L'Étrangleur de Boston : critique d'une enquête criminelle sur Disney+

Chloé Chahnamian | 16 mars 2023 - MAJ : 16/03/2023 18:33
Chloé Chahnamian | 16 mars 2023 - MAJ : 16/03/2023 18:33

Si l'histoire de l'étrangleur de Boston a déjà connu de nombreuses adaptations, notamment au cinéma avec le film de Richard Fleischer réalisé en 1968, la Fox a eu envie de reparler de la fameuse affaire dans L'Étrangleur de Boston, un film de Matt Ruskin, produit par Ridley Scott et diffusé sur Disney+ en France. Ici, il n'est pas question de suivre l'enquête de la police, mais plutôt l'investigation de la journaliste Loretta McLaughlin, incarnée par Keira Knightley, avec l'aide de sa collègue Jean Cole, jouée par Carrie Coon. Mettre en lumière les dessous de cette sordide affaire aurait pu se révéler pertinent, mais L'Étrangleur de Boston manque d'ambition.

Une affaire à dormir debout

Comme Jeffrey Dahmer ou Charles Manson, Albert DeSalvo est devenu une figure de la culture populaire, aussi morbide que cela puisse sembler, et comme Jack l'Éventreur, il s'est vu donner un surnom qui a évidemment participé à sa légende, celui de l'Étrangleur de Boston. Ce surnom, on le doit à Loretta McLaughlin, journaliste du Record American, et personnage principal de L'Étrangleur de Boston.

Le film adopte donc le point de vue de cette journaliste qui, en 1962, commence à faire le lien entre plusieurs meurtres de femmes ayant eu lieu dans la région de Boston. Face à une police qui préfère fermer les yeux plutôt qu'essayer d'établir des connexions entre ces assassinats, Loretta n'a pas d'autres choix que de prendre l'affaire en main, quitte à se mettre la police et le patron du journal pour lequel elle travaille à dos. 

 

L'Étrangleur de Boston : Photo Keira KnightleyJournaliste de grande investigation

 

La majorité du film consiste donc à montrer comment le personnage de Keira Knightley s'enfonce dans cette enquête, et se plonge dans la lecture de rapports, dossiers et compte rendu pour trouver des pistes et repérer des points d'ombre. Le réalisateur Matt Ruskin s'inspire largement de David Fincher, et des enquêtes de Zodiac et Se7en, dans ses séquences de recherche, de paperasse, où Loretta et sa collègue Jean Cole essaient de déchiffrer les indices.

Grâce à ces séquences typiques construites de manière à faire monter la pression, L'Étrangleur de Boston s'inscrit dans son genre et réussit à retranscrire cette ambiance froide et tendue, même si l'on peut regretter la photographie un peu terne et bleutée, justement trop souvent accolée aux films voulant illustrer cette époque. Heureusement, L'Étrangleur de Boston ne fait pas que suivre le cahier des charges du film d'enquête.

 

L'étrangleur de Boston : Photo Keira Knightley, Carrie CoonTrouver la petite bête

 

Le pouvoir aux enquêtrices

Si L'Étrangleur de Boston apporte quelque chose d'intéressant au traditionnel film à énigme, c'est bien son discours sur le traitement des femmes et le point de vue de ses personnages féminins sur une enquête tristement liée aux femmes. Relayée à la rubrique “Tendances” du journal et obligée d’écrire sur le nouveau grille-pain, Loretta va finir par faire entendre raison à son rédacteur en chef qui accepte qu'elle se consacre à l'enquête, sur son temps libre dans un premier temps, puis totalement, après qu'elle a réussi à faire ses preuves.

Jean Cole, une investigatrice plus expérimentée qui est parvenue à se faire un nom dans les affaires de crime, est chargée d'épauler Loretta. Le duo Keira Knightley-Carrie Coon fonctionne parfaitement, tout comme la dynamique entre la journaliste aguerrie et la rookie, qui ne sont jamais mis en compétition, mais qui au contraire, vont devoir s'allier pour pouvoir aller jusqu'au bout de l'enquête.

 

L'étrangleur de Boston : Photo Keira Knightley, Carrie Coon, Carrie CoonUne femme pour démonter le système

 

Même si elle se voit confier la couverture de l'affaire, Loretta doit tout de même faire face au sexisme de l'époque, particulièrement présent dans son milieu professionnel. Évidemment, elle est accusée d'obtenir des informations en usant de ses charmes, mais aussi de ne pas être une femme au foyer et donc, de travailler au lieu de s'occuper de ses enfants.

Malgré ces sujets, L'Étrangleur de Boston ne tombe pas dans le mélodrame et la vie du personnage de Loretta reste au second plan. Le film s'applique à la montrer comme une femme avant d'être une mère, et une femme passionnée par son travail qui fait passer son investigation avant sa vie personnelle. Sa persévérance et son envie de justice viennent du fait que ces meurtres touchent des femmes et que la police ne semble pas disposée à en faire une affaire d'État. En plus de son travail d'investigation, Loretta ressent le devoir d'avertir le monde, et surtout les femmes, de les mettre en garde. C'est bien pour cela que découvrir l'affaire de ce point de vue féminin est pertinent.

 

L'étrangleur de Boston : Photo Keira Knightley, Carrie CoonDuo de choc

 

Un travail de surface

Si l'on sent que le film a envie d'illustrer la peur collective qui régnait à Boston à cette époque, il aurait pu aller plus loin. Les quelques plans sur les femmes prenant connaissance de ces meurtres ne suffisent pas à retranscrire la paranoïa qui a pu s'emparer de la ville. On ne quitte pas assez le personnage principal qui, paradoxalement, semble être le seul à subir l'affaire. Finalement, alors que son point de vue unique pouvait en faire sa force, on en vient presque à regretter que L'Étrangleur de Boston n'adopte qu'un seul point de vue alors qu'il aurait pu montrer bien plus.

Il y avait également beaucoup de choses à dire sur les violences faites aux femmes, l'inefficacité de la police et les failles du système judiciaire. Malheureusement, L'Étrangleur de Boston ne fait qu'effleurer ces sujets.

 

L'Étrangleur de Boston : Photo Keira KnightleyChasse à l'homme

 

Par ailleurs, l'idée de dévoiler l'identité de tueur assez tôt aurait pu être intéressante, puisqu'elle devrait empêcher tout suspense malsain autour du meurtrier, mais L'Étrangleur de Boston perd en efficacité après cette divulgation. En effet, le film se concentre trop longtemps sur la recherche de cet homme plutôt que son impact : une brutalité masculine grandissante, prégnante et véritable problème de société de cette période (pas si lointaine). 

En abandonnant le hors-champ pour dépeindre la violence plus frontalement, L'Étrangleur de Boston est paradoxalement moins choquant puisqu'il ne prend pas assez de recul. Il se concentre sur un cas trop précis alors qu'il aurait pu montrer ce que l'enquête a engendré, a dévoilé de la société violente de l'époque et, par extension, des violences actuelles. Une richesse qui lui aurait donné une bien plus grande valeur et force de propos.

L'Étrangleur de Boston est disponible sur Disney+ à partir du 17 mars 2023

 

L'Étrangleur de Boston : Affiche française

Résumé

L'Étrangleur de Boston se révèle pertinent dans son envie d'aborder l'affaire d'un point de vue féminin, mais il reste en surface et ne pousse pas assez son sujet pour être percutant.

Autre avis Alexandre Janowiak
L'Etrangleur de Boston ne parvient jamais à tirer profit du potentiel de son récit, malgré un sujet en or.
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commentaires
XG58
16/03/2023 à 22:36

Retournons revoir Tony curtis

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