Devotion : critique d'un sous Top Gun historique sur Amazon

Arnold Petit | 3 mars 2023 - MAJ : 03/03/2023 18:22
Arnold Petit | 3 mars 2023 - MAJ : 03/03/2023 18:22

Sorti au cinéma aux États-Unis grâce à la Paramount, Devotion a fait un tel flop au box-office qu'il a été revendu à Amazon Prime Video pour sa sortie en France. Le film raconte l'histoire du premier aviateur naval afro-américain au début de la guerre de Corée. Au croisement entre Top Gun et Pearl Harbor, le film réalisé par J.D. Dillard (Sleight, Sweetheart) avec Jonathan Majors et Glen Powell aborde les questions de racisme, de devoir et de sacrifice à travers la relation d'amitié entre deux pilotes.

FLYBOYS

Avec ses séquences de combats aériens, ses plans à l'intérieur des cockpits et ses pilotes qui se retrouvent plongés dans le feu de l'action après un entraînement intense, Devotion pourrait presque être considéré comme un prequel de Top Gun qui aurait remplacé les jets à turboréacteurs par de vieux chasseurs Corsair à pistons et à hélices. Le rapprochement apparaît dès la scène d'ouverture, qui montre de magnifiques plans d'un avion et Glen Powell en train de rouler sur la piste d'une base aéronavale pendant que des appareils décollent à côté de lui.

Apparu dans Top Gun : Maverick dans le rôle du lieutenant Jake Seresin, dit "Hangman", l'acteur a ressorti son blouson et le reste de sa panoplie de pilote pour incarner Tom Hudner, un des héros de ce film qui reprend plusieurs éléments de celui de Tony Scott : des aspirants aviateurs qui suivent les leçons d'un instructeur dans une salle de classe ; un personnage principal avec un caractère de tête brûlée qui désobéit aux ordres dès sa première sortie ; les scènes de décollage et d'atterrissage sur un porte-avions qui s'enchaînent, ou encore l'exercice qui tourne à l'accident tragique et qui fait naître le doute dans l'esprit du héros.

 

Devotion : photoL'étoffe des héros

 

Mais entre les manoeuvres d'entraînement et les aviateurs qui se pavanent en uniformes, le film de J.D. Dillard adopte peu à peu un ton plus solennel pour raconter un drame humain sur Jesse Brown (Jonathan Majors), l'autre héros du récit et le premier aviateur naval afro-américain à intégrer la marine des États-Unis. Le réalisateur étant fils d'un pilote, le deuxième Afro-Américain sélectionné pour voler au sein de la patrouille acrobatique des Blue Angels de la marine, l'histoire prend forcément une valeur personnelle pour le cinéaste, et le respect et le soin dont il fait preuve se ressent clairement dans sa mise en scène.

Cependant, à partir du moment où il reste au sol pour passer du temps avec ses personnages, le film s'enlise dans un rythme bancal, avec des passages dramatiques qui s'étirent et qui réduisent constamment la tension. Le scénario de Jake Crane et Jonathan A. H. Stewart (qui est adapté du livre éponyme d'Adam Markos) se contente alors de réciter tous les poncifs du film de guerre et Devotion devient progressivement un sous Pearl Harbor ennuyeux qui a pour seule particularité de s'intéresser à l'histoire du premier aviateur noir de la marine américaine.

 

Devotion : Photo Jonathan Majors, Christina JacksonLa tête dans les nuages

 

BLACKBIRD

Même s'il se présente comme une "histoire sur la guerre oubliée des États-Unis" dans son carton d'introduction, Devotion n'est pas l'épopée annoncée, mais un film qui retrace les liens qui se sont développés entre Jesse Brown et Tom Hudner, qui deviendra son ailier et son ami. Dès leur première rencontre, il y a une certaine hésitation dans le comportement des deux soldats. Devant cet aviateur blanc qui sort de l'académie, Jesse se montre respectueux, mais méfiant, comme avec les autres pilotes, alors que Hudner, à l'inverse, a tendance à vouloir prendre la défense de cet homme qui ne demande qu'à être traité comme les autres.

Après avoir montré ses compétences à bord d'un avion, le film présente Jesse Brown tel qu'il se considère : un père de famille aimant et le mari d'une femme, Daisy (Christina Jackson), celle qui s'inquiète lorsqu'il part accomplir son devoir. Malgré la discrimination et l'animosité auxquels il est confronté tout au long du film, Jesse reste impassible avec les autres, mais la peine qu'il a accumulée dans un carnet de notes à chaque remarque raciste ressort et éclate dès qu'il se retrouve seul. C'est dans ces moments plus rares et plus intimes, lorsqu'il s'attarde sur les troubles de son héros, que le film se distingue et trouve une certaine justesse, notamment grâce à la performance poignante de Jonathan Majors.

 

Devotion : Photo Jonathan Majors, Glen PowellUne paire d'as

 

Entre la colère et la lassitude, l'acteur s'investit énormément pour exprimer la douleur profonde qui ronge son personnage, comme lorsqu'il raconte le calvaire qu'il a subi pendant son épreuve de natation ou qu'il récite des insultes de ses anciens officiers devant un miroir pour se préparer à voler. L'interprétation de l'acteur canalise toutes les frustrations de Jesse dans ses expressions et son attitude réservée envers les autres pilotes, y compris Tom. Face à lui, néanmoins, Glen Powell a du mal à suivre et ne fait que reprendre son rôle du pilote charmant et loyal. L'alchimie entre les acteurs ne passe pas, et donc la relation qui est au coeur du film n'est ni touchante ni convaincante.

L'écriture plus que limitée des personnages n'aide pas à les rendre plus crédibles. Daisy n'apparaît que pour jouer la femme au foyer inquiète, les autres membres de l'escadrille ne sont jamais caractérisés et Tom continue de se donner pour mission de défendre Jesse sans se rendre compte que ses actions ne font qu'attirer l'attention sur son partenaire. Au fur et à mesure, le film ne sait plus s'il veut être un drame social, une aventure inspirante ou un récit historique et finit alors par emballer son histoire dans une morale simpliste.

 

Devotion : Photo Jonathan Majors, Joe Jonas, Glen PowellAvec même un passage par la Croisette

 

SHADOW IN THE CLOUDS

En revanche, d'un point de vue technique, Devotion tient toutes ses promesses et compense ses écueils par de superbes séquences de vol et de combats aériens, réalisées avec des effets pratiques pour la plupart (des chorégraphies aériennes et des prises de vues de Kevin LaRosa, qui était aussi présent sur... Top Gun : Maverick). Aux côtés du directeur de la photographie Erik Messerschmidt, chef opérateur de David Fincher qui a travaillé sur Gone Girl, Mank et The Killer, J.D. Dillard sait proposer de magnifiques plans de différents angles et les images qu'il offre sont aussi immersives que spectaculaires, comme lors d'un combat où Tom et Jesse sont surpris par un MiG ennemi.

Une fois que la guerre de Corée débute au bout d'une heure et demie, le film retrouve son intensité et multiplie les moments de bravoure dans des scènes d'actions prévisibles, mais efficaces, malgré des dialogues toujours risibles (quand l'instructeur incarné par Thomas Sadoski dispense ses derniers conseils avec un air grave avant la mission finale ou lorsqu'un soldat prie pour être sauvé par des anges avant que les avions apparaissent).

 

Devotion : Photo Jonathan MajorsSous le feu ennemi

 

Il faut finalement attendre le dernier acte et le déploiement de l'escadrille en Corée pour que le film surprenne et dégage une surprenante émotion dans un dernier affrontement qui réussit enfin à illustrer le chaos de la guerre et le sacrifice des soldats, aussi bien sur terre que dans les airs.

Malheureusement, ce sursaut intervient trop tard et donne l'impression d'être expédié par rapport au temps consacré à l'entraînement et à la préparation. Jusqu'au bout, l'hommage que voulait rendre le film est raté, et même s'il fait tout pour l'éviter, Devotion n'est finalement qu'un film de guerre comme les autres, mais avec de jolies scènes d'avions.

Devotion est disponible en intégralité depuis le 3 mars 2023 sur Amazon Prime Video en France 

 

Devotion : Affiche US

Résumé

S'il offre de jolies séquences aériennes et que Jonathan Majors est totalement investi dans son personnage, Devotion peine à prendre son envol ou à se distinguer des autres films du genre.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(3.6)

Votre note ?

commentaires
Ase
04/03/2023 à 22:35

J’ai tout de même trouvé Glen Powell bon dans son personnage, l’écriture n’aide pas forcément à créer l’alchimie entre les deux acteurs.

omg
04/03/2023 à 09:27

@Ecran Large, je vous trouve un peu torturés cette semaine. Le film fait le job, La parenthèse en France est 100% clichés mais le tout est visible gratos sur Prime

Flash
03/03/2023 à 22:55

@Eddie, oh oui tellement atypique cet avion avec ses ailes en W, et puis Robert Conrad, j’adorais cet acteur quand j’étais gamin.

Eddie Felson
03/03/2023 à 22:15

@Flash
Le Corsair! Mythique, tellement atypique et si beau… et papy Bowington!… que de souvenirs télévisuels! J’adore, mythique.

TofVW
03/03/2023 à 15:30

Un film vraiment sympa, tout en retenue : un peu d'action mais pas trop (mais très bien faite par contre !), émouvant sans être larmoyant, j'ai trouvé les personnages plutôt attachants.
Le rythme est en dent de scie, et finalement ce n'est pas plus mal : un peu d'action nous réveille au moment où on commence à s'endormir.
Bref, pas forcément inoubliable, mais loin d'être mauvais. Le thème et le traitement des personnages est très bien dosé je trouve, et la fin très satisfaisante.
Je recommande.

Karev
03/03/2023 à 14:29

Chaque décennie, il y a un ou deux films ricains sur le hème de l'aviation : Pearl Harbor et Flyboy dans les années 2000, Red Tails et Midway dans les années 2010 et maintenant ce Devotion, et hormis la boursouflure patriotique de Michael Bay, que des flops.

Dans le genre, il y a aussi Kamikaze / The Eternel Zero de l'inénarrable Takashi Yamakazi (le Brett Ratner japonais, qui hélas réalise le nouveau reboot de Godzilla pour novembre prochain), gros film de propagande d'extrême droite qui glorifie les pilotes kamakizes et que le grand Miyazaki condamne fermement.

DL
03/03/2023 à 11:17

Et bien je pense que je vais jeter un coup d'oeil, j'avais bien aimé Glen Powell dans "TG : Maverick", le sujet et le contexte ont l'air intéressant (appliqué aux pilotes), ça peut faire un bon petit film pour un dimanche aprem ça ^^

Flash
03/03/2023 à 10:49

Tiens, je me demandais ce que devenait ce film, j’ai pouvoir enfin jeter un œil dessus.
Et ça me permettra de revoir le fabuleux Corsair qui m’avait enchanté dans la série les têtes brûlés !

votre commentaire