Terrifier 2 : critique qui a mangé un clown

Mathieu Jaborska | 11 janvier 2023
Mathieu Jaborska | 11 janvier 2023

C'est un miracle de Noël en retard : grâce aux efforts conjoints de Shadowz et ESC (qui avait déjà distribué The Sadness l'année dernière), Terrifier 2 sort en salles en France. Une exposition inimaginable en 2016, à l'époque du modeste premier opus, déjà signé Damien Leone et passé relativement inaperçu au pays de Christian Clavier. Mais depuis, du vomi a coulé sous les sièges, et le succès fulgurant de cette suite hors-norme a suffisamment fait parler de lui pour intéresser nos compatriotes les plus déviants. Le film est-il à la hauteur de son infâme réputation ? Attention, mention de (beaucoup de) violence !

art du spectacle

Terrifier premier du nom était un long-métrage quasi amateur, produit pour le prix d'un sandwich SNCF, qui s'était taillé une petite réputation chez les plus fins gourmets des amoureux de charcuterie américaine, grâce à son boogeyman et ses séquences gores. La suite bénéficie d'un budget plus de 7 fois supérieur... soit 250 000 dollars. Des clopinettes. C'est le phénomène accompagnant sa carrière américaine, relayé par Variety, Los Angeles Times ou même le prestigieux Ecran Large, qui l'a mis en concurrence avec des cadors du cinéma d'horreur et l'a hissé jusqu'à la 7e place du box-office US durant une de ses semaines d'exploitation.

Terrifier 2 reste un shocker complètement fauché, réalisé, écrit, co-produit, monté, sonorisé et doté d'effets spéciaux pratiques et numériques par Leone lui-même. Un véritable artisanat de la tripaille qui n'avait pas pour vocation d'outrepasser les cercles d'initiés, et ça se voit : rythmé au doigt mouillé, éclairé avec 4 néons et trois bouts de ficelle, et interprété par des comédiens au mieux inexpérimentés, au pire complètement amorphe (à une exception près bien sûr), le film accuse, puis assume son manque de moyens, sans se préoccuper des 13 millions de dollars qu'il est sur le point de glaner.

 

Terrifier 2 : photo, David Howard Thornton, Lauren LaVeraArt appliqué

 

Il se préoccupe en revanche de ses deux seuls véritables arguments : les meurtres over-gores, pour ne pas dire complètement sadiques, et le clown triste qui les perpétue. Et pour peu qu'on goûte à l'humour très, très (très) noir du scénario, qui prend soin de régulièrement jeter sur la route de son tueur des innocents à dépiauter méthodiquement, le contrat est rempli : corn flakes aux lames de rasoir, vol de globe oculaire à vif, bol à bonbons crâniens, fouets, acides et sels de table... Les festivités sont variées et atteignent leur acmé dans une séquence de torture parmi les plus gratuites jamais vue sur un grand écran, digne successeure de la scène de la scie dans le premier film.

Quant au fameux Art the Clown, muse de Leone depuis son court-métrage The 9th Circle, c'est toujours la pièce de résistance, le véritable personnage principal, déjà aux portes du panthéon des boogeymen. Pensé comme un double négatif et mutique de Gripsou et campé par un David Howard Thornton en roue libre, il donne le ton, délicieusement macabre, décidément grotesque. Sa seule présence fait pardonner bien des maladresses, ainsi qu'une narration plus qu'inégale.

 

Terrifier 2 : photoArt décoratif

 

Art contemporain

Le premier Terrifier avait le bon goût (façon de parler) de durer moins d'une heure 30. Pour le second, Leone a vu les choses en (très) grand, puisqu'il a rajouté presque une heure au compteur, pour un total gargantuesque de 2h18, le propulsant directement en tête des slashers les plus longs de l'histoire. Des ambitions qui jouent largement contre le film, puisqu'en essayant laborieusement de développer la mythologie d'Art, il surgonfle une écriture aux fraises (mention spéciale à l'amie la plus irresponsable du monde) et accentue jusqu'à l'absurde ses problèmes de rythme, qui en deviennent exaspérants dans l'interminable climax ou lorsqu'il se la joue Griffes de la nuit (le rêve, la fillette dont il ne fait rien).

Pire encore, ses velléités parfois étranges minent ses attraits initiaux : non seulement le meurtre le plus spectaculaire se situe au premier tiers du récit, si bien que le reste ne s'en relève jamais, mais il s'entiche de son héroïne, adolescente qui ne se remet pas de la mort de son père, et de son frangin, qui se prend de passion pour Art, devenu désormais une authentique légende urbaine. Forcé de s'attacher un minimum à eux pour justifier sa durée et ses idées bizarres, le scénario est bien forcé de les ménager, rompant avec le nihilisme savoureux de son ainé.

 

Terrifier 2 : photoArt Goodenough

 

Des maladresses somme toute assez attendrissantes et qui paradoxalement font aussi le charme de ce film complètement bancal, mais conçu avec une simplicité qui renvoie aux grandes heures du cinéma d'exploitation. On en attendait pas moins d'une intrusion inattendue du bis fauché dans un marché saturé de films d'exorcisme roublards et de grandes fumisteries méta. Les défauts de Terrifier 2 font honneur à la passion de son metteur en scène et Art le clown à la méchanceté très premier degré des slashers qu'on aime défendre. C'est de l'Art !

 

Terrifier 2 : affiche

Résumé

Un gros bis gore et bancal, auquel on pardonne tout depuis qu'il est entré par effraction dans le petit monde de l'horreur américaine trop sage.

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commentaires
Morcar
12/01/2023 à 11:37

@Cidjay, je suis complètement d'accord. J'ai vu le premier sur Prime et j'ai trouvé ça très mauvais. Peu importe que le budget soit minime, la photographie est dégueulasse, la réalisation morne et le jeu d'acteur catastrophique. La seule chose que j'en retiens est le personnage intriguant. Mais ça ne suffit pas à en faire un bon film.
Et j'ai la curieuse impression que cette suite a de bons retours pour la même raison. On est sympa avec le film parce qu'il a peu de moyens. Pourtant des mecs sur YouTube avec moins de moyens font des trucs mieux que ça.

Galt
12/01/2023 à 08:26

Ohlàlà, pauvre Kyle Reese, Il est bouleversifié... Pauvre biquette va :(
Très bonne surprise pour ma part, pas le genre d'œuvre ici pour flatter l'intelligence du spectateur mais un bien bel hommage au slasher des 80's, en beaucoup plus poussé.
Big Up à la scène du rêve que j'ai beaucoup aimé !
Par contre, le gamin à lunettes joue comme une porte de garage.

zetagundam
11/01/2023 à 20:33

Intrigué par les retours dithyrambiques entourant la saga Terrifier j'ai pour une fois cédé aux chants des sirènes et j'avoue être rester circonspect fasse à ce que j'ai vu.

Déjà pour les bons points c'est que malgré les budgets ridicules alloués aux 2 films j'ai trouvé la photographie agréable. Ensuite on ne peut nier la réussite de Art que cela soit par son design, sa gestuelle et ce qu'il dégage et dernier point que Lauren LaVera réussisse à porter sur ces seules épaules, avec le personnages de Art, le second film.

La où ça gatte, et peut-être est-ce dû au fait que je me suis enchainé les 2 films quasiment à la suite et de ne pas les avoir vu sur grand écran avec le son associé, c'est que d'une part la plupart des acteurs et actrices sont mauvais ou au mieux très moyen (mention spéciale au petit frère de l'héroïne qui est mauvais au possible), que les 2 films ne racontent rien et encore plus le 2 qui se permet de rajouter des scènes de cauchemars interminables mais pour ma part les 2 gros problèmes viennent surtout de ce qui est censé être le point fort de ce type de film à savoir une ambiance malsaine et du gore crédible et personnellement je trouve que les 2 films échouent lamentablement sur ces 2 points.
Je comprends que les budgets limités ont été un frein mais à aucun moment je n'ai ressenti un écœurement lors des scènes gore car j'avais à chaque fois l'impression de blessures en gélatine et les corps ne présentaient aucune densité (coucou les cadavres tout mou) et surtout c'est qu'il n'y a quasiment aucune ambiance (excepté peut-être dans le magasin de déguisement ce qui fait que j'ai fini par regardé ces film avec un ennui poli

Ringo
11/01/2023 à 18:40

Si c'est plus violent et moins politiquement correct qu'Avatar tout en ayant un scénario aussi "développé", je prends ! En plus, y'a une heure de moins ! Mouhahahaha. Bon, j'avais adoré le premier Terrifier. Du vrai bis. Bien mieux fichu dans le genre gore que Cradle of Fear. C'est certes inutile, mais c'est un slasher. Va savoir pourquoi Jason Voorhees ou Michael Myers massacrent les jeunes finalement...

Kyle Reese
11/01/2023 à 17:12

"Lars von Trier que je n'aime pas trop", lui de manière général, mais son film est excellent.

Kyle Reese
11/01/2023 à 17:10

@Mathilde T

Merci pour ta réponse surement très juste. La violence au cinéma, dans les jeux ou en BD/manga est un sujet fascinant. J'en étais assez friand plus jeune mais il me fallait (faut encore), quelque chose derrière de plus (un alibi ?). J'ai rien contre le sang ou le sexe à l'écran, mais s'il n'y a que ça ... je n'en vois effectivement pas l'intérêt. Ex j'ai adoré à l'époque Natural Born Killer, critiqué de tout bord, considéré comme une insulte au cinéma par certains, malsain etc ... pourtant c'est un grand film pour moi, terriblement violent mais ... avec du sens. On peut rigoler devant le film, parfois drôle car c'est une satire/caricature à peine voilé de l’Amérique, mais quel voyage. C'est comme aussi The house that jack built de Lars von Trier que je n'aime pas trop, mais quel film, hyper violent aussi dans son genre. Bref ;)

Mathilde T
11/01/2023 à 16:28

@Kyle Reese Ce genre de production existe parce qu'elle trouvera un public un peu voyeur, ou au moins curieux . Celui dont je ne prétends pas m'exclure puisque j'ai vu le premier aux maquillages, et acteur principal aussi réussis qu'aux enjeux limités par rapport à Maniac, Eden lake ...Ce type de film intrigue parce qu'il montre tout ce dont on ne doit pas trop parler au quotidien (sang ou sexe), au profit d'une politesse hypocrite parfois.Son caractère fictif éloigne un peu du très malsain des exécutions publiques ou combat de coqs... ou de certains abattoirs bien réels . Bref, il s'agit de purger le public de l'hybris, de ses passions en poussant le curseur. Un film à ne pas passer à des personnes trop fragiles mentalement,donc. Mais c'est à ton honneur d'éxécrer la violence gratuite "pour le fun" Désolée pour le pavé!

Bilbo
11/01/2023 à 16:13

@Kyle : oohh bichette !

Kyle Reese
11/01/2023 à 15:26

Deja que les scream et autres Halloween numéro 100 ne m..intéressent pas …
Je ne comprend pas le but de ce genre de prod et cette appétence pour les meurtres ignobles, le gore à outrance pour choquer, ou se marrer ou se vautrer dans de la violence gratuite stupide. Autant revoir le remake d’Evil dead pour vraiment frissonner et passer néanmoins un bon moment certes tendu et gore mais au moins on est dans un survival pas une démonstration des qualité de boucher d’un monstre grotesque déguisé en Clown. ^^

Cidjay
11/01/2023 à 15:10

oui, faudra voir à pas tout lui pardonner juste parce que c'est fauché...
ni à critiquer à outrance les gros blockbuster juste parce-qu'ils ont du pognon.

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