Pathaan : critique Bond & Furious

Clément Costa | 31 janvier 2023 - MAJ : 31/01/2023 11:29
Clément Costa | 31 janvier 2023 - MAJ : 31/01/2023 11:29

La saison des grands blockbusters de 2023 est définitivement lancée avec Pathaan de Siddharth Anand. Entre la création d’un univers étendu et le retour triomphant du roi Shahrukh Khan, la pop culture indienne a rarement été aussi radieuse.

L’ESPION QUE J’AIMAIS

S’il y a bien un cinéaste qui s’est imposé comme figure majeure du blockbuster d’action à Bollywood ces dernières années, c’est sans le moindre doute Siddharth Anand. Après le premier essai prometteur, mais inégal qu’était Bang Bang, remake surprenant de Night and Day, la popularité du cinéaste a explosé grâce à War. Son secret ? Un cinéma à la fois jubilatoire, régressif et ultra-référencé, le tout mêlé à une écriture souvent bien plus subtile qu’il n’y paraît. Forcément, voir un tel metteur en scène revenir avec un projet encore plus coûteux et plus ambitieux avait de quoi attirer notre attention.

D’autant que Pathaan n’est pas seulement un blockbuster d’espionnage sur fond de tension indo-pakistanaise comme pourrait le suggérer son synopsis. Le film est un événement colossal en Inde pour deux raisons. Tout d’abord, il officialise le Spy Universe, un univers étendu qui récupère au passage trois films déjà sortis : Ek Tha Tiger, Tiger Zinda Hai et War. Plus important encore, Pathaan marque le grand retour sur grand écran de la légende vivante Shahrukh Khan après une série d’échecs et plus de quatre années d’absence.

 

Pathaan : photoLe retour du roi 

 

Avec une telle pression sur les épaules, de nombreux cinéastes auraient joué la sécurité avec un film lisse au possible, réalisé sans personnalité. Par chance, Siddharth Anand n’est pas un simple faiseur, mais un véritable auteur qui traite le cinéma de divertissement avec soin et savoir-faire. Son ambition semble évidente dès les premières minutes, il veut faire en sorte que chaque séquence soit plus folle et mémorable que la précédente.

Avant même que le titre n’apparaisse à l’écran, on a déjà eu l’arrivée du méchant, un interrogatoire musclé, une fusillade superbement mise en scène et une évasion spectaculaire impliquant un hélicoptère. Anand maîtrise à merveille les codes du blockbuster indien avec cette inventivité folle rappelant les plus belles heures du cinéma hongkongais, les dialogues cinglants et la glorification absolue de ses héros. Le cinéaste lorgne également du côté de Mission Impossible, James Bond et même Fast & Furious 7 dans cette envie de divertir avec la sincérité la plus désarmante possible.

  

Pathaan : photoUn combat au sommet 

 

D’autant que le réalisateur indien nous rappelle son immense talent lorsqu’il s’agit de filmer l’action. Les combats au corps à corps sont grisants, superbement chorégraphiés et renforcés par un montage dont la fluidité force le respect. Viennent s’ajouter des idées de mise en scène diablement efficaces, à l’image de ces plans à la première personne impliquant un fusil à pompe. Même constat dans l’utilisation mesurée des ralentis qui montre à quel point Siddharth Anand sait quand iconiser et quand laisser le flot d’images exploser à toute vitesse.

L’ambition de créer un spectacle total devient cependant la vraie limite de Pathaan. Pour parvenir à faire plus grand, plus fort, le cinéaste se perd parfois dans une utilisation abusive d’effets numériques assez peu convaincants. Non seulement la course-poursuite en jetpack n’a pas l’efficacité brutale d’un simple combat, mais en plus ces effets nuisent à une direction artistique particulièrement soignée.

Fort heureusement, Pathaan compense ses failles en offrant un spectacle d’une générosité à toute épreuve. D’autant que le réalisateur saisit à merveille le culte du cinéma indien pour ses superstars. Plus séduisant et charismatique que jamais, Shahrukh Khan est glorifié à chaque plan. De son côté, Deepika Padukone a droit à un vrai rôle d’héroïne qui participe aux combats et n’a pas peur de se salir les mains. Et malgré son jeu monolithique, John Abraham incarne un méchant convaincant.

 

Pathaan : photoRipley n'a qu'à bien se tenir 

 

THE KHAN DINASTY

Toute personne ayant regardé Batman v Superman vous le dira, créer un univers étendu quand les films précédents semblaient évoluer indépendamment n’a rien de facile. Pathaan aurait aisément pu n’être qu’une suite ininterrompue d’exposition balourde, de mise en contexte et d’annonces indigestes. Par chance et surtout par talent, Siddharth Anand et ses deux scénaristes trouvent un équilibre minutieux. D’un côté, le film se suffit à lui-même, de l’autre il parvient à distiller des indices qui le lient aux films précédents et offrent des pistes pour les suites.

Tout cela se fait sans jamais perdre en chemin les nouveaux spectateurs. La superbe séquence d’action dans le train est un exemple brillant d’une narration qui va ravir les fans de la première heure tout en restant parfaitement appréciable pour les novices.

 

Pathaan : photoLa classe avant tout

 

Si l’on espérait une écriture efficace et divertissante, il faut bien avouer que le film parvient à surprendre du côté de l’émotion. On peut penser par exemple au passé de l’antagoniste qui parvient à l’humaniser et à éveiller une certaine empathie à son égard tout en le rendant paradoxalement bien plus menaçant. Mélange habile d’enjeux complexes et de divertissement qui n’a jamais peur du ridicule, le scénario dose les différents registres avec une dextérité admirable.

Autre grande qualité de l’écriture : saisir à merveille ce qu’implique la présence de Shahrukh Khan. À l’image d’un Tom Cruise, l’acteur est connu pour sa filmographie méta qui commente en permanence sa position dans l’industrie ainsi que sa vie privée. Dans la droite lignée d’un Top Gun : Maverick, il y a quelque chose de profondément émouvant pour les fans dans cette histoire de héros glorieux porté disparu et qui défie toute logique pour récupérer son trône dans un monde qui a changé. Le tout sans jamais renoncer à ses principes. Impossible d’imaginer un meilleur retour pour l’acteur après ses difficultés et ses échecs.

 

Pathaan : photoToujours vivant, rassurez-vous 

 

LE COMBAT CONTINUE

Alors que le cinéma bollywoodien est contaminé ces dernières années par une propagande nauséabonde, Siddharth Anand offrait avec War une double lecture politique étonnamment profonde des tensions entre hindous et musulmans. Une fois de plus, il détourne avec Pathaan les codes du cinéma patriotique moderne. Le simple choix de mettre en scène un espion avec un nom de code lié à l’islam était particulièrement osé. En témoigne d’ailleurs la réaction de l’extrême-droite indienne qui a tenté d’interdire le film et de le censurer avant d’avoir recours à la désinformation et au vandalisme.

Entre les mains d’un autre cinéaste, Pathaan aurait pu n’être qu’une histoire caricaturale entre le grand méchant Pakistan et les braves héros indiens. Tout est bien plus ambigu chez Anand. Certes, le point de départ vient d’un général pakistanais, mais c’est un traître des services secrets indiens qui incarne la vraie menace. D’autant que si le Pakistan réplique, c’est avant tout en réaction à une décision politique indienne concernant le Cachemire.

 

Pathaan : photoToi et moi contre le monde entier

 

On découvre alors une réflexion inattendue sur le cercle de la haine qui ronge les deux pays, une infection fatale très littéralement métaphorisée par le cancer du général ennemi. Le film pose un regard critique subtil sur le patriotisme aveugle qui gangrène la société indienne et rappelle que l’amour du pays n’exclut jamais l’humanisme. En témoigne la relation tumultueuse qui unit le héros et Rubina.

Et c’est peut-être là que Pathaan crée le lien le plus logique possible avec les films précédents du Spy Universe. Comme dans Ek Tha Tiger, comme dans War, le Mal vient des institutions et non des citoyens. On y voit des gouvernements incapables, déchirés et aveuglés par la haine et le pouvoir. Les espions que l’on suit ne sont pas des héros parce qu’ils servent la nation sans esprit critique. Ils le sont parce qu’ils comprennent l’importance de désobéir pour ne pas transiger avec leur sens moral. Techniquement jubilatoire et politiquement passionnant, on tient là un très grand cru du blockbuster de 2023.

 

पठान : Affiche officielle

Résumé

Pathaan promettait du grand spectacle et parvient à faire encore plus fort qu'espéré. Non seulement Siddharth Anand livre un divertissement de très haut niveau mais il offre en plus à Shahrukh Khan un retour de rêve au sommet du cinéma indien. Une expérience jubilatoire sur grand écran à ne manquer sous aucun prétexte.

Autre avis Antoine Desrues
Brushings impecs, rock de bourrin, set-pieces tous plus tarés les uns que les autres : Pathaan est un bonheur de tous les instants, d'une incroyable générosité. On en ressort à la fois hagard et revigoré, mais surtout avec le sourire jusqu'aux oreilles. Voilà le plaisir et la viscéralité que devraient viser les blockbusters !
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Lecteurs

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commentaires
Merci
03/02/2023 à 14:41

Magnifique critique qui me donne envie de voir le film. Merci Clement et merci écran pour mettre en avant le cinéma indien de manière si professionnel.

Clément Costa - Rédaction
03/02/2023 à 12:42

@Indiana : Vous pouvez en avoir marre qu'on parle de ce cinéma, en revanche remettre en question la sincérité des articles est d'une mauvaise foi assez malvenue. J'écris sur les industries indiennes depuis 2009, je pense pouvoir affirmer que je maîtrise le sujet.

Et pour le traitement "complaisant", où étiez-vous quand nous avons publié les critiques des films Varisu, Ram Setu, Valimai ou de la série She ? Les articles ouvertement négatifs sur les bandes-annonces de Heropanti 2 ou Adipurush ? Une poignée de films indiens récoltent des bonnes notes chez nous et ça vous semble tellement inconcevable que vous venez crier au scandale.

Le cinéma indien (et c'est valable tant pour Bollywood que toutes les autres industries régionales) n'a pas besoin d'être adoubé par qui que ce soit, il a surtout besoin d'un public qui accepte que des critiques professionnels aient envie de le mettre en avant par passion sincère - sans aucune complaisance "petit colon".

Indiana
02/02/2023 à 13:48

Je suis indien. Je commence à en voir marre de votre attitude de bandeur de bollywood. Vous avez découvert notre cinéma il y a 2 ans et depuis, vous ne faites que des critiques complaisantes. Même un trailer d'un sous-predator éclaté suscite chez vous un état d'extase inexplicable. Il y a un côté petit colon qui vient adouber notre travail.

Mouna
02/02/2023 à 12:03

trop déçu de Pathaan. Rien de nouveau, trop d'effet spéciaux et le jeu d'acteur de Sharuk encore plat et sans relief.

Billy
02/02/2023 à 03:22

la meuf de 40kg qui tien a Gatling de 200kg.........

OMG
01/02/2023 à 00:33

@laredac, je me ferais un plaisir d'aller voir le film rien que pour changer d'avis. Merci

SRK59
31/01/2023 à 22:28

DDLJ, K3G, KHNH, Veer Zara, KKHH, MNK, Devdas (La liste est longue) voici de plus un gros film qui va marquer la carrière du KING de Bollywood ❤️ .. je suis très contente qu’ils est repris sa carrière en main parce qu’il mérite ce succès. J’ai hâte de regarder Jawan et Dunki.
The king est de retour ❤️
Kinepolis Lomme va le rediffuser cette semaine je vais le reregarder une deuxième fois parcqu’un film comme celui la on doit le regarder en grand écran !

Chesswick
31/01/2023 à 14:01

Dommage qu'il n'ait eu qu'une distribution d'une ou deux séances passées en Suisse romande (à ma connaissance), après RRR j'aurais bien aimé découvrir sur grand écran un peu plus de ce cinéma indien que je ne connais que très mal, mais qui m'a l'air fort intéressant!

Clément Costa - Rédaction
31/01/2023 à 13:56

@OMG : Comme souvent pour ce type de productions, la bande-annonce est effectivement très générique, avec un goût de déjà-vu. Mais c'est loin d'être à la hauteur du long-métrage !

OMG
31/01/2023 à 13:09

Je viens de regarder la BA et franchement on a l'impression que c'est un catalogue sans fin de tout ce qu'il doit y avoir dans un film d'espions/action.
Il manque juste un Kamoulox et un chifoumi

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