Bodies Bodies Bodies : critique d'une partie de Cluedaube

Judith Beauvallet | 8 janvier 2023
Judith Beauvallet | 8 janvier 2023

C'est la deuxième fois que l’actrice danoise Halina Reijn passe derrière la caméra pour réaliser du long. Après Instinct, elle revient avec Bodies Bodies Bodies, un faux slasher dans lequel Sophie débarque sans prévenir à la soirée organisée par des amis pleins aux as, mais avec qui ses rapports sont tendus. Le but ? Passer la nuit à faire la fête dans une baraque cossue en attendant que la tempête annoncée cette nuit-là se calme. Une sorte de murder party est lancée, mais les participants commencent à se tirer dans les pattes au propre comme au figuré. Lequel de ces petits pourris gâtés s’amuse à trucider ses copains ? 

À râteaux tirés 

Bodies Bodies Bodies démarre sur un concept simple s’il en est, mais toujours alléchant. Des amis hypocrites qui s’enferment dans une grande maison pour se livrer à un petit jeu de massacre ? Trahisons méritées et tuerie jouissive en perspective. Sauf que, dès les premières images, la mise en place patine. Des personnages difficiles à cerner davantage par la pauvreté de leur écriture que par leur subtilité, une ambiance artificielle qui n’établit aucune intention claire ou réel suspense... la caractérisation est paresseuse et l’ennui pointe déjà

 

Bodies, Bodies, Bodies : photoSoirée pyjama plus jamais

 

Chaque personnage est lié à une intrigue amoureuse ou sexuelle, assumée ou sous-entendue, et chaque semblant de conversation tourne rapidement à de la chamaillerie de collégiens sans enjeux concrets. Énième portrait d’une jeunesse dorée noyée dans les apparences et sa propre superficialité, celui-ci se repose davantage sur les clichés du genre que sur une identité propre.

Certes, les dialogues tentent la carte de l’humour facile qui se veut grinçant, mais le seul effort en ce sens consiste à rendre les personnages toujours plus ridicules et creux. Et malheureusement, quand le film semble s’engager sur des pistes intéressantes, il choisit de les éviter soigneusement.

 

Bodies Bodies Bodies : photo, Amandla StenbergHumour et faux-sanglants

 

Spring losers 

Et c’est dommage car, malgré tout, certaines thématiques mériteraient d’être abordées. Pour commencer, le b.a.-ba de ce genre de cadre : un discours sur la déconnexion des jeunes ultra-favorisés vis-à-vis de la vie réelle, peut-être ? Bon, on repassera. Ou alors un petit quelque chose sur la lutte des classes, puisque Bee, la cinquième roue du carrosse, est incrustée dans cette soirée par surprise malgré son milieu modeste ? On y croit, et finalement non.

Dans ce cas, peut-être une intrigue autour du personnage de Lee Pace : un homme d’âge mûr qui sort plus ou moins officiellement avec l’une des filles de la bande, et qui détonne dans cette soirée de jeunes ou seulement lui et elle ne semblent pas voir le malaise que sa présence nonchalante impose ? Non plus. Son personnage, aussi inconsistant que les autres, n’aura à peu près aucune incidence sur l’histoire, et c’est à se demander ce qu’il est venu faire là (note : il n’a pas l’air de le savoir non plus). 

Le seul liant qui existe entre toutes ces non-intrigues reste les jérémiades incessantes des gamines survivantes, dont les motivations ne sont jamais claires, mais qui malgré leur soi-disant peur n’hésitent pas à déambuler séparément dans la maison obscure alors qu’un tueur rôde. La fameuse tempête qui est censée gronder à l’extérieur, quant à elle, se fait à peine entendre et reste un simple prétexte pour empêcher les jeunes de sortir. 

 

Bodies Bodies Bodies : photo, Lee PaceBrousse Lee 

 

C’est pas la taille qui compte 

Pourtant, le film parvient à presque surprendre avec une presque bonne idée finale. Un twist timide, mais à lui seul plus intéressant que le reste du film. Malheureusement, il demeure trop faible pour un long-métrage et révèle en fait un mal très répandu dans le monde du cinéma : Bodies Bodies Bodies aurait dû être un court-métrage.

Un concept simple mais efficace, un jeu du chat et de la souris et un gentil petit retournement de situation sont les ingrédients idéaux d’un court réussi. Mais dans le cas présent, péniblement étalés sur plus de 1h30, aucun de ces éléments ne fonctionne réellement.

 

Bodies Bodies Bodies : photo, Rachel SennottThe Neon Etron

 

Il faut aussi concéder, néanmoins, quelques jolies images et quelques plans bien pensés, comme lorsque la première victime apparaît derrière une vitre ou qu’une autre termine sa chute en bas des escaliers. Mais il ne suffit pas de mettre en scène de jeunes cyniques entourés de couleurs néons pour faire du Spring Breakers, et l’intérêt esthétique fatigue presque aussi rapidement que le reste.

Un film composé, en définitive, du résidu cliché de ses références et qui ne parvient jamais à être le thriller adolescent pop et fun qu’il essaye si désespérément d’être. Un comble pour A24, qui tombe dans les reproches qui lui sont parfois faits en distribuant ce film au concept accrocheur mais qui se révèle être une coquille terriblement vide, sauf de la superficialité qu'elle prétend dénoncer.

Bodies Bodies Bodies sera disponible en VOD dès le 9 janvier 2023 en France

 

Bodies Bodies Bodies : Affiche US

Résumé

Un Among Us taille réelle, le fun en moins. Les ados friqués chougnent dans les aigus du début à la fin pour nous divertir sans succès d’un scénario creux et d'enjeux inexistants.

Autre avis Geoffrey Crété
Faussement malin mais vraiment crétin, Bodies Bodies Bodies réunit le pire de tous les genres : une satire à deux balles, un suspense à deux de tension, une galerie de personnages à une dimension. De quoi rendre ces 1h30 effroyablement interminables et incompréhensibles.
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Lecteurs

(2.1)

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commentaires
Oldskool
10/01/2023 à 13:25

Si le film aurait du être un court métrage.... euh votre critique aussi non ?

Billy
09/01/2023 à 09:45

teens + plein de couleur = piquage des yeux.

JeepersCrackers
09/01/2023 à 05:04

@Coucouhibou Attends... Tu es en train d'extrapoler 107 lignes sur un film que tu n'as même pas vu ?! C'est quel niveau de toupets de ça ? Et tu as l'audace de donner des leçons de ce que devrait être un vrai cinéphile ou non ?! Commence donc par passer le karcher devant ta porte.

@tlantis
08/01/2023 à 20:20

Les morts sont pas terrible
Mal jouer
Mal écrit
Pensais avoir un petit film gore ou horreur sympa et sa fais plouf , me suis ennuyé .
Un twist final qui dit putain comme ils sont con cette génération qui a 18/20 ans

Geoffrey Crété - Rédaction
08/01/2023 à 18:51

On précise, si besoin, que ni Judith ni moi n'avons lancé Bodies Bodies Bodies en espérant/exigeant une réflexion profonde sur la société, l'humain et la civilisation. Il se trouve juste que le film essaye SUBTILEMENT d'aller sur ce terrain, donc forcément, ça force à regarder ce qu'il essaye de dire.
Et surtout, comme on l'écrit : même sans prendre ça en compte, et en voulant "juste" un thriller ou film d'horreur bien troussé, amusant, rythmé... c'est un échec. Personnellement, j'ai trouvé ça extrêmement ennuyeux, et j'avais hâte que ce soit terminé. Juste au plus simple degré de : ce film est censé me divertir.

Coucouhibou
08/01/2023 à 18:48

@jeeperscrackers @Atom

On est d'accord que tous les films n'ont pas vocation à être ambitieux, et tant mieux. Mais il y a une différence immense entre les films qui nous demandent de ne pas se prendre la tête et les films qui nous prennent pour des débiles, et je soupçonne fortement Bodies Bodies Bodies de faire partie de la seconde catégorie. Les films qui veulent juste divertir, ça existe depuis l'existence du cinéma lui-même, mais quand c'est mal fait c'est juste ennuyeux. Et je ne vois pas pourquoi au nom du divertissement on devrait passer sur les défauts du film. Et n'allez pas me dire qu'on ne peut pas faire de films divertissants sans prétention et respectueux de leur public, on appelle ca la Hammer, le bis italien, le cinéma hongkongais des 80-90's. Des métragew de genre simples et basiques, mais généreux envers leur public en lui offrant du divertissement simple et efficace. Si vous trouvez de l'efficacité chez Bodies Bodies Bodies, prévenez-moi.
Ah oui et concernant A24, c'est tout de même dommage qu'une boîte qui produit généralement du qualitatif se mette à sortir une oeuvre aussi pathétique.

Punish62
08/01/2023 à 18:35

C'est pas parce qu'un film à été vendu comme tel, que le film est OBLIGATOIREMENT cool et génial, hein ? Pas besoin qu'un film soit profond et qu'il délivre une réflexion pour être bien. De même façon qu'un film fun et décomplexé se doit OBLIGATOIREMENT de prendre son spectateur pour un abruti fini.

Atom
08/01/2023 à 18:16

@Coucouhibou lole. Ce genre de petit commentaire/attaque personnel de gars se prétendant cinéphile parce qu'ils regardent de trois analyses YouTube ou TikTok de deux trois gars random... Ça fait peine à voir. Mais continue, vas au fond de tes propos, qu'on rigole un peu, étale nous t'as sciences.

Un film qui nous a été vendu sans prétention, je le regarde comme tel, logo A24 ou pas. Après, si vos cerveaux ont vu autres choses, c'est qu'il est temps de consulter.

JeepersCrackers
08/01/2023 à 18:04

@Coucouhibou Critiqué un film pour ce qu'il a été vendu pendant toutes sa promotion en pensant que ça allait être autre chose (ou pire encore, ce qu'on espérait que ce soit) c'est le bas-fond de la cinéphilie, et par extension, l'un des gros problème de ce 20 dernière année dans la sphère cinéphiles, et qui a pondu des faux échec aux yeux de beaucoup, parce que c'était pas comme je l'imaginais.


Le film est cool. Bon cast, bonnes idées par-ci par-là. Ça change des films faussement branlette intellectuelle de A24, ou tout le monde s'émoutille pour R.

Coucouhibou
08/01/2023 à 17:27

Petite astuce de cinéphiles :
Quand quelqu'un pour défendre un film vous sort un argument du type "C'est juste du divertissement" ou "Tous les films ne sont pas censés être ultra-profonds", généralement ça veut dire qu'il a vu trois films dans sa vie et n'assume pas sa méconnaissance du médium...

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