Alibi.com 2 : critique qui l'a dans le Fifi

Lino Cassinat | 8 février 2023 - MAJ : 08/02/2023 15:39
Lino Cassinat | 8 février 2023 - MAJ : 08/02/2023 15:39

Alibi.com premier du nom nous avait séduit. Nicky Larson et le Parfum de Cupidon augurait du meilleur. Super-héros malgré lui était même un bon film. Sur une trajectoire ascendante, la bande à Fifi (à savoir Philippe Lacheau, Tarek Boudali, Julien Arruti et Elodie Fontan) semblait enfin confirmer son potentiel comique, son dynamisme et son réjouissant amour pour la pitrerie cartoonesque, enfin habités par une vraie ambition conceptuelle et (presque) débarrassés du fond d'humour communautaire vaguement puant. Malheureusement, Alibi.com 2 sonne comme un retour du refoulé.

bande à part

Étrange morceau que la bande à Fifi, dont le potentiel est décelable depuis une décennie maintenant, mais qui déçoit continuellement. Dans un secteur comique français marqué par des productions molles emmenées par des figures croulantes, nos quatre jeunes comparses ont tout pour secouer un cocotier qui a bien besoin qu'on lui agite le bulbe. Et on ne parle pas que d'âge ici (voyez le calamiteux Jumeaux mais pas trop et son humour multimillénaire pour vous en convaincre), ni même de la culture pop moderne qui sert régulièrement de référence à Philippe Lacheau.

 

Alibi.com 2 : photo, Julien Arruti, Philippe Lacheau, Tarek BoudaliIls sont reviendus

 

Quiconque a vu Nicky Larson et le Parfum de Cupidon ou Super-héros malgré lui l'identifiera immédiatement : la troupe se démarque particulièrement du tout-venant par sa fantaisie juvénile et par ses inspirations proches du dessin animé, entre le rythme cocaïné de Tom & Jerry et les machinations démesurément improbables de Coyote et Bip-bip. Et plus les productions de la bande à Fifi tendaient vers cette écriture visuelle, plus on espérait de l'équipe qu'elle confirme son talent. Voire qu'elle rallume la flamme d'un rire cinégénique, comme un phare dans un océan pollué par la punchline, à la fois à la poursuite d'Audiard et YouTube.

Mais Alibi.com 2 est une douche glaciale sur cette étincelle, comme si un Tortank venait d'éteindre un Salamèche avec un torrent de vannes pas drôles et de gags fainéants tirés à l'hydrocanon. Peut-être est-ce aussi un seau d'eau froide pour réveiller les rêveurs que nous sommes : les deux derniers films de Philippe Lacheau ayant fait moins de 2 millions d'entrées, voici venir le giron de la norme, à savoir la simplicité décérébrée, la beauferie de tonton aviné et les caméos ringards en pagaille. Qu'on intime au dormeur de se réveiller ou qu'il se l'impose lui-même, peut-être qu'Alibi.com 2 est aussi une recherche de ce temps perdu des 3,5 millions d'entrées avec des choses plus simples.

 

Alibi.com 2 : photo, Philippe Lacheau, Tarek BoudaliSynopsis : ils ont 24 heures pour faire 3 millions d'entrées

 

épouse pas ton pote

Et à défaut de se prendre la tête, Alibi.com 2 prendra la nôtre dès la première séquence du film, qui sort les rames en bois de scénario vermoulu pour tenter de justifier l'existence de cette galère. Notre protagoniste va se marier et se retrouve donc "contraint" de présenter ses parents qu'il n'assume pas à sa belle-famille. Il va créer une arnaque avec de faux parents, comme si les logiques de la comédie de mariage n'avaient pas bougé depuis la mort de Marivaux. D'entrée de jeu, le ton est donné. Il est absolument navrant de se voir servir une soupe qui a 250 ans d'âge, et même pas réchauffée au micro-ondes par ceux qui hier encore reprenaient à leur compte la modernité des codes visuels de l'animation japonaise.

Le concept d'Alibi.com aurait pu prendre des dizaines de directions différentes pour son action principale, mais c'est encore et toujours le spectre collant du vaudeville qu'on invoque. Au-delà des enjeux du récit, c'est bien l'humour qui s'est fossilisé, paradoxalement puéril et préhistorique, adolescent et poussiéreux. Rien ne sera plus parlant ici que l'obsession pour les fesses d'Alibi.com 2 : cire dans le cul, assiette dans le cul, cactus dans le cul, tout y passe dans ce retour au stade anal de l'humour. Et le problème ne vient même pas du fait que ce soit un humour de cour de récré gras ou vulgaire (on vous renvoie au hasard à 21 et 22 Jump Street) : c'est juste ennuyeux et antédiluvien.

 

Alibi.com 2 : photo, Elodie Fontan, Nathalie Baye, Didier BourdonElodie Fontan larmes, Nathalie Baye et Didier file le bourdon : un bon résumé d'Alibi.com 2

 

Évidemment, avec des ressorts pareils, il n'y aura rien à attendre non plus du casting. Le renouvèlement de son énergie tient là encore sur deux figures du mauvais cinéma de papa : un Gérard Jugnot tout essoufflé dans son rôle d'arnaqueur minable, et une Arielle Dombasle en actrice porno qui fait son numéro habituel, à la vie comme à la scène, remplissant fidèlement au passage son rôle de thermomètre à navet.

Les caméos témoignent également de ce dynamisme dynamité : Gad Elmaleh à la rigueur passe encore, mais quand on en est à racler les fonds de tiroir au point de sortir Pascal Obispo et Patrick Fiori, on est pas loin d'une lente intoxication à la naphtaline. On aurait préféré du cyanure.

 

Alibi.com 2 : photoLe meilleur plaidoyer pour la retraite à 60 ans

 

mrs & mrs sprotch

Mais, comble de la frustration : même au sein de ce film-cahiers des charges écrit sur ChatGPT, quelque chose de la bande à Fifi continue encore et toujours de résister à l'envahissante fumisterie de la comédie télévisuelle. Son implication à l'écran, déjà. Que ce soit Philippe Lacheau, Tarek Boudali, Julien Arruti ou (surtout) Elodie Fontan, tous y croient encore comme au premier jour, et tous jouent chaque scène à 100% pour que ça marche. Une énergie contaminatrice qui va même jusqu'à réveiller Didier Bourdon, qui donne littéralement son corps plein et entier à la science du rire pendant une bonne minute de baston complètement dénudée.

Pendant un moment, on se surprend même à croire en Alibi.com 2 grâce à l'alchimie évidente entre Philippe Lacheau et Elodie Fontan, couple à la vie comme à l'écran. Au détour d'une séquence d'enfantillages conjugaux qui tourne à la destruction de mobilier (comme un Mr. & Mrs. Smith avec un karcher et une tondeuse à la place des fusils à pompe), on espère que le long-métrage s'anime. Il y subsiste encore un semblant d'ambition, de mise en scène, de rythme, de découpage. Quelques jeux entre arrière et avant-plan par-ci, une paire de gags à effet papillon par-là, ou encore un plan-séquence d'action final à la Kingsman pour finir : soudain, l'envie de faire de l'image revient, et l'électricité avec.

 

Alibi.com 2 : photo, Elodie Fontan, Philippe LacheauPresque électrique

 

Malheureusement, ces éclairs ne sont rien d'autre que cela : des éclairs de foudre rendus plus brillants par la nuit noire qu'ils traversent. Des éclairs au chocolat rendus plus digestes par contraste avec le reste de ce brouet informe. Presque triste d'exister. Il faut dire qu'à recycler les vieilles obsessions de la comédie française, vaguement homophobe (la courte scène de Gérard Jugnot en prison est lourde de sens), vaguement misogyne (les femmes comparées à des voitures d'occases quand elles ont déjà des partenaires sexuels au compteur apprécieront) et vaguement raciste (personne n'avait demandé un caméo de Medi Sadoun, et encore moins en caricature de gitan), il y a de quoi perdre l'envie de vivre.

 

Alibi.com 2 : affiche

Résumé

On adorerait aimer la bande à Fifi. On a même failli l'aimer. Mais avec un (télé)film comme Alibi.com 2, elle semble préférer revenir à ses premières amours. Encore un comme ça et on demandera le divorce.

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Lecteurs

(3.5)

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commentaires
Flo 1
14/02/2024 à 20:28

Le précédent film de Philippe Lacheau était assez paresseux ? Cette suite-ci semble en avoir conscience en démarrant avec un Greg lui-même s’étant encroûté, la fabrication d’une maquette (passe-temps de vieux dit-on) étant déjà une référence à une vieille idée irréalisable de parodie de « Titanic »…
On y est : la Mise en Abîme. C’était ce qui faisait du premier « Alibi.com » le chef d’œuvre de la Bande à Fifi, ou au moins un aboutissement. Car cette équipe qui fabrique des alibis, ce sont des artistes/artisans qui créent une autre réalité… ce sont des comédiens, des narrateurs.
C’est eux, les mêmes depuis leurs sketches TV, utilisant de solides moyens comme des bouts de ficelle, de la débrouille.

Cette suite n’arrive toutefois pas à la hauteur du premier volet, dont la construction des gags atteignait souvent des niveaux étonnants, même au sein d’une scène peu originale (parodier Star Wars comme ça, bof… mais parodier la Force en utilisant la Gravité, c’est cool).
En plus du groupe de potes, des enfants et animaux, on est un peu ici dans un best-off, faisant revenir certains acteurs des anciens films ou y mettant quelques références. Ça donne surtout un trop plein en 1 heure 24, où chaque bonne idée a son équivalent poussif.
Retrouver le Gérard Jugnot teigneux à la voix de fausset, c’est génial… Voir Arielle Dombasle en ingénue précieuse sexy, c’est pas incroyable.
Retrouver Catherine Benguigui gentille transparente, c’est adorable… Retrouver Georges Corraface en vieux beau dangereux, c’était pas utile.
Un caméo à la Gad Elmaleh, Oui !.. La participation de Redouane Bougheraba, bof.

On aurait pu couper dans le gras pour se concentrer sur le meilleur, le développer plus – par exemple la baston de mariage, qui méritait d’être deux fois plus longue. Et surtout toute la partie consacrée au couple Lacheau/Élodie Fontan, qui manque d’atteindre l’égalité hormis lors de moments où ils créent des joutes géniales entre eux. Où elle même se met créer du mytho avec ingéniosité – d’ailleurs sur le tournage, elle a joué bien des tours pendables.
Malgré ses excès superflus, on rit, on est complice, on en redemande.

Olivier44
07/02/2024 à 22:38

critique hyper dure et à côté de la plaque.
Franchement, on sent quand même un gros travail d'écriture (le scénario est rigolo, tout est plutôt cohérent, il y a de bonnes idées de gags ou de situation improbables...) J'ai presque trouvé ça aussi drôle que pourrait l'être un Babystting 3 (les deux Babysitting sont quand même super marrants). Les acteurs sont toujours aussi bons et amusants.
Tacler Fiori et Obispo de la sorte est juste hyper méprisant, tacler ainsi le scénario et tous les points négatits cités est aussi très méprisant vis à vis du travail fourni sur ce film. En fait, on peut ne pas apprécier le film (les gouts et les couleurs) mais on peut le dire sans mépris. Je ne sais pas combien de temps ça prend de faire un film comme ça disons un an (entre écriture, tournage, montage, etc).
Donc un an pour faire un film, 10 minutes pour le détruire, bien planqué derrière son PC. Honnêtement, c'est vraiment méprisant et j'ai du mal à comprendre comment, à un moment, vous vous dîtes pas que vous êtes allé trop loin. Je sais pas, vous avez pas envie qu'on parle d'Ecran Large en bien? C'est méprisant et prétentieux votre critique. Encore une fois, on peut ne pas aimer un film. On peut aussi faire son travail de critique de manière respectueuse. Ce n'est pas le cas ici.

Phil59
23/04/2023 à 19:32

Nous venons de voir le film et, effectivement, même si cela ne vole pas très haut, il faut saluer le rythme, l'énergie dégagée. Les rires dans la salle témoignent d'un film en phase avec les attentes du public en ces temps moroses. Bravo à toute l'équipe, et tant pis pour les critiques!

tenere76
26/03/2023 à 20:43

J'en reviens ce jour d'avoir vu ce très bon film, on passe un bon moment, votre commentaire est infondé et dénué de sens pour ce genre de film Mon premier passage sur votre site, mais le dernier

Lohan
18/03/2023 à 17:48

Film très drôle merci Phiphi. Un mot à dire vous êtes des connards , le film est drôle du début à la fin passez votre chemin et faites pas de critiques si c’est pour dire de la merde

Marc et les film comique Français
12/03/2023 à 17:42

Alibi.com 2 c'est drôle c'est con mais c'est drôle

Sheric
26/02/2023 à 10:02

Heureusement que je n’ai pas suivi votre avis avant d’aller voir ce film, dans un monde où tout le monde se plaint et ne voit que le négatif, j’ai passé un vrai bon moment de rire comme une bonne partie de la salle à en croire les rires nombreux !
A priori votre avis élitiste ne reflète pas celui plus populaire de la majeure partie des gens qui vont au cinéma pour se faire du bien au moral et pas de pose trop de questions métaphysiques !
Alors oui c’est une comédie populaire et merci à eux pour nous faire rire !

ttd71
25/02/2023 à 11:24

Je viens de voir le film et je trouve vraiment votre critique très sévère même si je l'entend.. . la bande a Fifi fait de la bande à Fifi ...c'est un style une marque de fabrique!
le film a je pense été réfléchi et abouti même si apparemment il n'a pas plu a votre critique .!!

Virginie V
20/02/2023 à 23:08

J’ai adoré cette suite, où l’on rit de la première à la dernière minute.
Ça fait du bien de mettre son cerveau sur pause pendant 90min et de simplement rire et profiter, sans «penser».
Allez y, foncez…

Pat06
18/02/2023 à 23:49

Je suis parti avant la fin !…
Comment certains acteurs ont ils pu se rabaisser à jouer dans une comédie aussi grotesque ?!…

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