Dans leur ombre : critique Peele à côté de la plaque sur Netflix

Clément Costa | 22 février 2023 - MAJ : 22/02/2023 16:03
Clément Costa | 22 février 2023 - MAJ : 22/02/2023 16:03

Dans la lignée des très nombreux enfants du cinéma de Jordan Peele, Dans leur ombre réalisé par Nathaniel Martello-White tente d’allier suspense et propos politique. Est-ce que la dernière sortie Netflix est à la hauteur de ses ambitions ?

ELEVATED THRILLER

Tout commence avec un concept simple mais prometteur. Une femme noire menant une vie idyllique dans un quartier riche et blanc voit sa petite bulle de bonheur exploser lorsque deux étrangers envahissent son monde. Une base solide qui évoque évidemment le cinéma de Jordan Peele mais aussi tous ses récents héritiers, dont la série Them qui était axée sur un thème très similaire. À partir de cette idée, le réalisateur Nathaniel Martello-White avait tout pour livrer un premier long-métrage captivant.

Au-delà du concept, on sent chez le jeune cinéaste une envie évidente de s’inscrire dans la lignée de Jordan Peele. À tel point qu’il confond par moments hommage et copie conforme. C’est particulièrement criant lorsqu’il filme un accident de voiture évité de peu ou encore lorsqu’il tente de capturer la détresse psychologique de ses personnages en filmant de près leurs larmes. Ces emprunts appuyés seraient passés relativement inaperçus au milieu d’un film parfaitement maîtrisé, mais ici ils viennent simplement nous rappeler que tout le monde n’a pas le talent de Peele.

 

Dans leur ombre : photoTrop beau pour être vrai

 

On peut évidemment reconnaître à Nathaniel Martello-White un certain sens esthétique et une envie de produire de belles images. Malheureusement, il semble incapable de différencier un joli clip vidéo et une mise en scène qui a réellement du sens. L’exécution technique de Dans leur ombre est bien trop lisse, aseptisée. Et l’utilisation grossière de plans symboliques à base de miroirs et autres lieux communs ne suffit pas à donner la moindre ampleur au long-métrage.

En parallèle, le réalisateur peine à gérer le suspense de son récit, ce qui équivaut tout simplement à gâcher le potentiel de son concept de base. La faute tout d’abord à un scénario convenu au possible, qui tente de susciter la surprise tout en étant bien trop explicatif. Après les dix premières minutes, les enjeux des deux premiers actes sont déjà annoncés de façon si appuyée qu’on se demande bien comment la tension pourra tenir plus longtemps. Spoiler : elle ne tient pas.

 

Dans leur ombre : photoC'est la fête au village

 

US & THEM

Un élément qui provoque forcément un gros problème : Dans leur ombre manque donc cruellement de rythme. Découper artificiellement le récit en trois chapitres comme un bon étudiant en cinéma ne suffit pas à camoufler les errances d’écriture. D’autant que le deuxième acte revenant dans le passé achève de parasiter les bribes de tension qui avaient survécu. Le tout dernier tiers tente avec une certaine efficacité de nous réveiller avec une relecture approximative de Funny Games, cependant à ce stade du film le mal est déjà fait depuis trop longtemps.

Il est essentiel pour un thriller de se reposer sur des personnages forts, qui viennent susciter notre empathie. Dans leur ombre échoue également sur ce point en nous condamnant à suivre des personnages dont la psychologie est aussi superficielle que caricaturale. En ce sens, difficile de ressentir quoi que ce soit pour notre héroïne tant son évolution est bâclée. En une dizaine de minutes, elle passe de la femme parfaite à une âme brisée aux réactions disproportionnées. Même la tentative honorable de faire dans le body horror avec le rapport aux démangeaisons est présentée avec si peu de conviction qu’on ne ressent pas la moindre gêne.

 

Dans leur ombre : photoUne charité qui tourne mal

 

Si le réalisateur Nathaniel Martello-White lorgne du côté de Jordan Peele, ça n’est pas uniquement sur la forme. À la manière d’un Get Out ou Us, Dans leur ombre tente, lui aussi, de porter un propos sous-jacent sur les discriminations et les différents rapports de classe. Cependant, même si le cinéma de Jordan Peele n’est pas caractérisé par la subtilité de ses messages, le cinéaste a développé l’art de les présenter avec une réelle intelligence, notamment grâce à son amour du décalage et de l’absurdité. À l’extrême opposé, Martello-White pense qu’il suffit d’assommer le spectateur avec des dialogues dignes d’un fil Twitter pour transformer son film en grande œuvre politique.

D’autant que son film peine à raconter plus que son concept de base. Comme pour Get Out, on retrouve un certain plaisir à traiter l’idée du regard blanc et bourgeois sur les corps noirs et prolétaires. Mais Dans leur ombre s’arrête là, ne gratte pas plus loin que la surface. Même l’hypocrisie des œuvres caritatives dans les beaux quartiers n’est pas traitée avec la méchanceté nécessaire. Sans relief, même le message le plus puissant ne suffit pas à faire une grande œuvre de fiction.

 

Dans leur ombre : photoL'ombre d'un doute 

 

L’ENFER C’EST LES AUTRES

Au milieu de ce traitement convenu, on retiendra cependant une idée brillante bien mieux développée que le reste. Nathaniel Martello-White s’intéresse au racisme intériorisé de son héroïne comme un réflexe de survie pour s’adapter à son nouvel environnement. On suit alors une femme racisée qui en vient à ressentir une sorte de répulsion profonde pour ses propres origines comme si elle devait se prouver constamment qu’elle mérite d’appartenir à l’élite sociale.

Cette idée transparait dans de nombreux détails dont l’obsession de l’héroïne pour sa coiffure et ses perruques ou encore l’accent bourgeois qu’elle répète chaque matin avant de sortir de chez elle. Ashley Madekwe incarne avec beaucoup de conviction cette femme en quête de contrôle et de respect, prête à tous les sacrifices pour être acceptée. Ce complexe offre au passage une des rares lignes de dialogue percutantes du film lorsqu’une voisine faussement bienveillante lui assure qu’elle fait presque partie de la communauté.

 

Dans leur ombre : photoUne idée lumineuse sortie de nulle part

 

Malgré ses nombreuses maladresses, Dans leur ombre parvient donc à éviter de peu le naufrage grâce au drame familial qui constitue le cœur de son récit. En effet, derrière le film de genre superficiel et peu efficace, on découvre une réflexion intéressante sur le sens des liens familiaux, la maternité et l’abandon. S’il n’évite pas toujours le piège du pathos, le film surprend le temps de quelques séquences subtiles et touchantes.

Et c’est paradoxalement sur la conclusion que Nathaniel Martello-White parvient à être le plus intéressant. Lors d’une toute dernière pirouette, il réussit enfin à conjuguer suspense et réflexion. Le tout avec une méchanceté inattendue et particulièrement efficace. De quoi nous laisser entrevoir un tout autre long-métrage auquel on aurait aimé assister. Il faudra malheureusement se contenter de ces quelques promesses au milieu d’un récit brouillon et peu engageant.

Dans leur ombre est disponible sur Netflix depuis le 22 février 2023 en France

 

Dans leur ombre : Affiche

 

 

Résumé

Malgré ses bonnes intentions, Dans leur ombre souffre d'une mise en scène générique et d'une écriture bancale. On retiendra tout de même quelques séquences et un final qui sauvent la mise de justesse.

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Lecteurs

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commentaires
Julian
28/02/2023 à 01:45

Dans Leur Ombre, c'était un film vraiment particulier. Les enfants noirs abandonnés qui viennent s'incruster de force et arrogance dans la nouvelle famille blanche de leur mère métisse. Le père blanc qui meurt. La mère qui abandonnent ses 4 enfants à la fin. Subtil. Hé les gosses qui refusent de prendre la responsabilité de vos propres existences et viennent faire chier vos parents qui ne vous ont rien donné : Grandissez et vivez, vous n'avez rien à réclamer. Fuck off kids !!

Mdavis
26/02/2023 à 22:50

Tout ça pour ça… lent, décevant, j’ai perdu 1h30

Jayjay
25/02/2023 à 23:09

Beaucoup de mal avec le casting qui ne correspond pas à l'âge de certains personnages et cette lassitude de voir un copier-coller d'un gars surestimé en vogue. Dernier acte qui n'assume pas jusqu'à la pirouette finale qui sauve un peu l'ambition du film. Ça reste une perte de temps.

Sieg
24/02/2023 à 22:32

Affligeant. Une perte de temps

Juju509
23/02/2023 à 23:08

Pourquoi finir le film comme ça ….

Brico
23/02/2023 à 04:03

Vraiment déçu de cette fin de film.

Fbla
22/02/2023 à 23:46

La critique est bonne... Peu de relief dans le scénario... Et une fin téléphonée. A éviter

Kn
22/02/2023 à 22:48

Une fin très nul
J’espère qu’il y aura une suite

Sm
22/02/2023 à 22:37

Je suis désolé mais je ne m’attendais pas avoir cette fin là j’espère qu’il y aura une suite

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