The Roundup : critique du dernier pain pour Busan

Lino Cassinat | 10 décembre 2022
Lino Cassinat | 10 décembre 2022

Suite de The Outlaws, le film The Roundup de Lee Sang-Yong propose d'accompagner l'inspecteur Ma dans une nouvelle intrigue qui l'emmènera au Viêt-nam enquêter sur la disparition en pays étranger d'un riche touriste coréen. Long-métrage le plus vu en Corée du Sud en 2022 où il a attiré 12,6 millions de spectateurs (soit 5 millions de plus que le premier volet !), The Roundup est une savoureuse aventure policière. Ancrée dans un classicisme désuet à la fois un peu trop attendu et en même temps difficilement résistible, l'œuvre la plus populaire de l'année en Corée du Sud convainc grâce à son humour, ses combats brutaux et son remarquable interprète principal Dong-seok Ma (ou parfois appelé Don Lee).

CALME FATAL

Remarquable, car c'est un peu l'équivalent d'un certain Dwayne Johnson s'il était vraiment drôle et avait un physique moins dopé inhumain. La comparaison ne s'arrête d'ailleurs pas là. Comme The Rock, c'est un ancien athlète qui, lui, a entraîné plusieurs champions poids lourds de MMA. En outre, bien que (quasi) inconnu chez nous, Dong-seok Ma est une énorme star en Corée du Sud capable de ramener des millions de spectateurs en salles.

Cerise sur le gâteau : après 59 productions en 17 ans de carrière (!), il lui est un peu reproché de toujours jouer la même chose, ce que relèveront peut-être ceux qui l'ont vu dans Les Éternels et Dernier train pour Busan en découvrant The Roundup.

 

The Roundup : photo, Dong-seok MaDernière main avant Sainte-Anne

 

Mais, de notre bout occidental de la lorgnette, évidemment nous n'avons pas à subir cette fatigue, et lorsque le musculeux inspecteur Ma débarque dans le cadre pour procéder à sa première arrestation entre deux gaffes maladroites et trois torgnoles, la magie opère instantanément, même sans avoir vu le premier film (ce qui est le cas de l'auteur de ces lignes). Surtout, c'est la carrure de l'acteur qui opère instantanément et impose sa présence. Un acteur qui, moins que Dwayne Johnson et ses tics, évoque surtout ici le Russell Crowe de The Nice Guys ou la placidité d'un Lino Ventura avec une dose de bonhommie à la Nicky Larson.

Le genre qui te sert des tartes aux cinq doigts supplément cacahuète à emporter jusque dans les jupes de ta mère, mais en faisant preuve en surface d'un calme olympien. Il est d'ailleurs très étrange d’observer la Corée du Sud porter aux nues ce personnage à la violence jubilatoire relevant du buddy movie, genre tombé largement en désuétude à force d'auto-parodie, alors que The Nice Guys s'est violemment planté. C'est en même temps très enthousiasmant, puisque, comme d'habitude avec la Corée du Sud, il y a toujours des surprises aux entournures et des codes appliqués de façon détournée. Ce qui n'est du reste pas sans poser une énorme difficulté de classification générique dans le cas de The Roundup.

 

The Roundup : photo, Dong-seok Ma"En pleine paix y chante et pis crac un bourre-pif, mais il est complètement fou ce mec !"

 

pas besoin de cash pour danser le tango

The Roundup a en effet tout du buddy movie – les dialogues, l'humour, l'action, la progression... –, sauf le buddy. Silhouette grosse (trop) exceptionnelle au cinéma et caractère charismatique, l'inspecteur Ma est extrêmement entouré, mais ne trouve jamais de semblable. Comme s'il était en permanence seul avec du monde autour. Une solitude (avant tout conjugale) ponctuellement abordée par The Roundup qui, sous ses airs légers, cache plus de mélancolie qu'il n'y paraît. Pas étonnant que Ma succombe sans arrêt à sa pulsion d'arrêter les criminels, quitte à lui-même enfreindre la loi et les procédures : ce sont les seuls qui lui portent de l'intérêt et parlent le même langage, celui de la violence.

 

The Roundup : photoMa Dalton et son monde de subalternes

 

Une tristesse en creux d'autant plus étrange que le monde de Ma et de The Roundup fourmille de personnages secondaires tous plus croquignolesques les uns que les autres, qui font d'ailleurs brillamment sentir la pulsion de vie qui habite Séoul avec leurs noms fleuris (le capitaine Cyclope, Mazout et Gasoil, etc). Mais ce ne sont que des relations de travail, sans rien à se raccrocher pour l'inspecteur Ma - et surtout pas de présence féminine. Le buddy de l'inspecteur Ma, c'est son enquête et le criminel qu'il pourchasse - en l'occurrence, l'agressif Kang, glacial cinglé de la machette habilement incarné par le flippant Son Suk-ku, qui donne admirablement de sa personne. 

Une fois l'excellent mano a mano final terminé, brutal et sec, et alors que le générique défile, The Roundup laisse néanmoins dans le cœur du spectateur un délicieux sentiment d'enthousiasme. Simple et efficace, avec ce qu'il faut de caractère créatif, d'implication dans les scènes d'action et sans appuyer comme un forcené sur l'humour, The Roundup apporte la preuve que ce n'est quand même pas si difficile de bien faire. Ni cher à produire, le film ayant coûté l'équivalent d'environ 7,5 millions d'euros. Ni bien compliqué à exporter, puisqu'il sort jusque chez nous en DVD. Si un certain pays avide de télécomédies faisait de même sur le versant populaire de son cinéma, on crierait cocorico plus souvent.

 

The Roundup : photoQuand tu cherches la balle perdue

 

bientôt le heat machine

Attention cependant à ne pas prendre des vessies pour des lanternes, The Roundup n'est pas le film de l'année et n'a rien d'une pépite cachée que l'histoire de la cinéphilie redécouvrira émue dans dix ans. The Roundup n'a pas assez de qualités pour cela, quand bien même il faut dire sans ambiguïté qu'il s'agit de 1h40 de temps bien investi, au moins pour les paisibles mornifles du Olaf Grossebaf du pays du matin (très) calme. Il faut l'envisager comme une bonne série B policière d'action avec un protagoniste instantanément attachant et qu'on vous encourage à regarder. D'autant que, si d'aventure l'expérience vous plaît, il y a du rab avec le premier volet et une suite en cours de tournage annoncée pour 2023.

 

The Roundup : photoIl veut de la brioche fourrée, qu'il mange du pain coréen

 

Il faut même en convenir, The Roundup a quelques défauts qui le tirent en arrière. Il est par exemple encore trop proche de ses modèles, et sa drôlerie notamment n'est qu'un décalque des éléments les plus clownesques de Memories of Murder, toujours le roi du genre en Corée du Sud. De l'autre côté, son versant action cède parfois à quelques citations faciles – une baston à 1 contre 1000 dans un espace exigu comme dans Old Boy – et à quelques sirènes à la mode. On aura donc évidemment droit à la fameuse castagne en une seule prise au milieu de l'histoire, soit le passage obligatoire par excellence des moyens budgets contemporains au point d'en devenir une fainéantise. Revenez au montage.

Surtout que le plan-séquence de The Roundup n'ont pas le moindre intérêt. On lui préfèrera bien plus les ultimes bagarres du film, parfaitement découpé et tirant à merveille parti de leur décor, en plus d'être bons pour l'économie en créant des emplois chez Carglass (sérieusement, il doit y avoir 15 têtes qui passent dans des parebrises en 15 minutes). Mais ce qui plombe le plus The Roundup, c'est le classicisme de sa structure narrative, avec une histoire d'argent trop linéaire et qui aboutit sur une grande course-poursuite mollassonne. Un peu plus de hargne dans la réalisation, un peu plus de développement du protagoniste et un peu plus d'ambition dans le scénario, et le troisième volet percera.

The Roundup est disponible depuis le 9 décembre 2022 en DVD et Blu-ray en France

 

The Roundup : Jaquette DVD

Résumé

La vie est de temps à autre constituée de moments qui rappellent que la simplicité a aussi de la saveur. The Roundup fait partie de ces moments. Une œuvre sans chichi et à laquelle il manque trois fois rien de technique pour devenir un énorme plaisir, mais qui réunit l'essentiel : action, tempo, humour et – surtout – personnages. En soi, c'est déjà beaucoup, et on préfère dix heures de cela à une demi-heure de Bullet Train.

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Lecteurs

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commentaires
Rick Hunter
21/12/2022 à 23:38

Amateurs de torgnoles dans la tronche, vous allez être servi, c'est un bon petit film asiatique, pas ouf mais il y a des bons passages, allez un petit 6,5-7/10.

bim bam boum
17/12/2022 à 21:53

Vraiment une bonne surprise! Ca cogne sec et dur. Un bon divertissement.

Neji
12/12/2022 à 23:46

Merci à vous je connaissais pas j'ai passé un bon moment c'est vrai qu'il y a un petit côté Bud Spencer ds le personnage principal, il est trop cool son petit côté badass décontracté.
Ses collègues sont marrants, ça tombe jamais dans le risible ça reste sérieux.
C'est pas trop mal tourné.
On sait jamais vraiment ce qu'on regarde un policier, un film d'action comédie, une série B mal foutue.
C'est cru ça saigne
C'est ce mélange des genres que j'apprécie
J'avais découvert grâce à vous ,Korean fried chicken que j'avais adoré.
Merci bien

Si le personnage est sympathique
11/12/2022 à 13:35

et distribue les baffes comme Bud Spencer, que ce soit The Outlaws ou même celui-ci, on est toujours dans la même recette. Les deux films ont kif kif les mêmes méchants complètement siphonnés qui plantent et découpent des gens comme ils respirent et pour les mêmes motifs, l'argent.

Le ton des films n'est pas tès clair. On se retrouve dans un semblant de comédie au milieu de déchaînements de violences extrêmes. Je n'ai pas compris ce manque de parti-pris.

On notera que les flics en Corée du sud ne sont pas armés - ils ont un ecanne télescopique et ils font appel à des unités armées spécialisées quand ils sont confronté aux armes àn feux - alors qu'ils doivent faire face à une délinquance motivée. Comme au Japon, comme en Angleterre ou en Nouvelle-Zélande.

Pas plus que la note de 4,5 de la critique.

bruce
10/12/2022 à 16:07

je préfère le premier je le trouve beaucoup mieux, celui-ci n'est pas trop mal non plus. j'ai entendu dire qu'il tourner actuellement le 3 et 4 en même temps.

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