La Tour : critique d'un trou noir français

Geoffrey Crété | 8 février 2023 - MAJ : 08/02/2023 20:45
Geoffrey Crété | 8 février 2023 - MAJ : 08/02/2023 20:45

Quand Guillaume Nicloux (Une affaire privée, La Religieuse, Les Confins du monde) s'attaque à un sujet digne d'un bon film d'horreur entre Fog, The Mist et Await Further Instructions (un brouillard cauchemardesque emprisonne les habitants d'une tour), ça donne évidemment un film qui va diviser, énerver, exaspérer, et remettre une pièce dans la machine du cinéma dit de genre en France. Pour le meilleur et pour le pire, La Tour, avec notamment Angèle Mac et Hatik, ne ressemble à rien d'autre.

nicloux ni soumis

Peu importe ce qu'on pense de ses films, Guillaume Nicloux est un alien dans le paysage français. Dans ses réussites (la trilogie policière Le Poulpe, Une affaire privée et Cette femme-là, Les Confins du monde), ses échecs (Le Concile de pierre, navet à 20 millions d'euros avec Monica Bellucci), et ses WTF (The End avec Guillaume Depardieu, Thalasso avec Michel Houellebecq, L'Enlèvement de Michel Houellebecq avec toujours lui donc), il a démontré un appétit certain pour les genres. Et plus encore pour jouer avec, non sans maintenir une distance glaciale, comme celle d'un scientifique avec ses cobayes.

La Tour n'a donc rien d'un "film de genre" classique, et nul doute qu'il va exaspérer toutes les personnes qui iront le voir en imaginant un petit cauchemar en huis clos. Car malgré son pitch proche d'Await Further Instructions (une famille emprisonnée à cause d'une mystérieuse matière noire qui a recouvert la maison), et son brouillard fantasmagorique à le Fog ou Dans la brume, le film s'intéresse plus à un cauchemar abstrait (social, existentiel), qu'à une horreur graphique. C'était un peu risqué, et le résultat est (très) compliqué.

 

La tour : photo, Angèle MacFan de film d'horreur après la séance de La Tour

 

sans soleil

La Tour commence dans le noir, avec une nuit éternelle qui tombe sur l'immeuble, et avale tout ce qui oserait y mettre un pied. Et le film se termine dans plus noir que noir, avec l'envie de se pendre tellement Guillaume Nicloux enfonce des clous dans le cercueil du nihilisme. C'est la principale qualité du film : sa froideur absolue et son désespoir abyssal.

Rarement un film aura créé une atmosphère si mortifère et morbide, où tout semble puer et pourrir. Sans lumière, sans horizon, sans air, tout meurt à petit feu. Les gens perdent les pédales, les peaux partent en lambeaux, et c'est évidemment tout l'ordre social qui s'écroule sans une seule fenêtre vers le monde pour remettre les pendules (de l'ordre, de la justice, de la morale) à l'heure.

Avec son directeur de la photo Christophe Offenstein (très loin de leur dernière collaboration en date : le cauchemar 100% soleil de Valley of Love), Guillaume Nicloux prend un malin plaisir à enfermer le public dans ce purgatoire. La Tour se traverse ainsi comme en apnée, et il n'y a aucune issue, aucun espoir, aucune lumière dans cette cage.

 

La tour : photo, Jules HouplainPollock en confinement

 

LA TOUR INFERNAzE

Problème : cette distance clinique et sadique annihile tout sur son passage, et notamment les personnages. Guillaume Nicloux a beau les filmer comme un gamin suivrait des fourmis à travers une loupe, il s'embourbe dans de vraies-fausses intrigues, comme s'il n'assumait pas entièrement sa position misanthrope (ou qu'il était prisonnier de sa propre tour : le scénario, qui tient sur moins de 90 minutes).

Il donne des traumas, des secrets et des sentiments à ces personnages. Il met en place des relations, des groupes, des micro-sociétés, pour créer un climat orageux et faire monter la pression dans la tour-cocotte-minute. Rien d'anormal, c'est le b.a.-ba du genre. Sauf qu'il n'en a visiblement rien à faire. Tous ces interprètes-pantins-clichés semblent donc toujours perdus, jamais assumés ni creusés, et encore moins dirigés.

 

La tour : photoLa table gronde


Dès qu'il faut aller dans le vif du sujet pour mettre en scène une émotion autre que le désespoir mutique, le film flirte avec le ridicule, la faute à une écriture lourdingue (notamment dans la mise en place et les premières scènes). Et au lieu de mettre en scène son discours déjà un peu facile, voire m'as-tu-vu, Nicloux donne la sensation de combler le vide et le temps dans la bâtisse ; et sans forcément avoir conscience de ce qu'il raconte péniblement avec ces dealers et autres clichés sortis de la petite panoplie du HLM.

C'est d'autant plus triste que le désintérêt de Guillaume Nicloux pour ces humains et leurs petites guerres a du sens. Dans un film si radical, cruel et aride, c'était même logique. Mais malgré son concept tout simple et tout méchant, La Tour ne tient pas debout, probablement parce qu'il hésite entre deux films qui peinent à coexister.

Seule lumière au bout du tunnel : la fin, simple et terrible, qui repousse les limites du désespoir. C'est l'ultime coup de massue, qui résonne à travers un générique quasi silencieux. Pas assez pour oublier les faiblesses du film, mais suffisant pour avoir envie de rester sur ce délicieux arrière-goût parfaitement cauchemardesque.

 

La tour : Affiche

Résumé

D'un côté, La Tour est un film d'une noirceur et d'un nihilisme vertigineux. De l'autre, c'est écrit avec des gros sabots, et flirte avec le ridicule. Au final : un film aride et bancal, mais d'une cruauté et d'un désespoir qui restent longtemps en bouche.

Autre avis Mathieu Jaborska
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commentaires
Trac
10/10/2023 à 16:02

Tout pour faire un bon film de genre et au final c'est voyage au bout de l'ennui avec ultra clichés, les noirs et les arabes qui s'affrontent avec les blancs racistes, le vieux noir qui fait de la magie vaudou et bouffe des bébés, les beurettes qui ce prostitue, la petite camé blanche qui suce pour du shit ... incroyable de clichés et de bêtises et d'incohérences c'est vraiment dommage. L'idée de base n'est prétexte qu'à un drame social de bas étage sans espoir. Aucun explication à part que dehors c'est le néant , que dans une situation extrême on ce regroupe par cast et race et que c'est chacun pour sa pomme youhou ça c'est de la sociologie

sebseb
13/09/2023 à 19:56

Idée de départ vraiment super avec ce huit clos. Malheureusement il n'y a que ça de bon, les acteurs sont très mauvais, le montage rend le film presque incompréhensible et que dire de la fin. Une belle occasion manqué dommage

Emricz
07/09/2023 à 23:46

Ce film m'a laissé sur ma faim, l'ambiance noire est pas mal et l'idée de base est intéressante quoi que déjà vu. Jeu d'acteur très moyen, très peu crédible sur beaucoup de situations et trop de longueur inutile. A voir une fois. En huis-clos, j'ai largement préféré The Divide de Xavier gens.

Sabb
04/06/2023 à 23:11

Décevant, je n'ai rien compris à la fin de ce film parce qu'il n'y en a pas. Auraient-ils manqué d'imagination pour nous laisser ainsi sur notre faim ?

CHA
20/02/2023 à 16:54

Vu, et honnêtement une véritable ruine ce film.
Les femmes ne savent rien faire d'autre que de se prostituer ou enfanter
Les hommes prennent les choses en mains, et au final détruise la vie
On a des sauts dans le temps et a force on se rend compte du ridicule : faire pousser du végétaux sous des lampes? faire des bébés pour les manger alors qu'eux même n'ont rien a manger? on mange quoi sur un bébé de même pas 2kg? du sensationnel gratuit et qui n'est pas logique donc inutile.
Et cette fin... Ne faite pas un 2 on n'en veut pas!

yo
17/02/2023 à 01:27

encore de la brume, y a un gars qui à mis au point un logiciel pas chére en 3d pour en créer,
et du coup dés qu il voit un réalisateur il essaye de vendre son effet spécial,
ton film se passe sous les tropiques, ciel bleu, mer émeraude, chaude ambiance et bien là tu mets de la brume, d un seul coup y a du mystére,
et toi tu fais un film de requin exploitation, simple tu balances de la brume sur la mer, tes requins
on les voit plus, facile, d ailleurs on voit plus rien du tout, économique-pratique,
pourquoi s embéter,

Elaphebolos
09/02/2023 à 14:16

Vu pendant le Festival de Gérardmer où il était pour une raison totalement inconnue en compétition. Au début, j'ai cru à un film à la The Mist, surtout avec l'image d'illustration (la première de l'article) qui me donnait l'impression d'intrusions flippantes. Et bien non, c'est un bon film français de genre, un vrai drame social, qui utilise comme prétexte le fantastique. Si le film dans l'ensemble m'a plu, j'ai été très frustrée de sa présence au festival... C'est de la publicité mensongère à ce stade.

Morcar
09/02/2023 à 10:36

Dommage. Le film me tente bien, même si dès la bande-annonce on sent que ça peut très vite s'écrouler. Mais comme de toute façon il n'est programmé nulle part chez moi, je ne vais même pas pouvoir hésiter à aller ou pas le voir.
L'idée du film est plutôt sympa pourtant. J'aurais aimé apprendre que c'était plus réussi que ça.

neuneu
09/02/2023 à 09:25

Il y avait longtemps que je n'étais pas sorti avant la fin d'un film, j'ai même tenu le coup à Astérix et dieu sait que l'idée m'a traversé l'esprit à plusieurs moments.. Mais là... après une heure de baillements dans la salle et à l'écran, des gens qui ne font que frapper à des portes (je caricature à peine), on a lâché l'affaire. Vraiment aucun intérêt. À oublier.

The insider38
09/02/2023 à 08:50

à pas content : t'as encore beaucoup de conneries dans le genre a raconter?

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