilier (Jason Isaacs) dont la vision du monde s'effectue par le prisme du Saint Dollar, s'amuse à développer un hôtel de luxe sur l'ile de Tianhuo, célèbre pour son activité volcanique. Son argument : "Les touristes d'aujourd'hui veulent du risque. Ils veulent défier la mort et vivre à fond, tout en sachant pertinemment qu'ils ne risquent absolument rien. Et c'est pour cette raison que Tianhuo sera la destination incontournable de la génération selfie".

Devant un parterre d'investisseurs potentiels, l'argumentaire fait mouche. D'autant plus que selon Harris, la bestiole ne devrait pas se réveiller avant plus d'un siècle. Mais bien évidemment, les effluves de fausse bonne idée se font déjà sentir jusqu'à travers l'écran. Toute la note d'intention se trouve ainsi dans le discours du personnage : "Pendant des millions d'années, l'humanité a craint la nature. Mais à présent, nous l'avons domptée pour nous divertir". Mais bien sûr. 

Aussi, Skyfire ne perd pas de temps à donner tort à cette personnification capitaliste au bronzage trumpien. Là où bon nombre de productions hollywoodiennes se seraient appliquées à barber le spectateur près d'une heure durant, le film de West entre dans le vif du sujet en une trentaine de minutes à peine. Le ton est donné : le volcan s'éveille prématurément, et il n'y a plus une minute à perdre. Littéralement. 

 

Skyfire : photo, Jason Isaacs"Money money money" de Abba

 

Jeu de la lave

Le projet a beau être la première grosse production du genre pour le cinéma chinois, Skyfire n'en demeure pas moins une série B bête et méchante (dirigée par un cinéaste américain, qui plus est). Il est donc inutile d'en attendre quoi que ce soit de grandiose ou de bouleversant, puisque rien de tout cela n'est au programme. Les séquences d'action sont bancales, les effets spéciaux laissent franchement à désirer, le scénario tient sur un mouchoir de poche, et les multiples péripéties suivant l'éruption volcanique sont aussi surprenantes qu'un 49.3 à l'Assemblée.

Il en va de même pour les personnages, dont la caractérisation se limite à quelques archétypes bien choisis : l'enfant traumatisée dont l'unique vocation est de terminer le travail entamé par sa défunte mère (Hannah Quinlivan), le père compendieux risquant l'AVC à la moindre démonstration affective (Xueqi Wang), le jeune couple incapable d'exister l'un sans l'autre, la femme du promoteur immobilier, tragiquement séparée de son époux par la catastrophe et enfin, le crack en technologie et pilote de drone capable d'aider tout ce beau monde à distance.

 

Skyfire : photoDora l'exploratrice et compagnie

 

Pourquoi diable Jason Isaacs est-il venu se perdre là-dedans ? On ne le saura jamais. Peut-être que West et ses producteurs chinois ont su lui faire une proposition difficile à refuser. Toujours est-il que ce dernier joue sa partition avec une sincérité digne d'un rôle pour Scorsese, Coppola (père ou fille) ou Dieu sait quel autre cinéaste estimé. Il s'agira également de souligner l'honnête performance de la jeune Hannah Quinlivan – bien que cette dernière soit plus convaincante dans le genre sous-Tom Cruise que dans celui d'une jeune vulcanologue, mais passons. 

Toujours est-il qu'avec de pareils ingrédients, il ne fallait pas s'attendre à des miracles. Mais après tout, c'est bien là le principe du genre : divertir l'audience à grands coups d'explosions, de courses poursuites et autres séquences défiant toutes les lois de la physique. Et contrairement à d'autres productions au principe similaire (allez, à tout hasard, le très récent 65 - La Terre d'avant, porté par Adam Driver), le film de Simon West a le mérite de ne jamais chercher à être ce qu'il n'est pas. 

La bourrinerie de la mise en scène et l'improbabilité du scénario sont ainsi pleinement assumées, tant et si bien que ses moult excès en seraient presque attendrissants. Après tout, tout le monde sait que les pneus d'une Jeep ne fondent pas au contact de la lave.

 

Skyfire : photo, Hannah QuinlivanReste à savoir si elle fait ses propres cascades

 

Volcanic Park

De fait, le film remplit diligemment son cahier des charges boum-boum à grands coups de roches en fusion et de geysers bouillonnants. En résulte un ensemble relativement bien rythmé qui, malgré ses (nombreuses) lacunes, demeure suffisamment engageant pour capter l'attention du spectateur de bout en bout, surtout avec seulement 1h37 au compteur. Dans un monde où les oeuvres cinématographiques flirtent de plus en plus souvent avec la barre symbolique des trois heures, la durée réduite de Skyfire épargne à son scénario de poche bon nombre de simagrées.  

L'unique prétention de Skyfire est donc d'enchaîner les péripéties pour mieux jouer les dealers d'adrénaline. Il n'est ainsi nullement question de jouer aux métaphores sérieuses ou aux lanceurs d'alerte. Même la pseudo critique économique amorcée au début du récit est abandonnée plus vite que les promesses d'un candidat à la présidentielle. 

 

Skyfire : photo, Hannah Quinlivan, Shawn DouIsaac Newton se retourne dans sa tombe

 

Cela ne signifie pas pour autant que le film n'a rien d'autre à proposer qu'une horde de figurants destinés à tomber comme des mouches. En toute honnêteté, il y a même une poignée de propositions relativement bien soignées par le cinéaste et son équipe.

La séquence où le personnage de Jason Isaacs retrouve une enfant recroquevillée non loin du cadavre de sa mère a beau être affreusement clichée, elle n'en demeure pas moins efficace. Il en va de même pour celle où la femme de ce dernier découvre plus tard la montre de son mari entre les mains de ladite fillette. Au département des idées plus improbables, le déraillement des navettes suspendues a par exemple de quoi marquer le spectateur – en bien ou en mal, lui seul pourra le décider. 

 

Skyfire : photoLe poids du chèque

 

Toujours est-il que si Skyfire est critiquable à bien des égards, il serait finalement malvenu d'en dresser la liste de ratés. La démarche aurait presque autant d'intérêt que de demander à sa grand-mère sinoque de configurer le dernier iPhone. Certes, le film est oubliable, et affirmer qu'il ne réinvente pas la roue en termes de production catastrophe à des allures d'euphémisme. Mais si le spectateur se prend à appuyer sur lecture après une soirée difficile en mangeant des restes de pizza froide, cela devrait amplement faire l'affaire.

Skyfire est disponible sur Amazon Prime Video depuis le 24 mars 2023 en France

 

Skyfire : Affiche officielle

Résumé

Oubliable et lacunaire à bien des égards, Skyfire a le mérite de proposer une série B divertissante aux amateurs du genre. Bourrin, capillotracté et profondément généreux dans sa proposition, le film est bien moins pire que ce que son pitch pouvait laisser craindre, sans toutefois chercher à trop relever le niveau.

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Lecteurs

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commentaires
Kelso
04/04/2023 à 23:20

Grosse déception pour moi qui aime les films catastrophes, ici c'est plutôt un film catastrophique. Effets spéciaux d'un autre âge à la limite du ridicule parfois, les acteurs jouent mal pour la plupart (pas aidés par un doublage Français plus qu'approximatif), scénario inexistant ou presque et copié collé d'un vieux film des années 70 (remake ?). Sur les 1h30 j'ai même réussi à m'ennuyer, que du vu et revu en plus mal fait.

OMG
28/03/2023 à 19:08

Un scénario pondu par CheayGpt

Alex styles 77
27/03/2023 à 23:42

Vu ce soir, c'est vraiment mauvais, même si le rythme et soutenu, les FX sont bien trop inégaux pour être immersifs quand aux enjeux dramatiques ils sont pompeux et pathétiques. Clairement à éviter, Simon West restera juste le réalisateur des ailes de l'enfer et c'est tout.

Tearsin Rayne
27/03/2023 à 20:03

L’absence d’une interminable exposition à la c**, est effectivement un gros atout. Son rythme effréné en est un autre. Pour se vider la tête, c’est parfait. Je l’ai maté avec une amie, on s’est bien marrés.

Merci pour cette critique. Sans elle ,je serais probablement passé à côté de cet épanchement pyroclastique.

Axelle Vacher - Rédaction
27/03/2023 à 14:36

C'est une série B respectable, ça se regarde très bien et comme je le disais dans la critique, ça remplit honnêtement son cahier des charges. Mais mettre plus de deux étoiles à ce genre de projet, aussi sympathique soit-il, c'est un peu gros à mon sens. Mais ça n'enlève rien au film :))

neuneu
27/03/2023 à 14:09

Vu et...honnêtement, bien sympathique à son niveau. Malgré ses deux petites étoiles, la critique n'est pas si méchante et donne plutôt envie de visionner. J'en aurais rajouté une. :)

Mx
27/03/2023 à 13:40

Ha, LES AILES DE L'ENFER, nostalgie, quand tu nous tiens...

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