Luther : Soleil déchu - critique d'un soleil pâle sur Netflix

Lino Cassinat | 13 mars 2023 - MAJ : 13/03/2023 10:50
Lino Cassinat | 13 mars 2023 - MAJ : 13/03/2023 10:50

Avec des temps d'attentes de plus en plus longs entre chaque itération, les retours de la série Luther créée par Neil Cross sont devenus des évènements en soi. Il aura en effet fallu patienter quatre ans entre les saisons 4 et 5, puis encore quatre ans entre la saison 5 et ce premier film, Luther : Soleil déchu. Des gestations inhabituellement longues, qu'Idris Elba justifiait en interview en affirmant qu'une série aussi sombre et complexe que Luther se devait de laisser le temps au temps pour reproduire le miracle. Manifestement, il a manqué quelque chose de plus cette fois-ci.

il ne sert à rien de luther

C'est la sixième fois que Luther revient crever l'écran, et on commence à connaître la chanson. Voici le capitaine le plus esquinté de la police de Londres, et cette fois, comme chaque fois, il devra aller encore un peu plus loin. Plus loin dans la noirceur, plus loin dans le non-respect de la procédure, plus loin dans la violence.

Sauf qu'à force de faire dans la surenchère tout en préservant son personnage, Luther prenait le risque d'atténuer le jusqu'au-boutisme de son concept. Comment continuer à être sec et impitoyable quand le protagoniste a déjà tout perdu au cours des derniers épisodes entre sa morale et les êtres qui lui sont précieux ?

 

Luther : Soleil déchu : Photo Idris ElbaSa cravate est toujours rouge

 

Luther : Soleil déchu trouve la réponse dans ses cinq ultimes minutes, avec une conclusion en forme d'aveu : la série a justement très envie de muter et ces deux heures de film ne sont en réalité qu'une transition masquée. D'où l'impression pendant les deux heures de visionnage précédent cette fin que ce film est bien gentil, mais ne raconte pas grand-chose de son anti-héros ou du monde qui l'entoure.

C'est en fait normal : Neil Cross veut passer à autre chose, mais sans lâcher son Luther. Tant mieux, on n'est jamais contre un peu d'évolution, d'autant que la formule ne pouvait que s'épuiser après les saisons antérieures, mais toujours est-il que cette étape transitive s'avère particulièrement anecdotique.

 

Luther : Soleil déchu : photo, Idris ElbaToujours un monstre de charisme lui ça change pas

 

saoûlant déchu

D'ailleurs, puisqu'on parlait de formule, on n'y coupe pas : Luther : Soleil déchu commence aussitôt par une énième scène de déchéance de Luther. C'était dans le titre, c'est dans la continuité de la saison 5, mais c'est néanmoins trop précipitamment emballé par le film, qui n'a pas le temps de rentrer dans le détail de ses péripéties et les enchaîne sans observer leur impact mental sur Luther. Alors que son séjour en prison aurait pu et même aurait dû être un moment pivot central, a fortiori dans une série aussi fortement orientée vers l'exploration des méandres psychologiques et les ambiguïtés morales de son personnage.

Mais plutôt que de faire dans la réflexivité, Luther nous balance un serial killer. C'est la sève de la série nous dira-t-on et on répondra qu'à ce stade, un de plus, un de moins, quelle différence ? Surtout quand il est aussi peu inspiré et aussi peu crédible que celui-ci. Là encore, on nous rétorquera que Luther n'a jamais vraiment donné dans le réalisme concernant ses antagonistes et leurs plans machiavéliques, que la série a toujours servi des figures fantasmées du concept de tueur en série. Mais en nous soumettant, cette espèce d'Elon Musk sauce Death Note, Luther dépasse les bornes de l'invraisemblable.

 

Luther : Soleil déchu : photo, Andy SerkisAttention le roi du cabotinage entre en scène

 

le ridicule ne tue pas, et ce qui ne tue pas rend plus fort

Au-delà de cette borne : une certaine notion du ridicule. Celui qui met mal à l'aise. Celui qui démontre par accident qu'avec un Andy Serkis qui cabotine et des cheveux volés à Gilbert Collard, on peut recréer Klaus Kinski en pleine crise pendant une conférence de presse à Cannes.

Celui qui n'a rien de mieux à faire que servir un vieux discours technophobe usé agitant les peurs du fameux darknet, alors qu'il y a tant et tant à dire sur les ultra-riches et les réseaux sociaux. Et surtout, celui qui veut nous faire croire qu'il y a la moindre chance pour que Luther ne soit pas mort au moins dix fois ou ramené au cachot après tout ce qu'il traverse dans ce film.

 

Luther : Soleil déchu : Photo Idris ElbaEn voilà une scène qu'elle est très très bête

 

Au final, qu'avons-nous sous les yeux, si ce n'est les mêmes recettes qu'avant, mais appliquées avec moins de soin et moins de temps ? Un empilement de raccourcis et de personnages grossièrement brossés ?

Bien sûr, on pourra se consoler en se disant que cette entrée distrait à défaut de divertir, et que les trente dernières minutes trouvent enfin une forme d'élan dans l'horreur viscérale, quitte à se transformer en remake pour Bisounours trépané de l'excellent Hostel, chapitre II. Il n'en demeure pas moins que Luther flirte dangereusement avec l'auto-caricature. Tout ce que l'on peut espérer, c'est que le gros changement de braquet promis trente secondes avant le générique de fin portera ses fruits.

Luther : Soleil déchu est disponible sur Netflix depuis le 10 mars 2023

 

Luther : Soleil déchu : photo

Résumé

Plutôt que d'en finir avec une saison 6 au coeur des ténèbres et d'en finir avec son personnage principal, Luther fait le choix de la continuité sans fin en promettant du nouveau pour l'après. Luther : Soleil déchu fait donc office de salle d'attente vide et creuse pour la suite, et si seul l'avenir nous dira si muter était une meilleure décision que de s'achever, on doute déjà de la capacité de Luther à sortir de ses automatismes.

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commentaires
JM
19/03/2023 à 00:06

Bon film. Point barre. 4 étoiles sur 5. Des invraisemblances , et alors. C'est bien un film de SF car si cela devait refléter notre époque, ce serait une véritable horreur. L'association James Bond ( suggérée à la fin car ce ne peut Sa Majesté) va faire merveille dans le deuxième film à prévoir donc à faire. Me voilà fan de Luther , notre Colombo anglais.

Aucun
18/03/2023 à 23:38

Voyant pour la première fois un Luther , j'aime beaucoup ce film divertissant , où Londres est bien représenté dans sa réalité actuelle. Je ne comprends rien des autres commentaires tous négatifs sûrement des habituels pisse froids et les encourage à poursuivre leurs travaux de démolition sous pseudo qui ne seront alors à mon niveau qu'une réelle invitation à regarder ces chefs d'oeuvre vandalisés par ces pillards.

Lutter
16/03/2023 à 16:24

J'avais une hype pour ce film, ça commençait pas mal. Je m'attendais à rien mais je suis tout de même déchu..

sleipnir
14/03/2023 à 21:58

Invraisemblable,bavard,cousu de grosses ficelles et il n'y a pas de ferry au depart de Douvres pour la Norvège!

Papadoc
14/03/2023 à 16:18

Comparant deux retours différents , je trouve dexter New blood beaucoup mieux réussi que cet insipide luther soleil déchu !

Charles Édouard
14/03/2023 à 13:08

Moment improbable passé à regarder Idriss où tout lui semble accessible, vraiment...Quant au face à face sur Soho avec le Darckness et sauve qui peut dans la nuit on se retrouve au milieu de nulle part en Norvège en l'espace d'une nuit couvert de neige, juste le temps de cligner de l'œil, alors qu'il me faut plus d'une semaine pour organiser ce genre de trip..Pas crédible hélas loin s'en faut, à croire que on en fait moins il y a de la vigueur.

Audace
14/03/2023 à 10:45

Je suis surtout toujours ultra surpris de voir que dès que Netflix est dans la boucle, on a un produit qui se veut cheapos et raté.
OK, je tourne 3 fois la langue dans ma bouche avant de parler : Netflix a quelques pépites (The Irishman) et de très bons films (je pense récemment au Pinnochio de Del Toro).
Mais très souvent, s'ils récupèrent quelque chose et/ou offrent un film à une série, c'est vraiment raté.

XG58
13/03/2023 à 21:08

La faute ne provient pas du film. Mais des pigeons. les 4 et 5ieme saisons les pigeons ont regarder aprés avoir fait de la léche a Net. Et là encore ils ont fait de la léche. Il y a 2 groupes. Les pigeons et ceux qui attendent les critiques. Je fais partie du 2iéme groupe. Luther fait partie des série que tu me fera pas s..... (Game of throne a été une belle grosse erreur

Lili44
13/03/2023 à 20:03

Lourdaud, final grotesque, une purge très bien photographiée. Mais voir Luther dans le grand nord en chemise cravatte après avoir dormi une nuit dans un coffre de bagnole, c'est à mourir de rire. Revoyez plutôt la série, autrement mieux conduite.

Clique
13/03/2023 à 18:58

Andy Serkis est dégueulasse
Reste en césar

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