L’Innocent : critique du braquage du siècle

Mathieu Victor-Pujebet | 11 octobre 2022
Mathieu Victor-Pujebet | 11 octobre 2022

Après L'Homme fidèle et le tout récent La Croisade, l'acteur-réalisateur Louis Garrel repasse derrière la caméra pour un quatrième film intitulé L’Innocent. L'histoire est celle d'Abel (Louis Garrel), un trentenaire qui apprend que sa mère Sylvie (Anouk Grinberg) va se marier avec un homme en prison, Michel (Roschdy Zem). Paniqué, il demande à sa meilleure amie Clémence (Noémie Merlant) de l'aider à garder un oeil sur lui.

La Party

Avec un cinéaste iconique de la Post-Nouvelle vague comme père et quelques rôles/réalisations du côté d'un cinéma d'auteur français un peu exigeant, Louis Garrel n'a pas vraiment l'image d'une icône grand public francophone. Et pourtant, avec L'Innocent, l'acteur-réalisateur démontre une surprenante aisance dans un registre beaucoup plus léger et virevoltant à travers des dialogues envolés et un tempo comique à toute épreuve.

Les ping-pongs verbaux s'enchaînent avec énergie, parfaitement emballés par un découpage et un montage qui laisse de la place aux comédiens, tout en augmentant leur jeu d'une belle vivacité. Des interprètes parfaitement en forme qui trouvent dans ce film un juste milieu vraiment réjouissant entre une impressionnante technicité et une générosité hyper stimulante

 

L’Innocent : photo Louis Garrel, Noémie MerlantUne troupe de comédiens magnifiques

 

La fausse nonchalance de Louis Garrel, le magnétisme de Roschdy Zem, la souplesse de jeu d'Anouk Grinberg et la fougue de Noémie Merlant trouvent ainsi dans L'Innocent un niveau d'incandescence jubilatoire. Cette énergie contamine le film d'un vrai sens du spectacle, doublé par la spontanéité et la vitalité des protagonistes féminins.

Celles-ci sont caractérisées à travers une galerie de séquences très amusantes comme celle de la poursuite du fourgon de la prison, ou celle de la répétition du braquage. Les libres et rayonnants personnages de Noémie Merlant et Anouk Grinberg éclaboussent L'Innocent d'une folie douce très plaisante et récréative. Le film réalisé par Louis Garrel en devient une comédie vive, inspirée et techniquement imparable.

 

L’Innocent : photo Anouk Grinberg, Roschdy ZemLe Parrain et la Daronne

 

Reservoir dogs

Cette énergie comique est emballée dans une collection de séquences au rythme soutenu à grands coups de filatures, planifications de braquages et courses poursuites. Louis Garrel convoque avec L'Innocent quelques passages obligés du film de casse, mais avec un premier degré constant qui embarque joyeusement le spectateur.

Le thriller n'est pas abordé de façon superficiellement arty ni avec une forme de cynisme, il est utilisé en tant que tel comme vecteur de récit, d'émotion et de sensation. Cette sincérité augmente L'Innocent d'un plaisir contagieux d'aller dans la fiction, Louis Garrel s'amusant également à utiliser une belle quantité d'outils et d'effets cinématographiques comme le split screen, le zoom et différents types de transitions (mise en scène sans aucun doute influencée par un certain Brian de Palma).

 

L’Innocent : photo Louis Garrel, Anouk GrinbergFast & Furious

 

La photographie même du film est touchée par cette envie de formes et de style, avec sa pellicule vivante, ses contrastes profonds et ses couleurs vibrantes. Le cinéaste s'investit entièrement dans le genre et jouit complètement des possibilités formelles qu'il implique. Le déploiement de tout cet outillage filmique provoque un vrai plaisir cinéphile, tout en servant constamment la vivacité du récit et l'énergie des personnages.

Louis Garrel ne se contente pas de superficiellement montrer les gros bras, mais mobilise au contraire tout son savoir-faire de metteur en scène pour satisfaire complètement son spectateur. Un plongeon total dans la fiction et le spectacle qui est par ailleurs emballé dans un tempo effréné et un découpage efficace. L'Innocent déploie alors un véritable sens de l'artisanat qui impressionne de précision et de force.

 

Photo Louis Garrel, Roschdy ZemSortie en famille

 

Révélations

Un plaisir de la forme qui n'empêche jamais le long-métrage de cristalliser une jolie tendresse lors de quelques séquences comme celle du karaoké ou celle du vernissage du magasin. L'attention des personnages les uns pour les autres, sublimée par le filmage aérien de Garrel, est contagieuse et rend le visionnage de L'Innocent aussi touchant que divertissant.

Une sensibilité plus ou moins discrète qui progresse jusqu'à une bifurcation émotionnelle dans le dernier tiers du récit, lors d'une séquence de braquage qui se mue en confession bouleversante. Le spectateur qui s'était jusque-là laissé prendre par les enjeux du film de genre se voit surpris par ce virage sensible qui redistribue les rôles des personnages et dévoile le véritable coeur émotionnel du long-métrage.

 

L’Innocent : photo Louis Garrel, Roschdy Zem, Noémie MerlantUne douce et calme répétition sur le tournage de L'Innocent

 

Cette explosion soudaine s'incarne dans une scène où le personnage de Louis Garrel et son/sa partenaire de jeu doivent performer un conflit devant un camionneur pour détourner son attention. Tout le motif de la prestation théâtrale – installé dès la première séquence du film avec Roschdy Zem qui répète en prison – vient alors lui donner une nouvelle densité émotionnelle, tout en livrant un discours méta sur ce que le jeu et la performance peuvent dévoiler d'un individu.

La fiction n'est pas qu'un vecteur de plaisir ou de sensibilité, elle se dévoile ici comme un langage à part entière qui permet aux personnages de communiquer et de survivre à un passé asphyxiant. Tout le scénario de L'Innocent tourne autour de cette thématique de la reconstruction, que ce soit après de la prison, ou après un deuil. Une ambiguïté entre fiction et réalité, doublé de ce plaisir du jeu et de la forme, qui permet au film réalisé par Louis Garrel de traiter avec pudeur et tendresse de thématiques sombres et complexes.

 

Affiche

Résumé

En investissant le genre du film de braquage et en le faisant avec un joli sens de l'artisanat et un beau plaisir du jeu, Louis Garrel signe avec L'Innocent une comédie vive, réjouissante, et parfois même bouleversante.

Autre avis Alexandre Janowiak
Louis Garrel jongle entre une vibe à la De Palma et une comédie française burlesque d'un temps oublié et regretté avec L'Innocent, petite perle comico-dramatique réjouissante, tendre et émouvante.
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Lecteurs

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commentaires
Ozymandias
10/12/2023 à 10:47

Pas aimé perso, j'ai arrêté avant la fin. Pas accroché du tout aux dialogues et au jeu des acteurs/actrices (sauf Noémie Merlant allez).

Un connard
25/02/2023 à 12:52

Le film passe d'un ton à l'autre sans vraiment savoir sur quel pied danser. Le tout, cimenté par des dialogues et des péripéties merdiques, nous donne un film inconsistant mais apparemment génial... Rien que l'affiche est une arnaque nous promettant au moins un rythme plus maitrisé mais toutes les thématiques traitées sont un échec du braquage à l'histoire de famille...

Chris11
21/11/2022 à 08:33

Noté 3,5/5 ici, 4,1/5 sur allociné, pour une daube totale. L'impression d'avoir vu une série AB Productions, avec scénario et dialogues écrits avec des moignons, les situations sont abracabrantesques et sans aucune cohérence (n'est pas Guy Ritchie qui veut), et les personnages tous plus turbo-débiles les uns les autres. Y a rien qui va dans ce film hormis UNE réplique drôle, la gouaille dépoussiérante de Noémie Merlant et quelques musiques des années 80. Pensées à Anouk Grinberg, quelle tristesse de la revoir dans ce... truc. Même Plancha doit être mieux que ça.

Laverdure
08/11/2022 à 17:25

C'est la première fois que je vois L.Garrel jouer la comédie et faire du cinéma. Merci car avant c'était d'un chiant ses films, genre je pense donc je suis.

Temps à perdre
05/11/2022 à 21:08

Louis tu peux me rembourser ma place s’il te plaît ? C’est trop cher pour s’ennuyer autant.

Sanchez
01/11/2022 à 17:47

Tout est pardonné Louis !!
Apres l’ignoble La croisade , il fait une virage à 180 degrés dans la qualité. Drôle , extrêmement touchant , référenciel et populaire , avec des acteurs qui méritent tous le cesar. Un de meilleurs films de l’année.

Do
21/10/2022 à 23:22

C'est un film très divertissant mais grave à la fois. A la sortie du cinéma, on est bien un moment puis on se pose des questions sur la vie après la prison même si c'est traité avec humour. Le style désemparé du fils est touchant. Les quatre comédien/nes sont parfaits dans leurs jeux.

louloulou
12/10/2022 à 08:58

Garrel c'est pathétique.

cliché
11/10/2022 à 17:46

J'ai vu ce film demain et c'est un super génial top moumoute extraordinaire

Simon Riaux
11/10/2022 à 17:21

@Jaipasdegoûts

A moins que vous n'ayez déjà vu ce film qui n'est pas sorti, vous êtes le seul cliché ici.

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