Donjons & Dragons : L'Honneur des voleurs - critique tout jeu tout flamme

Mathieu Jaborska | 11 avril 2023 - MAJ : 13/04/2023 10:45
Mathieu Jaborska | 11 avril 2023 - MAJ : 13/04/2023 10:45

La nouvelle adaptation du célèbre jeu de rôle Donjons & Dragons était attendue le couteau entre les dents par les cinéphiles et certains joueurs, pas encore remis du méga-nanar Donjons & Dragons de 2000 et de la performance hallucinée de Jeremy Irons. La présence derrière la caméra du duo John Francis Daley-Jonathan Goldstein (Game Night, Vive les vacances) ne suffisait pas vraiment à rassurer, et même chose pour le casting constitué de Chris PineMichelle RodriguezHugh Grant ou de la coqueluche Netflix Regé-Jean Page. Pourtant, Donjons & Dragons : L'Honneur des voleurs est un divertissement... honorable.

Coup critique

On pourrait croire que l'éblouissant coup de projecteur de Stranger Things, qui a convaincu la moitié d'une génération de se mettre à D&D, a motivé la production de cette nouvelle adaptation, laquelle aimerait attirer à la fois les occultistes niveau 19 (les vieux de la vieille) et les barbares niveau 1 (un plus jeune public). Toutefois, l'hypothèse du retour du jeu de rôle au cinéma après les frasques de Profion et de ses rejetons faisait les choux gras d'Hollywood bien avant la saison 1 de la série Netflix. Depuis presque 10 ans, plusieurs studios se sont débattus avec les problèmes de droit, jusqu'à ce que Paramount ne finisse par mettre la main sur le projet, via Hasbro.

 

 

Ce sont donc les scénaristes John Francis Daley et Jonathan Goldstein, un temps prétendants au poste de metteurs en scène sur l'arlésienne The Flash, qui ont hérité du bébé. L'intérêt des majors américaines n'est pas complètement absurde, malgré la catastrophe des adaptations précédentes : le macrocosme déployé par la création de Gary Gygax et Dave Arneson est d'une richesse infinie, et il est par conséquent le terreau idéal pour ces univers étendus dont elles sont friandes depuis quelques années. Donjons & Dragons version 2023 a donc tout du film à franchise calibré et gentillet, saturé de blagues post-modernes déjà périmées et de clins d'oeil lourdingues.

 

Donjons & Dragons : L'Honneur des voleurs : photoQuand tu pars à l'aventure

 

Et bien entendu, le long-métrage n'échappe pas à un certain cahier des charges, notamment grâce au personnage de Chris Pine, héros sans peur mais pas sans reproche qui ne lésine pas sur les traits d'esprit un tantinet agaçants. Le scénario cède régulièrement aux lubies des blockbusters du moment, ne nous épargnant pas un caméo de luxe dispensable. Et la scène d'ouverture nous donne le bâton pour le battre, avec un long flash-back d'exposition narré en voix off, coupé par les interventions intempestives du protagoniste.

Sauf que le twist de la séquence fait mouche, a fortiori quand il révèle la note d'intention qui s'y cache : un retour aux origines étymologiques de ce monde de fantasy (le "Dungeon" de "Dungeon and Dragons" pouvant être traduit par "cachots"). D'emblée, Donjons & Dragons nous promet des donjons... et des dragons. Et il va s'y tenir, sans pour autant – ô miracle – tenter de forcer la création d'une quelconque franchise. Ces plus de deux heures nous embarquent dans une campagne de D&D, ni plus, ni moins. Une campagne menée tambour battant. 

 

Donjons & Dragons : L'Honneur des voleurs : photoLe sourire de la victoire

 

Chaotic good

Une fois établi que la simplicité serait le mot d'ordre de cette épopée (forcément) collective, les trois scénaristes se mettent à piocher allégrement dans la mythologie du jeu au gré de leurs envies pour imaginer les péripéties de leur groupe d'aventuriers. Et par la même, ils échappent au plus gros piège de cette adaptation : la tentation du fan-service. Plutôt que de brandir fièrement chaque référence au légendaire monumental développé au cours des éditions, espérant se mettre dans la poche les joueurs les plus expérimentés, ils y prélèvent classes, races, environnements et bien entendu objets magiques divers... pour mieux s'amuser avec leurs caractéristiques, non sans inventivité.

Contre toute attente, la narration volontairement très épurée enchaine les morceaux de bravoure, chacun exploitant à fond une composante de la galaxie D&D. Qu'il s'agisse d'un plan-séquence numérique assez jusqu'au-boutiste, d'une attaque de diligence alambiquée ou d'une parenthèse humoristique sépulcrale (pas très loin de la référence à Sam Raimi), la plupart de ces petites saynètes s'enchainent à un rythme effréné, ne laissant jamais au spectateur le temps de s'ennuyer.

Les emprunts à l'oeuvre originale sont moins des clins d'oeil inutiles (malgré deux renvois presque obligatoires aux jeux video Baldur's Gate et Neverwinter Nights) que des moteurs pour la mise en scène, faisant oublier, à force de créativité, des effets spéciaux aléatoires (surtout sur les plans larges).

 

Donjons & Dragons : L'Honneur des voleurs : photo"Bougez pas, je vous promets que Melenchon va apparaître"

 

Tout compte fait, c'était la meilleure manière de rendre hommage à la puissance pop et à la créativité de Donjons et Dragons : comme les meilleurs MJ, cette adaptation se réapproprie moult codes et concepts, justement destinés à cet usage. Un précepte qui s'applique aussi au traitement des personnages, archétypes chacun doté d'un passif plus ou moins intéressant, tant et si bien que l'intrigue réussit à détourner en toute délicatesse l'inévitable trope de la rédemption à l'américaine.

Il fallait donc une matrice artistique de cette importance pour autoriser les cinéastes hollywoodiens à mettre un peu de coeur à l'ouvrage. Car en l'état et malgré ses nombreux défauts, ce Donjons & Dragons est tout ce qu'on attend d'un blockbuster estival lambda : un spectacle généreux (les bastons sont plutôt bien chorégraphiées), malin et sincère. Lors du climax, le temps d'une scène, le film parvient même à capturer la fougue des grands accomplissements collectifs des campagnes les plus chères à vos coeurs. Qui l'eut cru ?

 

Donjons & Dragons: L'Honneur des voleurs : Affiche française

Résumé

En piochant dans la mythologie Donjon & Dragons comme dans un gigantesque coffre à jouets, Goldstein, Daley et Gilio réalisent un hommage sincère à la générosité du jeu de rôle, ainsi qu'un divertissement aussi bancal qu'efficace.

Autre avis Geoffrey Crété
Incroyable mais vrai, Donjons & Dragons : L'Honneur des voleurs surprend et séduit grâce à une vraie générosité et une simplicité touchante. De quoi en faire un honorable blockbuster, archi-codé mais gentiment amusant. Sauf à être de très mauvaise humeur, ça se consomme donc avec un plaisir certain.
Autre avis Lino Cassinat
C'est moche ? C'est inégal ? Oui. Mais après trente premières minutes indigestes, la sauce prend : un film de braquage enrobé dans un buffet à volonté de fantasy endiablée, il fallait y penser. Une honorable combinaison d'enthousiasme, de générosité, et d'un petit soupçon de créativité fofolle mi-Rick & Morty mi-Terry Pratchett qui fait plaisir.
Autre avis Antoine Desrues
Quand on joue à D&D, l'intérêt des débuts de campagne réside dans la folie expérimentale qui est offerte aux joueurs. L'Honneur des voleurs en a conscience, mais ne pousse jamais cette idée jusqu'au bout de sa logique comique. Et à force de se chercher une identité, le résultat final est aussi oubliable que l'imagination d'un mauvais Maître du jeu.
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Lecteurs

(3.6)

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commentaires
Pistolero
04/11/2023 à 15:30

Je suis amateur de heroic fantasy mais pas spécialement de D&D (jamais joué). Franchement j’ai passé un excellent moment ! Vu la tendance des blockbusters actuellement je m’attendais pas à ce que le film me plaise autant. C’est drôle sans être lourdingue, y’a un minimum de réalisation (c’est pas Scorsese non plus ;)), une certaine inventivité dans les combats et chorégraphies et un soin évident apporté aux décors, costumes et accessoires (ça fait pas cheepos).
Un regret de ne pas l’avoir vu au ciné :(

AD&D
31/08/2023 à 23:06

Trop
Cool

Ozymandias
05/05/2023 à 09:46

Vu hier soir, plutôt sympa. On retrouve la recette Marvel quand même, mais ça reste divertissant. Rien de dingue non plus !

Chris11
03/05/2023 à 21:04

Mouais, plutôt déçu. Les persos sont fades et caricaturaux sans surprise (mention à Chris Pine, encore plus insupportable que d'habitude), quasiment toute l'action est dans la bande annonce, on s'ennuie, et reste les 20 dernières minutes du film pas trop mal. Mais que c'était long.
Et surtout quand je vois les articles sur "l'antidote aux mauvais blockbusters", je me demande si on a vu le même film.

vient de voir
28/04/2023 à 19:04

Merci d'avoir mis un clin d'œil au dessin animé de 1986 : le sourire du dragon! https://www.youtube.com/watch?v=5ScDguC5F0Q

pour les enfants ?
22/04/2023 à 12:08

Suite à la question posée : mon fils a 10 ans, a beaucoup rigolé, a sursauté une fois lors de la séance de nécromancie avec un scary jump volontaire du réalisateur. Cela dépend des enfants mais il n'y a rien de sexuel et si voir des cadavres façon zombi mais plutôt drôles ne l’effraient pas, tout devrait passer crême. Bon il y a les mages rouge de thay, mais un bon méchant doit toujours faire un peu peur...

madura
20/04/2023 à 10:31

lien pour télécharger le film Donjons & Dragons complète
https://filestrue.com/a67543y

Flo
18/04/2023 à 13:34

Plongeons, et draguons les joueurs...

Revenons au début : pourquoi l'Heroic Fantasy est un genre qui apparaît toujours comme "étranger" au cinéma ? Ou trop compliqué, trop bizarre ?
Sûrement car des adaptations n'ont pas été faites à temps, c'est à dire dans les premières décennies du médium Cinéma. Et surtout, quitte à faire des épopées dans un style ancien, autant opter pour des époques historiquement viables (du Péplum aux guerres d'indépendance en passant par le Moyen-Âge)...
Mais tout de même, avec le moins possible d'éléments Païens - s'il faut du Fantastique, alors la Bible est autorisée. Là est probablement la limite, qui bloquait notamment l'évolution des moyens techniques.
Donc, à part "Les Nibelungen" de Fritz Lang par exemple, une occasion a été jadis manquée car même la SF et les super-héros ont eu droit à leur part d'exposition.
Et même au tournant des années 2000, avec la démocratisation conjointe des effets spéciaux numériques Et de la culture des fans, la totale Heroic Fantasy a été un parent pauvre car ne pouvant supporter les "à peu près" visuels, le fauché.
Ou bien considérée comme une exception, trop privatisée par un "Seigneur des anneaux" qui cache la forêt... la seule façon de le concurrencer, en étant à la hauteur, étant d'aller dans des extrêmes - sexe, violence, télévision, "Game of Throne" quoi.
Aux autres, les miettes et la sympathie.

Si on peut faire très peu de totale Heroic Fantasy, autant faire alors des mélanges de tons... Ça a bien réussi à Star Wars, rare tentative à succès mais déguisée derrière de la SF, de la Guerre, du Western...
La marque Donjons et Dragons, une des plus populaires mais aussi la plus échaudée par de précédentes adaptations (pré ou post "LotR"), a l'avantage de pouvoir compter sur des aventuriers un peu hors-la-loi comme protagonistes possibles.
Avec un bon budget, et un studio ayant la place pour caser une franchise de plus (Paramount, qui a de jolis succès en ce moment)... prendre pour modèle une troupe un peu crapuleuse mais bien cool, digne des westerns ou films de guerre des années 60, ça tombe effectivement sous le sens : dans le genre, les Gardiens de la Galaxie ont ouvert la voie (la Suicide Squad a poussivement suivi).
Seulement les Gardiens, ce n'est pas seulement ça, ni juste (comme on l'a bêtement affirmé) "un arbre et un raton-laveur"... Ça évoque aussi Star Wars, les vaisseaux spatiaux, la vitesse, plein de planètes. En lorgnant plus sur Han Solo, avant qu'il se ramolisse dans la Trilogie, et c'est tant mieux. D'où succès.
Mais on en est ainsi à une énième itération, ce qui ne nous amène pas bien loin.

Les personnages sacrément familiers sont bien là... un groupe hétéroclite, disfonctionnel, qui sont assez attachants, qui ne peuvent que gagner que parce-qu'ils ont des éclairs de génie et n'abandonnent jamais, malgré un tombereau d'échecs : un Chris blond (mais un peu trop bien coiffé), planificateur en chef d'une équipe de losers comprenant une combattante féroce, quelques naïfs sarcastiques dont un qui reste un peu trop en arrière (Sophia Lillis mérite mieux) et un guerrier ne fonctionnant qu'au premier degré (Regé-Jean Page pastiche-t-il son image d'homme "parfait" ?).
Seulement ce film a une certaine difficulté à choisir entre ce fameux Premier Degré et le Second. Avec des références très précises au jeu de rôle et à ses actions spécifiques, dont on ne comprend pas facilement ce que c'est faute d'équivalents connus, même cinématographiquement. À part si on est joueur, ou si a déjà vu beaucoup de films d'aventures du même genre, ainsi qu'une certaine série d'animation des années 80... ce qui ne concerne toujours qu'un public plus restreint.
De toute façon, passer d'un jeu à un film pose encore et toujours le problème de la disparition de l'interactivité, qualité essentielle à l'expérience.

Alors il y a ici une qualité technique plutôt efficace, des environnements reconnaissables, quelques gags pas trop méta et détournants à peine les codes de la Fantasy, un caméo de star bien significatif, des scènes d'action pas mal... Mais rien d'original ou de radical en fin de compte, tout au plus bousculé par une ou deux scènes chorégraphiées en plan-séquence (pourtant même ça, c'est maintenant à la portée de tous les gros divertissements).
Pire encore, la narration opte pour une linéarité, à part dans le prologue et l'épilogue, qui voit le récit enfoncer quelques portes ouvertes, mal préparer quelques-uns des rebondissements (le dragon déboule carrément de nulle part)...
Et à beaucoup coller à ses trop nombreux héros, sans faire de petites apartés loin d'eux pour respirer un peu.
Surtout quand les deux antagonistes principaux disparaissent du film jusqu'à ce qu'on arrive au dernier tiers, alors qu'ils sont aussi intéressants à regarder et que, justement, ce sont eux qui se partagent le mieux le Premier Degré (Daisy Head, fille de Anthony "Giles" Stewart), même s'il s'agit d'une nouvelle sorcière rouge...
Et le Second Degré, avec un Hugh Grant si dévastateur dans la perfidie et la goujaterie professionnelle que ça déborde même sur la promo du film. Un régal.

On se demande ce qu'il en aurait été si l'anglais grimaçant avait plutôt été le héros de cette production, amenant celle-ci a avoir plus de recul, à être plus moqueuse... sans pour autant se braquer contre les joueurs fans, mais en restant de leur côté.
Mais les réalisateurs Jonathan Goldstein, et John Francis Daley (dont Justice Smith peut être considéré comme son avatar), se sont très tôt défendus de faire un film qui serait aussi une partie de Donjons et Dragons dans le monde réel. Ce qui aurait pourtant ajouté une dimension supplémentaire, bien plus proche encore des Monty Python ou d'un conte à la "Princess Bride".
Et sans en sacrifier la partie dramatique sur le deuil, la famille, la confiance en soi (on connaît), qui pouvait marcher aussi bien dans un univers sans Magie. Cherchant ici la métaphore, ça n'aurait annulé en rien la notion de danger vue à l'écran.
C'est ça le principe d'immersion... quand c'est bien fait, on finit par y croire.

Bref, un bon "Gardiens de la Galaxie", mais un mois avant la sortie du vrai.

Halifax
14/04/2023 à 21:51

C'est film est tout simplement une pépite !
Le scénario est bien ficelé, les personnages sont bien écrits et attachants, l'univers est immersif et surtout ça déborde d'humour. J'ai passé un excellent moment et ai retrouvé plein de petits détails et éléments typiques de ce qui peut arriver lors de partie jeux de rôle, ce qui rend le film vraiment excellent ! Je le recommande vivement !

Pierre_Oh
14/04/2023 à 19:31

J'en attendais absolument rien, et ma foi, même s'il ne révolutionne rien, quel plaisir de se retrouver devant un blockbuster de divertissement sans prétention, qui fonctionne bien, s'avère fun à regarder, avec des personnages sympathiques et une alchimie qui fonctionne entre eux. Le tout porté par des scènes d'action sympa, un humour bien dosé, et une D.A sympathique également, même si les effets visuels sont pas toujours au top.

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