Pour la France : critique en bleu blanc rouge

Déborah Lechner | 9 février 2023
Déborah Lechner | 9 février 2023

Après avoir été en compétition dans la section Orizzonti de la Mostra de Venise 2022, le film Pour la France est arrivé dans les salles françaises. Pour son second long-métrage, le réalisateur Rachid Hami s'est appuyé sur les talents de Karim LeklouShaïn BoumedineLubna Azabal et Laurent Lafitte, mais aussi sur un récit plus intime, presque autobiographique, dans lequel il revient sur la mort de son frère en école militaire.

UNE AFFAIRE DE FAMILLE...

Plus que la mort d'un élève de la prestigieuse École Militaire de Saint-Cyr au cours d'une cérémonie de "transmission de traditions" non encadrée, Pour la France raconte comment cet événement tragique oblige les membres d'une famille dysfonctionnelle à se reconnecter les uns aux autres.

Pour comprendre l'éclatement de cette cellule familiale, et plus particulièrement les tensions entre la victime, Aïssa (Shaïn Boumedine), et son grand frère, Ismaël (Karim Leklou), le film s'étale sur trois temporalités : leur enfance à Alger, le présent en France et leurs retrouvailles pour le Nouvel An, deux ans auparavant, à Taipei. Et c'est bien là que le scénario brille : en parlant avec justesse et simplicité de la famille, de la dégradation des liens qu'on voudrait immuables, des non-dits qui crispent et des regrets qui éloignent. Le sujet n'est pas neuf, tout a déjà été dit et parfois mieux, mais l'exécution est suffisamment tangible et sincère pour désarmer et toucher en plein coeur. 

 

Pour la France : photoUn film qui vaut Leklou

Pour la France dresse ainsi des portraits cabossés, tout en nuance, à commencer par celui d'Ismaël, l'infréquentable qui est toujours resté dans l'ombre de son petit frère prodigue. C'est celui qui cherche sa place, autant dans le monde que dans sa propre famille, dont il se sent exclu. Mais c'est aussi celui qui encaisse les regards désapprobateurs, les reproches et les remarques qui font mal, sans jalouser ni blâmer.

Mais si le jeu de Karim Leklou reflète parfaitement la dualité du personnage et les points noirs de son caractère fictif (l'acteur s'étant approprié le rôle, de sorte qu'il ne soit pas calqué sur le réalisateur), le film entretient une ambiguïté inutile, parfois lourde, sur la nature de ses activités (apparemment pas très légales) et les raisons pour lesquelles ses proches refusent ses généreux cadeaux, notamment sa mère, l'autre personnalité forte du film, qui peut se montrer combative et résignée dans une même scène.

Même si Lubna Azabal est beaucoup trop jeune pour jouer la mère de Karim Leklou de façon crédible, l'actrice laisse transparaître toutes les failles de ce personnage fier qui voudrait n'en montrer aucune.

 

Pour la France : photo, Karim LeklouKarim Leklou est un acteur formidable (si quelqu'un en doutait encore)

 

Pour mettre en lumière ces personnages(avec lesquels Rachid Hami a voulu garder une certaine distance), le réalisateur se met en retrait. Le montage va à l'essentiel et la caméra reste statique, sans coupure, pour laisser les acteurs rythmer les scènes, leur donner un ton lyrique ou monotone selon les besoins du moment. Cela a aussi pour avantage de renforcer l'immersion, comme pendant la découverte du cadavre d'Aïssa où la caméra prend la place d'un témoin qui regarde l'action de face, sans oser bouger, à l'image des hommes en uniforme qui attendent à l'entrée.  

Cependant, le trio principal éclipse tous les autres personnages qui remplissent le cadre familial ou les couloirs de Saint-Cyr. L'absence du père est une composante primordiale du scénario, mais le cadet, l'oncle, la cousine ou la petite amie d'Aïssa sont complètement effacés, le scénario ne s'intéressant à eux qu'en surface après leur avoir tendu le micro, qu'il s'agisse d'un règlement de compte à table entre cousins ou les questionnements d'un adolescent qui souhaite rencontrer son père. 

 

Pour la France : photo, Shaïn Boumedine, Karim Leklou"Tout pour les miens"

...MAIS PAS UN SCANDALE D'ÉTAT

Il faut dire qu'avec une durée de 1h50, le film a dû faire des choix. L'histoire est très dense, entre la fresque familiale, le fait divers en lui-même et le contexte politico-social beaucoup plus large. Rachid Hami a donc sacrifié certains aspects au profit d'autres. Lui voulait surtout parler de son frère, et ausculter les rapports familiaux dans ce qu'ils ont de plus beau et douloureux. Le but était ainsi de viser l'apaisement et la guérison plutôt que le conflit et l'antagonisme, comme il l'a d'ailleurs explicité dans une note d'intention jointe au dossier de presse : "Je ne veux pas me servir du cinéma pour régler des comptes ou pour fabriquer des pièces à conviction."

Toujours est-il qu'on peut parfaitement comprendre les raisons d'un choix tout en regrettant le résultat, car au final, Pour la France est une histoire pleine d'angles morts et presque ironiquement de non-dits. Plutôt que de se focaliser entièrement sur les deux frères, l'histoire s'articule autour des funérailles d'Aïssa et des symboles qui les entourent. Mais le bras de fer entre la famille, l'école et le ministère des armées, et plus globalement l'écartèlement entre l'amour pour un pays d'adoption et le sentiment de trahison, manque de force et se résume à quelques saillies amères, comme la réplique de Lubna Azabal au moment des funérailles : "Non, pas la Marseillaise". 

 

 

Pour la France : photoL'importance des symboles 

 

Si l'accablement de la famille est presque palpable, le sentiment d'injustice face à l'affaire et son dénouement devant les tribunaux est à peine esquissé (alors même que les enjeux autour des funérailles sont étroitement liés). Les coupables n'ont pas de visage et leur impunité est balayée d'un revers de main, tout comme la résonnance médiatique, le racisme supposé de Saint-Cyr, la lâcheté des officiels, la guerre civile algérienne ou plus largement les questions (toujours brûlantes) autour de l'immigration et de l'assimilation. 

Le scénario dégage ainsi des pistes, dont tout un contexte politique, dans lesquelles il refuse de s'engager et semble vouloir se cacher derrière la figure très enjolivée du Général Caillard. Laurent Lafitte lui donne du relief et de la sensibilité alors qu'il n'est au fond que la caution morale du scénario, un entre-deux tiède qui tient le rôle de conciliateur (sa place sur l'affiche est d'ailleurs assez parlante). 

Pour la France a peut-être un titre trompeur (Deux Frères était déjà pris) et des enjeux qui dépassent sa volonté, mais il place Rachid Hami sur la liste des réalisateurs français à surveiller. 

 

Pour la France : affiche

Résumé

Pour la France est poignant quand il traite de la famille et de la relation conflictuelle entre deux frères, mais trop effacé sur les questions sociales et politiques qu'il ne peut malheureusement pas esquiver. 

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(4.0)

Votre note ?

commentaires
Pierre 92
27/03/2023 à 21:33

Je sors du film Pour la France, anéanti, déçu au plus haut point
et je n'étais pas le seul dans la salle à partager cet avis
de plus que viens faire Laurent Lafitte dans ce film, besoin de
Prmier tiers émouvant , on attend beaucoup de la suite et de leur combat
second tiers ennuyeux, on se perd sans intérêt et sans émotion en Asie, long
dernier tires partisan, ode à je ne sais qouoi, qui se perd au cimetière de Bagnolet
Film long, ennuyeux , sans intérêt
j'en espérais plus , mais on se perd dans les dédales de problèmes familiaux sans intérêt
A ne pas voir

votre commentaire