Mascarade : critique d'une grosse arnaque

Alexandre Janowiak | 19 mai 2023 - MAJ : 22/05/2023 10:12
Alexandre Janowiak | 19 mai 2023 - MAJ : 22/05/2023 10:12

En 2021, Nicolas Bedos clôturait le retour du Festival de Cannes en tentant de relancer la franchise OSS 117 en vain, son OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire étant à côté de la plaque. Ni une ni deux, l'acteur-réalisateur n'a pas tardé à revenir sur la Croisette puisqu'en 2022, il y présentait en hors-compétition sa comédie noire Mascarade mené par un casting cinq étoiles avec Pierre NineyMarine VacthIsabelle Adjani et François Cluzet. Avec plus de succès ? Attention quelques spoilers !

boulevard du néant

"Il n'y a que dans les films que l'on se tire une balle soi-même et pas souvent les meilleurs", entend-on dans le dernier tiers de Mascarade. Et c'est peut-être ici que se joue la grande désillusion du quatrième long-métrage de Nicolas Bedos : cette capacité du réalisateur à avoir conscience de ses propres défauts sans être en mesure de les éviter, les supprimer, de s'en débarrasser. Car oui, au fil du récit, on sent l'amour que porte Nicolas Bedos pour cette histoire, et on peut le comprendre, il l'a dit lui-même, c'est un peu la sienne. Et forcément, dans ces cas là, difficile de faire un choix, par peur de trahir son propre amour, son propre souvenir, ses propres regrets.

Sauf que lorsqu'un twist final attendu depuis près de 2h révèle les véritables tenants et aboutissants de l'ouverture où un François Cluzet énervé semblait tirer sur une Marine Vacth sous le choc, personne n'est dupe. Les plus malins l'avaient vite compris : ce que Bedos avait montré aux spectateurs n'était qu'une mascarade, d'où le titre évidemment. Et alors, à l'image des films qu'il dénonce, Mascarade ne peut s'empêcher de commettre les mêmes frasques et de plonger dans un artifice mal venu.

 

Mascarade : Photo Pierre NineyPierre Niney se la joue Bedos

 

S'il est donc à des années-lumière des débuts très réussis de son metteur en scène avec le superbe La Belle époque et le très apprécié Monsieur & Madame Adelman, ce Mascarade est surtout très loin d'être un bon film. Pourtant, les intentions de Nicolas Bedos étaient plus que louables, voire prometteusesDésireux de raconter une partie de sa vie de jeune adulte en adaptant un de ses propres bouquins jamais publiés, le cinéaste avait l'occasion de se livrer dans un geste de cinéma hommage extrêmement référencé. Les influences sont en effet assez limpides devant Mascarade, entre les arnaques, les trahisons, les crimes, la passion... il invoque tour à tour Alfred Hitchcock, Douglas Sirk et surtout l'immense Billy Wilder.

Dans les premiers instants du long-métrage, on se voit d'ailleurs déjà revivre une sorte de mix entre la chute d'une gloire d'antan à la Boulevard du crépuscule lorsqu'Isabelle Adjani s'effondre dans une piscine, l'arnaque rondement menée de Assurance sur la mort avec le duo Niney-Vacth et le procès de Témoin à charge avec les multiples témoignages qui suivent l'ouverture du film. Autant dire que Mascarade s'annonçait à la fois drôle et noire, Bedos continuant à s'amuser des faux-semblants du cinéma et de la sincérité des sentiments.

 

Mascarade : Photo Marine Vacth, Pierre Niney"Cache moi les yeux, je ne veux pas lire cette critique de merde"

 

under the french riviera

Un beau projet sur le papier qui va, malheureusement, rapidement tourner à vide. Parce qu'une fois les pions disposés et cette séduisante intrigue lancée, Mascarade ne parvient jamais à captiver. En jonglant incessamment entre ses personnages et en accumulant les allers-retours dans le temps (flashbacks, présent, flashforwards...), le récit croule sous le poids de sa propre narration et manque cruellement d'énergie. Incapable de choisir entre son désir de critiquer les riches privilégiés, les jeunes pauvres hypocrites ou simplement le cadre bourgeois de la Côte d'Azur, Nicolas Bedos égratigne tout le monde et donc personne.

Difficile d'ailleurs de savoir devant Mascarade qui l'on est censé aimer, apprécier, vouloir voir gagner... puisque les personnages jouissent à la fois de moments de gloires où la caméra les fait briller, avant qu'elle nous les rende absolument antipathiques (ou inversement) au coeur d'une structure franchement incompréhensible.

 

Mascarade : Photo Marine VacthHeureusement, il y a Marine Vacth...

 

Mascarade s'engloutit alors lui-même, submergé par sa surabondance de rebondissements, étouffé par ses dialogues vulgaires, noyé par son interminable durée, asphyxié par son cynisme immodéré, voire gêné par le surjeu de la plupart de ses interprètes (exception faite de Marine Vacth, toujours aussi excellente, même si elle est affublée d'un accent anglais qui n'apporte pas grand-chose à l'histoire... les faux-semblants, tout ça tout ça). Pire, rien ne semble véritablement à sa place, tant dans les choix artistiques faussement inventifs de Bedos que les desseins finaux de son récit.

Car si la critique des bourgeois sonne étrangement faux, ce sont véritablement les derniers instants et la pseudo morale féministe du métrage qui vient ternir le plus l'ensemble. Vu son désir connu pour les femmes, difficile de douter des intentions de Bedos, sans doute sincèrement persuadé de déclarer son amour aux femmes libres lorsqu'il fait dire à Marine Vacth dans le final : "Aucun mec ne peut me faire chier". Mais avec sa maladresse habituelle, le cinéaste aura presque montré le contraire tout au long du film en objectifiant ses (anti-)héroïnes en permanence, faisant d'elles à la fois des victimes et des ordures, des potiches et des trophées. Bref, compliqué.

 

Mascarade : affiche

Résumé

Nicolas Bedos espère, en partie, moquer la superficialité de la bourgeoise Côte d'Azur avec Mascarade. Dommage que son film le soit tout autant.

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commentaires
Morcar
22/05/2023 à 09:42

J'ai beaucoup aimé ce film lorsque je l'ai vu en salles, personnellement. A la base, je ne suis pas amateur de Nicolas Bedos (de l'époque de ses chroniques TV), mais j'ai adoré "Mr et Mme Adleman", beaucoup aimé "La belle époque", et encore beaucoup aimé "Mascarades". Et j'avais bien aimé "Amour et Turbulences" dans son genre aussi, dont il était le scénariste. Autant dire que pour moi, sa carrière ciné est pour le moment une réussite (je n'ai pas encore vu son OSS).

Boubou
21/05/2023 à 00:45

Le cinéma est la pour nous divertir et pas forcément nous faire réfléchir, et j’ai été diverti.
Quand à cette critique à charge, il suffit de regarder le profil du critique lui même…. Ne pas aimer usual suspect montre qu’on a vraiment pas les mêmes goûts.

Bolo
25/02/2023 à 18:53

On a pas dû voir le même film, mais surtout on sent de l'émotion malsaine dans votre critique. C'est quoi ? vous détestez Bedos? Moi aussi, mais j'ai bien aimé ce film. Cynique, subversif, j'ai adoré. Et Marine Vacth, un régal. Les paradoxes que vous décrivez montrent surtout que vous n'avez rien compris. Hollywood aurait fait ce film, bizarrement, je parie que votre jugement aurait été différent... De mon côté, à la différence de vous qui cherchez à ramener le Monde à votre cause, je précise que mon avis n'engage que moi.

cloclo
29/11/2022 à 16:36

je n'ai pas vu le temps passer pendant ces 2H! Scénario ou montage alambiqué, ok, mais je me suis régalé !
Gros bémol: Adjani, au visage figé, paralysé, incapable d'articuler une phrase,
et François Cluzet, , toujours aussi mauvais... il ne sait faire que que du Cluzet........lassant!
Pas le chef d'oeuvre du siècle, Allez voir, c'est assez jubilatoire...moi j'aime bien quand le réalisateur nous roule un peu dans la farine! se faire berner par le cinéma;;;;;! c'est DU CINEMA

Phil.
27/11/2022 à 20:07

Comparable à la grande bouf.
Guy et Nicolas Bedos, même combat.
Excellent François Cluzet.

Philo
23/11/2022 à 14:26

Ce n'est malheureusement pas donné à tout le monde d apprécier ce film compliqué mais excellent un peu comme la lecture de Proust. Nicolas Bedos y embrouille intelligement et volontairement le pauvre spectateur qui parfois se perd. Tant pis pour lui, c,est un super divertissement qu'il rate ! J'attends avec impatience le prochain film d'un Bedos bourré de talent

isamoche
06/11/2022 à 18:11

Autobiographique de la part des stars françaises.

susu78
06/11/2022 à 17:46

La qualité des acteurs ne fait pas tout. Ce film nous montre un microcosme à vomir : l'alcool, les joints, le sexe, les trahisons, pire encore, l'avilissement de la femme, et de l'homme. Certains aimeront, moi non ! je ne recommande pas du tout.

miction
06/11/2022 à 17:21

Non en réalité cenfilm est vraiment mauvais.

mictis
06/11/2022 à 08:00

Nicolas Bedos n'aurait-il pas refusé de quelconques passe-droits à de soi-disants critiques qui dès lors confondraient critiques objectives et règlements de compte?
On peut ne pas aimer, on peut trouver des défauts (qui à mon humble avis renforcent et servent encore plus l'histoire qu'il nous offre) mais on peut surtout reconnaître que c'est excellent film sur un versant souvent édulcoré des turpitudes humaines.
C'est un film vrai sur les faux-semblants, les faux sentiments, les faux-culs, les fausses excuses, les fausses vérités et les fausses sorties.
Je n'ai pour ma part qu'un seul mot à dire :
Merci!

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