Le Nouveau Jouet : critique Barbie Girl

Lino Cassinat | 20 octobre 2022
Lino Cassinat | 20 octobre 2022

Le remake fait peur. Souvent perçu comme l'aveu d'un manque d'inspiration ou d'un opportunisme financier, il est soumis par nature à des exigences plus élevées. Mais, exercé dans de bonnes conditions, il est aussi une formidable occasion pour un genre ou un cinéma national de se moderniser, puisque, par nature encore, un remake réussi renouvèle une grammaire cinématographique autant que les enjeux d'un récit. On aurait pu voir dans l'exercice une opportunité salutaire pour la comédie française de sortir de sa voie de garage. Point de salut malheureusement dans le Le Nouveau Jouet de James Huth avec Jamel Debbouze et Daniel Auteuil, remake du Jouet de Francis Veber avec Pierre Richard.

REMAKE COMEDIE GREAT AGAIN

De Miss Daisy et son chauffeur à Intouchables, la petite musique de la comédie de petit curé est connue d'avance : l'argent ne fait pas le bonheur. Du moins de ceux qui en ont beaucoup. La preuve, dans le foyer de l'ultra-milliardaire patron d'un groupe de luxe et raffiné collectionneur d'art à deux prénoms Bernard Arnault Philippe Étienne, on n'est pas très heureux. Il faut dire que Philippe Étienne a tout, sauf l'essentiel, à savoir la capacité de ressentir des émotions et d'être un humain comme les autres, et donc d'élever son fils.

 

Le Nouveau Jouet : photo, Simon Faliu, Daniel AuteuilFan de Norauto ? Moi aussi j'aime les pneus, ils me rappellent que je suis une enveloppe vide

 

Ignorants chanceux sont les pauvres capable de s'aimer et de s'amuser, eux qui courent après l'argent alors qu'ils ont déjà l'essentiel dans leur cœur, à défaut de l'avoir dans leurs conditions matérielles de vie. N'y allons pas par quatre chemins : pire qu'un remake raté, ce Nouveau Jouet est une vaste incompréhension de son modèle d'origine et un nivellement par le bas de la substance de son récit.

S'appuyant sur le pire cliché de la comédie sociale – à savoir, la joie de vivre bohème des classes populaires –, Le Nouveau Jouet écrase l'angoisse du clown mélancolique broyé par la machine libérale incarné par Pierre Richard, et propose à la place les pitreries rincées du bouffon du roi, à savoir Jamel Debbouze qui improvise comme il peut dans le vide de scènes dont on soupçonne qu'elles n'étaient pas écrites à l'avance. Ne soyons pas trop durs, cela ne doit pas être facile de ne composer avec : rien.

 

Le Nouveau Jouet : photo, Jamel DebbouzeLe bouffon remplace le clown, mais il doit bien manger aussi

 

HUMOUR DU TROISIÈME RICHE

"Mets-toi devant la caméra et fait le chien (littéralement), les gens seront contents" semblent hurler chacune de ses apparitions, dont on ressent l'immense violence de classe derrière chaque vaine tentative pour faire rire. Une violence teintée de racisme qui, ironiquement, habite également les personnages dont le film tente de dénoncer les mêmes travers dans lesquels lui-même se complaît : exotisme des banlieues, surplomb hautain, mœurs barbares maquillées en raffinement esthétique. L'hôpital se fout de la charité, mais il donne au moins naissance à un bel oxymore : en voilà un parallèle bien tordu.

Et il faut bien reconnaître que, qu'il soit issu d'une maladresse ou d'une hypocrisie, ce parallèle tordu produit plusieurs effets inattendus pendant une première partie d'une cruauté si glaciale et contradictoire avec l'essence comique qu'on se croirait le temps d'une séquence dans un remake des Chasses du comte Zaroff par Michael Haneke. L'occasion de rendre grâce à Simon Faliu, excellent enfant sociopathe qu'on imagine sans peine en client blasé de Squid Game ou en train d'arracher les pattes d'une étudiante japonaise comme d'une fourmi dans Hostel 2. De même, s'il semble prisonnier de son rôle de patriarche dans Le Brio, la majesté impériale de Daniel Auteuil fait comme toujours des étincelles.

 

Le Nouveau Jouet : photo, Simon Faliu- Faites-lui fondre les yeux au chalumeau comme des oeufs - Brouillés ou à la coque monsieur ?

 

Mais on aurait tort de croire plus d'une demi-heure que ce film saura accidentellement mener à bien une satire sociale, tant la servilité clébarde de sa deuxième partie vient remettre Le Nouveau Jouet dans le giron de nos malheureux gagnants du XXIe siècle. "Quand tu seras grand, tu mèneras le monde à ta façon", dit Daniel Auteuil dans sa grande réconciliation finale avec son fils, après avoir accédé avec mansuétude aux revendications de syndicalistes malhonnêtes. Ce fils, qui vient de lui administrer la fameuse leçon d'humanité nécessaire à tout film social doloriste, lui répond : "J'aimerais monter une start-up". Générique, ils marchent vers l'horizon, l'avenir.

 

Le Nouveau Jouet : photo, Daniel AuteuilUn jour, tout ce qui se trouve dans la lumière sera à toi

 

MADE FROM PLASTIC

Que tout le monde se rassure : qu'ils soient heureux ou pas, inutile de compter sur eux pour changer l'ordre d'un monde bercé par l'illusion de la modernité civilisationnelle. Aucune raison de s'étonner donc que les quelques éléments de modernisation formels de ce remake soient les plus fainéants qui soient. L'empire industriel laisse place à la start-up : le palace laisse place à la chambre high-tech et, évidemment à Internet, puisque notre gamin est désormais youtuber – nouvelle figure du rire faisandé du moment, semble-t-il, Darknet-sur-Mer en témoigne.

Et notre Pierre Richard 2022 n'est évidemment plus journaliste terrorisé par le chômage qui guette dans sa rédaction à la solde d'un milliardaire, ça se verrait beaucoup trop. Le voici désormais joyeux vendeur à la criée sur les marchés se rêvant entrepreneur, comme si un hapiness manager était venu faire un petit glow-up pour redonner du pep's à un script pas assez thumbs up. Et comme si le monde n'avait pas assez d'un seul Ary Abittan et de ses kilotonnes de rires contrefaits, sous vide. Un rire qui n'a même pas la politesse de remplir sa fonction la plus élémentaire, à savoir bouleverser le bon ordre établi.

 

Le Nouveau Jouet : photoAllô le monde, est-ce que tout va bien ?

 

"On a eu du mal au début, Pierre Richard et moi. Il jouait comique. Il courait en levant haut les genoux et bégayait ses répliques pour gagner en drôlerie. C'était le contraire de ce que je voulais", confiait le réalisateur Francis Veber il y a des années. "Il comprenait, mais il peinait à se débarrasser de ses tics. Il y est parvenu à force de travail et j'ai eu le bonheur de le voir passer de la peau d'un mime, d'un danseur et d'un clown, à celle d'un comédien".

Le fait que Jamel Debbouze fasse précisément l'inverse en dit long sur la démarche artistique générale de l'œuvre. Voilà le renouveau de James Huth : l'aseptisation. Transformer le pantin de bois en Barbie plastique, prendre à la rigolade le drame indigné d'hier. La comédie, c'est sérieux.

 

Le Nouveau Jouet : Affiche officielle

Résumé

La photographie maîtrisée et les gros moyens du Nouveau Jouet ne parviennent pas à faire oublier combien le film est à côté de la plaque, en tant que remake et en tant que produit de son temps. On ne saurait mieux déconseiller un remake qu'en disant que le modèle d'origine paraît plus contemporain dans ses effets de sens que sa "réactualisation", qui a de plus le toupet d'inverser les valeurs de son aîné et de tendre la patte aux puissants de l'histoire.

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Lecteurs

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commentaires
Nostalgie
04/12/2023 à 23:16

Nul a chier . Zero , nada ce film ! Le film le plus nul du 21 siecle . Rien ne vaut l original !
A bon entendeur , salut !

Nul
09/07/2023 à 19:48

Nul

Rebel o Conner
23/10/2022 à 09:18

Pas vraiment étonnant. Debouze avait déjà massacré pourquoi j'ai mangé mon père en ne comprenant rien à l'œuvre d'origine

Hugo Flamingo
22/10/2022 à 09:40

@prisonnier : ce que tu décris comme une blague est une atteinte physique à la personne. Je n'ai rien contre toi mais c'est bien d'admettre et d'assumer le genre de propos dans lesquels on s'engage.

Jimmy
21/10/2022 à 01:39

Non non j'irais jamais voir se film deux bouses n'est ni acteur ni comique il est juste ridicule rien que l'affiche j'ai vomi

Jean jean
20/10/2022 à 21:03

Je suis cuisinier....
Je voulais donner une super recette de daube au cinéma actuel!!!!
Bon.....ils sont trop forts!!!
J'en pleure......

Truc bidule
20/10/2022 à 18:25

@lino.... Black Adam... Le jouet... Et moi qui pensais que le métier de critique ciné c'est le rêve.
Riaux est un vrai esclavagiste

alulu
20/10/2022 à 18:23

Heureusement qu'il est un remake raté d'un excellent film et non l'original. On aurait eu droit à un matraquage de l'article dans les commentaires comme sur Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu? ou Nous finirons ensemble.

@Prisonnier,

J'avoue, j'ai ri à ta vanne, c'était méchamment drôle.

Prisonnier
20/10/2022 à 18:17

@sylvain

Merci a toi. Tu as eu de la chance de voir la vanne avant qu'elle soit censuré (raciste, handicapophobe, je ne sais pas de quoi on pouvait m'accuser...)

The Poulpix
20/10/2022 à 18:13

Jamel Debbouze... Tout est dit.
Ce film doit être pathétique, Franchement qui va voir toutes ces bouzes françaises avec tous ces "acteurs" éculés depuis des lustres? Le public a t'il encore du gout?

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