Enola Holmes 2 : critique de la chère loque de Netflix

Mathis Bailleul | 7 novembre 2022 - MAJ : 20/02/2023 23:28
Mathis Bailleul | 7 novembre 2022 - MAJ : 20/02/2023 23:28

L'actrice (et productrice) Millie Bobby Brown est de retour sur Netflix avec Enola Holmes 2. Oeuvre qui fait suite du film de 2021, la détective au nom prestigieux rempile pour une nouvelle enquête. Rien d'étonnant au vu du succès du premier, une suite a été commandée. Initialement, le premier volume s'est basé sur les récits de l'auteure des romans, mais tisse ici une intrigue sur des faits réels. Avec le retour du réalisateur Harry Bradbeer et toute l'équipe, le projet sent bon. De retour à Londres, en terrain connu, qu'est-ce qui pourrait mal tourner ? 

Libéré, délivré

"Ces fichues femmes sont incroyables". Pas subtile pour un sou, la réplique qu'on entend au détour du final témoigne à l'évidence de la tendre veine féministe qui a caractérisé le précédent. Élan conservé dans cet opus, une panoplie de personnages féminins trônent naturellement en vedette, ce qui n'empêche pas les personnages masculins de rajouter leur pierre à l'édifice dans ce combat des femmes contre le patriarcat.

Ouf, c'est donc un sage et juste équilibre que trouve la suite qui s'affranchit des romans de Nancy Springer – bien que l'autrice et co-scénariste recycle des éléments présents dans Le Secret de l'éventail – afin de proposer un récit original... inspiré d'une histoire vraie, celle de la grève des ouvrières des manufactures d’allumettes à Londres survenue en 1888. La fiction décide même de ne pas travestir ni dénaturer la réalité et retranscrit fidèlement cette lutte ouvrière.

 

Enola Holmes 2 : photo Henry CavillHenry Cavill garde le rôle de Sherlock Holmes (pour l'instant)

 

Pour autant, cet ancrage plus sérieux n'empêche pas de poursuivre avec entrain les élucubrations qui ont forgé l'identité du long-métrage initial, accordé au diapason de la petite futé. De quoi stimuler le spectateur qui devient complice lorsqu'elle s'adresse directement à lui. La mise en scène tente d'adopter le point de vue de la détective jusqu'à s'immiscer dans sa propre matière grise et son imaginaire dans des passages animés de dessins ou de collages.

C'est avec plaisir que l'on retrouve l'héroïne espiègle ainsi que toute sa bande dans une oeuvre débarrassée de la mise en place des personnages et de leurs relations (le premier film s'en étant chargé). Les interactions entre les protagonistes sont ainsi plus crédibles, sincères et touchantes. En témoigne le personnage de l'ami ambigu d'Enola qui est d'office plus attachant.

 

Enola Holmes 2 : Millie Bobby BrownFemme libre (enfin, presque)

  

eurêcruche

C'est donc avec une tendresse véritable pour les acteurs de son récit, son rythme soutenu et la nervosité du montage que le film arrive à nous captiver. Il vise parfois tellement juste qu'il arrive à nous procurer de vraies émotions (allant du rire au frisson d'empathie) lors de moments pivots, des chutes jouissives et autres répliques bien senties. Une réussite bien aidée par la musique de Daniel Pemberton qui a rempilé pour cette suite avec le casting et le réalisateur. On prend les mêmes et on recommence... et ça marche.

Mais tout cela requiert un dosage soigné. Gare à la surdose qui peut rendre l'ensemble indigeste. Et pas de bol, si le caractère pétillant et explosif d'Enola nous séduit dans un premier temps, il bascule ensuite dans un lunatisme embarrassant tant les réactions de notre enquêtrice semblent disproportionnées. Ainsi, on est perturbé par ses sautes d'humeur et on ne la voit plus comme la détective chevronnée qu'elle est, mais plutôt comme une gamine infantilisée. Un souci d'autant plus frappant que les regards caméra et les clins d'oeil se font plus nombreux et insistants vers le spectateur, comme si on voulait le forcer à comprendre. 

Pour apprécier, il faudra également supporter une avalanche de gags inégaux. Bien sûr, Enola Holmes 2 sait créer de vrais instants comiques, comme dans cette scène de langue des signes absurdes à base d'éventail. Mais le film se montre malheureusement souvent lourdaud avec ses vannes sur la moutarde à la ramasse, voire franchement ringard quand il évoque la Sainte Trinité avec des effets sonores poussifs.

 

Enola Holmes 2 : photo, Helena Bonham Carter, Susan WokomaPoker faces

 

élémentaire, mon cher Watson 

Le cliché pointe le bout de son nez dès l'ouverture du film qui ose une séquence type "Vous voulez savoir comment j'en suis arrivé là ? Rembobinons !".  Cette impression de déjà vu 1000 fois s'amplifie avec l'introduction des personnages secondaires, orchestrée religieusement les uns après les autres dans des séquences programmatiques. Nous avons la désagréable sensation que le film coche les cases de sa checklist imposée.

Et la deuxième moitié du récit justifie les craintes. En s'appuyant sur une structure éculée, il lance un bingo de clichés made in Netflix. Comptez deux enquêtes qui seront évidemment amenées à se recouper, un final ridiculeusement semblable à un épisode de Scooby-Doo (mais mieux fait dans le dessin animé), un pistolet qui n'a plus de balles au bon moment ou une scène post-générique (in)digne de Marvel.

Le challenge de whodunit est annihilé par des morts et révélations bien trop prévisibles. Les résolutions d'énigmes en deviennent grossières et on s'étonne de voir Enola mettre autant de temps à comprendre, elle qui nous a déjà montré l'étendue de ses talents et de son instinct redoutable. Hélas, le scénario jauge l'intelligence de son héroïne en fonction de ses besoins. Les nouvelles têtes du film pâtissent également de ce petit sabotage. Le scénario n'arrive jamais à leur accorder une juste place dans l'intrigue, rendant leurs brèves apparitions criardes. Les intentions du récit sont généreuses, mais ses ficelles sont trop grossières. 

 

Enola Holmes 2 : photo, Millie Bobby Brown"On va résoudre ce mystère"

 

La mise en scène quant à elle remplit le cahier des charges du film d'enquête moderne. En bref, c'est du "Guy Ritchie du pauvre" : arrêts sur images, accélérations, montages parallèles et alternés, flashbacks pour souligner des détails passés inaperçus. Le film n'hésite par à citer explicitement ses modèles. On notera notamment cette référence à À couteaux tirés qui n'est certainement pas due au hasard puisque c'est l'autre grosse franchise de films d'enquête sur Netflix.

On retiendra tout de même les séquences qui illustrent ingénieusement la résolution des mystères avec des effets sonores et visuels inventifs et réussis. Des séquences qui font un peu oublier des effets spéciaux à la finition douteuse, notamment cet abus de fonds verts qui mettent parfois le Londres d'Enola au niveau des décors ratés de certains Marvel. 

Enola Holmes 2 est disponible sur Netflix depuis le 4 novembre 2022 en France

 

Enola Holmes 2 : affiche

Résumé

Enola Holmes 2 ou comment gâcher des choix audacieux. Après un début prometteur, espiègle et engageant, le récit arrive à s'enliser dans une structure simpliste aux ficelles grossières. Le résultat: un film d'enquête au suspense gâché mais sauvé de justesse par un casting enjôleur.

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Lecteurs

(3.5)

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commentaires
Jigen83
07/11/2022 à 22:39

Personnellement, j'ai interprété les brisures du 4e mur comme des regards cherchant l'approbation du spectateur car justement dans ce film, Enola est complètement à côté de la plaque et met une plombe à voir l'évidence parce qu'elle est amoureuse et se comporte comme une lycéenne après sa troisième 1664. Jalons posés pour un troisième volet que j'espère être celui de la maturité.

Franken
07/11/2022 à 11:57

Encore un film moyennement médiocre, répétant sa formule déjà pas finaude ad nauseam.

Une petite dose de bromure pour tuer du temps dans un état de satisfaction modérée, entre un bâillement et le griffonnage de sa liste de courses.

Insupportable, quoi !

Mn
06/11/2022 à 23:38

Très bon film
L’intrigue est prenante du début a la fin
Le jeu des personnages est excellent
De l’action et des gags jamais lourdauds
Que sa soit le scénario l’interprétation ou la réalisation tous est plaisant à regarder.
Le film vaut beaucoup mieux qu’une moyenne et aurait eu une bonne place au cinéma.
Un film policier familial
Pour moi sa sera un 4/5 le pari de faire une suite est réussi.

Patton
06/11/2022 à 22:15

Il y a que moi que ca dérange de lire chere loque, quand je suis une loque le matin on me traite pas avec autant d'égard

GTB
06/11/2022 à 13:46

@ ortk > EL n'aiment plus rien... Ou ils n'aiment pas ce que vous aimez et aiment des films que vous n'aimez pas ou dont vous vous foutez?

Ces 15 derniers jours EL ont notablement aimé : Piggy, All Quiet in the Western Front, Wendell & Wild, Barbare, The Good Nurse, La Conspiration du Caire, The Fabelmans, The Stranger, R. M. N.

Greg67
06/11/2022 à 12:03

Vu hier avec ma fille de 11ans. Pile dans la cible, un feel good movie coloré et animé. Pas de quoi laisser un grand souvenir mais sympathique.


06/11/2022 à 09:11

Je suis le seul que ça agace de voir la fille combative ? Encore une énième Mary Sue ? Le même personnage féminin surpuissant sans intérêt qu'on nous sert à pleins tubes cathodiques depuis 20 ans maintenant ? Mais, Mr Hollywood, écrivez les personnages au lieu d'avoir peur des volée de bois vert féministes bon sang ! Cela gâche les personnages car on ne voit qu'une "fille qui ne se laisse pas faire", violente et vulgaire, plus intelligente que tout le monde car le script est avec elle et sans aucune autre caractéristiques, ni aucun autre trait de personnalité tandis que les personnages masculins sont ou bien lâches, ou bien stupides, sales ou bien évidemment méchants. (Sauf s'ils sont gays) Pourtant Cameron nous avait mis en scène des femmes incroyables, puissantes et intéressantes avec Sarah Connors bien sûr mais aussi Rose de Titanic ! On verra pour Avatar mais bien evidemment Sully a une fille donc on voit déjà où se dirigera l'histoire Et du côté de Marvel:les marvels, she hulk, black panher 2, Iron Heat ... Bon c'était un coup de gueule pour dire que je ne regarderai pas ce film, ni les autres prod Netflix, ... Sinon super analyse d'Ecran Large comme toujours !

Hildegarde
06/11/2022 à 00:09

Le film était excellent jusqu'à que l'on découvre que Moriarty est transformé en femme noire et que Watson est aussi devenu noir. Ah, la bien pensance actuelle où il faut faire disparaitre l'homme blanc et les remplacer par des hommes ou des femmes noires.

gramgram
05/11/2022 à 22:57

+1 avec Ortk je fini par ne plus avoir envie de venir sur ce site en grande parti négatif avec tout. dommage je retourne sur unification france

Ortk
05/11/2022 à 18:56

J’aimais bien écran large mais j’ai le ressenti ( peut être faux ) que vous devenez le Télérama du net. Vous n’aimez plus rien, ne voyez que les défauts. Ça fait un moment que je le ressens. On est à la limite du «  si écran large n’aime pas, c’est que c’est bien ».

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