Le survivant : critique d'un destin coup de poing forgé à Auschwitz

Geoffrey Fouillet | 24 octobre 2022 - MAJ : 24/10/2022 11:28
Geoffrey Fouillet | 24 octobre 2022 - MAJ : 24/10/2022 11:28

Dans la longue tradition des films de boxe, popularisés avec la saga Rocky, petite et grande histoire vont souvent de pair, et Le survivant, réalisé par Barry Levinson, suit cet exemple. Présenté au Festival international du film de Toronto en 2021, ce biopic sort enfin dans nos contrées en DVD et Blu-ray, adaptant le livre Harry Haft : survivant d'Auschwitz, challenger de Rocky Marciano, écrit par le fils du boxeur, Alan Scott Haft. Mais a-t-on de quoi se réjouir au-delà de la performance unanimement saluée de Ben Foster dans le rôle-titre ?

DU CHAOS AU K.O.

Nombreux sont les acteurs à avoir chaussé les gants de boxe dans le cinéma hollywoodien. Robert De Niro, Sylvester Stallone, Will Smith... inutile de tous les citer, et voilà que Ben Foster s'ajoute à la liste en prêtant ses traits à un héros hors du commun, Harry Haft, polonais d'origine juive, déporté à Auschwitz à seulement 16 ans. Devenu boxeur pour le compte d'un officier allemand l'ayant formé au combat, il se retrouve à affronter ses co-détenus sous les hourras des nazis, chacune de ses victoires lui assurant de rester en vie, mais condamnant ses adversaires.

Ce segment, dédié à l'enfer des camps de concentration, intervient à travers plusieurs flashbacks en noir et blanc tandis que le reste du long-métrage, cette fois-ci en couleurs, se consacre à la reconstruction difficile du personnage après l'Holocauste et à sa courte carrière de boxeur professionnel aux États-Unis. Deux récits hétérogènes qui se télescopent sans cesse, de la même façon que passé et présent se confondent dans l'esprit du protagoniste. Quand un feu d'artifice est tiré dans le ciel durant une séance d'entraînement, Harry revit aussitôt un bombardement du temps où il était prisonnier.

  

Le survivant : photo, Ben FosterLe nouveau champion de la perte de poids après Christian Bale

 

Dans une interview donnée à Collider pour la sortie du film sur HBO Max en avril dernier, Barry Levinson déclarait : "Jamais je n'aurai cru faire ce genre de films. Mais en lisant le scénario, je me suis souvenu de quelque chose que j'avais complètement oublié. Je devais avoir cinq ans, c'était en 1948 ou 1949, et cet homme s'est présenté chez moi. Il s'agissait du frère de ma grand-mère, dont j'ignorais l'existence. Il est resté à la maison durant deux semaines, et ma famille l'a installé dans ma chambre. La nuit, je l'entendais pousser des cris et parler dans une langue qui m'était inconnue. Après son départ, ma mère m'a raconté qu'il avait connu les camps".

Avec un tel héritage familial, le réalisateur était à l'évidence tout désigné pour s'atteler à ce projet. En revanche, malgré les passerelles que le film réussit à tisser d'une temporalité à l'autre, on finit un peu par se lasser de ces allers-retours systématiques, d'autant que certaines scènes en pâtissent faute de pouvoir se déployer pleinement. On reste encore plus perplexe quand le montage se met à brouiller la chronologie des faits en dépit du bon sens, le flashback voyant le héros en découdre avec son bourreau précédant un autre où on les retrouve à nouveau réunis.

Toutefois, le cinéaste ne se trompe pas lorsqu'il associe la pratique de la boxe à la fois à une planche de salut, mais aussi à une impasse pour son héros. Si ses aptitudes au combat lui sauvent la vie durant son séjour à Auschwitz, elles ne font ensuite que le rappeler au traumatisme de la guerre. "Tout ce que tu peux faire, c'est survivre", lui dit Israel (Danny DeVito), un entraîneur de renom. Au fond, à force de remonter sur le ring, Harry perd peu à peu la notion du présent et donc le goût de la vie.

 

Le survivant : photo, Ben Foster"Je boxe dans la catégorie poids lourds, mets-toi ça dans le crâne !"

 

JUGEZ-MOI COUPABLE

Quoique très classique, la quête de rédemption du héros constitue le véritable cœur émotionnel du film. Par deux fois, on le voit cogner directement son reflet dans un miroir, une manière de se défigurer à un niveau symbolique, là où la boxe le rend méconnaissable au premier degré, le laissant avec le visage boursouflé et ensanglanté par les coups. Devenir étranger à soi-même, voilà ce qui l'anime désormais, surtout que ses comparses juifs semblent loin d'approuver son statut de survivant héroïque.

Au cours d'un flashback se déroulant durant Yom Kippour (le Jour du Grand Pardon dans le judaïsme), Harry regagne sa baraque et se fraye un chemin au milieu de ses compagnons d'infortune. Mais plutôt que de lui dresser une haie d'honneur, la plupart lui barrent le passage de façon à lui signifier qu'il n'est plus le bienvenu parmi eux. Le rejet de sa propre communauté se traduit par ailleurs dans son exil aux États-Unis, dont le caractère cosmopolite fait de chaque individu un citoyen du monde, lavé de ses origines ou appartenances exotiques - Harry s'appelant en réalité Hertzko.

 

Le survivant : photo, Ben FosterSaleté de reflet

 

Il n'est donc pas étonnant que les échanges en yiddish soient réduits à peau de chagrin pendant une bonne partie du film, du moins jusqu'aux retrouvailles entre le boxeur et Leah, son amour perdu. Une très belle scène de dialogue où chacun se sent libre d'alterner entre sa langue maternelle et l'anglais, reconnaissant chez l'autre une trajectoire commune, non seulement géographique, mais aussi existentielle. D'un point de vue allégorique, Harry trouve en Leah le miroir qu'il attendait.

Se pose alors la question de l'héritage, et à ce compte-là, Le survivant parvient avec beaucoup d'élégance à allier le pouvoir des récits et le devoir de mémoire. Tout au long de l'intrigue, le héros va relater son expérience de déporté, d'abord à un journaliste, puis à sa future femme Miriam (Vicky Krieps, encore une fois impeccable), et enfin à son fils Alan. Ce besoin de rapporter les faits est vital pour lui, de la même manière que ses co-détenus se racontaient des histoires drôles afin de pouvoir endurer l'horreur de la guerre.

 

Le survivant : photo, Vicky Krieps, Ben FosterIls font bien la paire ces deux-là

 

Malgré un dernier tiers moins percutant, et pour cause, le héros a préféré raccrocher les gants, le film se termine là où il a commencé, sur ce décor de plage où affluent et refluent les mauvais souvenirs. Mais si Harry y était seul au début, il est à présent entouré de sa famille, disposé à s'ouvrir à de nouveaux horizons. Le plan final, sorte de carte postale idéale, se teinte d'une jolie mélancolie grâce à la partition tout en retenue d'Hans Zimmer (oubliez les grosses percussions à la sauce Inception). Un dénouement qui saura émouvoir jusqu'au plus endurci des spectateurs. Oui, on prend les paris.

Le survivant est disponible en DVD et Blu-ray depuis le 21 octobre 2022

 

Le survivant : Affiche officielle

Résumé

Le Survivant peut bel et bien compter sur l'interprétation habitée de Ben Foster et de ses partenaires de jeu pour doper un récit de résilience plus original que la moyenne, mais encore trop balisé. Le film a aussi le mérite de réaffirmer le talent discret de Barry Levinson, honnête artisan du cinéma américain qui, à défaut de briller par ses qualités d'esthète, a toujours su tirer le meilleur parti de ses projets.

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commentaires
Yannou37
21/11/2022 à 15:04

Un film ennuyeux qui n'est ni plus ni moins qu'une apologie de la cause juive.
J'ai vraiment été très déçu de ce film qui est une véritable merde...
Ce n'est qu'un film de propagande pour la cause juive, on essaye de vous retourner le cerveau pour vous montrer que les juifs sont d'eternel victimes completement innocentes de leur propre sort, on voit surtout a quel point les juifs font un véritable fond de commerce de la victimisation...ca en devient détestable....

rientintinchti2
25/10/2022 à 00:59

C'est nule. ça flinge pas. Aukune fusilade. Aukune baguare dans des bar avec des gang et ya pas des courses et des pourssuit avec des moto ou des bagnolle. et ya meme pas d'esplosion avec des élicotere.
je suis decu en sennuye

Hugo Flamingo
24/10/2022 à 19:36

Quand y à Ben Foster, c'est de toute façon toujours gâché de grande qualité. Ce gars a une carrière de malade et mérite tellement mieux qu'un Oscar.

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