The Woman King : critique qui voulait déjà être roi

Simon Riaux | 28 septembre 2022
Simon Riaux | 28 septembre 2022

Au XIXe siècle, le Royaume du Dahomey doit faire face aux ravages de l'esclavagisme, à des voisins belligérants, et un roi plus intéressé par ses épouses que la guerre. Heureusement, une combattante hors du commun et son armada de femmes sont prêtes à casser des rectums. Voilà ce qui vous attend dans The Woman King porté par Viola Davis et réalisé par Gina Prince-Bythewood (la cinéaste derrière The Old Guard) !

GIRLS JUST WANNNA HAVE FILMS

On n’a jamais vu ça. Jamais vu autant de femmes sur un écran de cinéma. Jamais aussi badass. Jamais aussi noires. Et jamais aussi africaines. C’est peu ou prou, le point d’incandescence maximum que cherche à atteindre The Woman King tout le long de ses 2h15 de récit. Et si l’ensemble n’est jamais foncièrement désagréable, ce qui demeure le plus intéressant dans la proposition de Gina Prince-Bythewood, c’est ce qu’elle révèle malgré elle des mécaniques hollywoodiennes. 

Passons sur la reconstitution fantaisiste du royaume du Dahomey, et ne nous attardons pas sur le portrait idiot de l’esclavagisme, lequel ne saurait être autre que français (dont il serait croquignolet de se demander s’il ne sera pas interrogé, dans quelques décennies comme un cliché remarquablement puant), pour nous concentrer sur l’ambition divertissante de cette fable guerrière. On y est particulièrement aidés par Viola Davis. Non pas que la comédienne ait un jour été mauvaise, mais elle est de toute évidence consciente du potentiel oscarisant du bousin, et paraît sincèrement jubiler à faire tournoyer son sabre, tout en haranguant ses troupes. 

 

The Woman King : photo Viola DavisLe véritable effet spécial du film

 

Son charisme fait une nouvelle fois des ravages, tout comme celui de Lashanna Lynch, qui rappelle, quelques mois après Mourir peut attendre, combien elle est prometteuse. Le reste du casting fait son possible pour se dépatouiller d’accents plus ou moins fantaisistes, et d’une direction d’acteurs souvent grossière. Le résultat n’en est que plus nanardeux, un peu comme si Hollywood nous proposait un Vercingétorix rôti à la Budweiser, mais possède un charme certain. Le charme de ces curiosités filmiques, à la fois suffisamment frontales pour verser dans des outrances absurdes, et simultanément totalement inconscientes d’elles-mêmes. 

Enfin, le film bénéficie tout simplement de sa direction artistique, ainsi que de son décor. On n’osera pas commenter plus avant la mise en scène de celle qui réalisa The Old Guard, ici toujours fonctionnelle et lisible, à quelques abominables doublures numériques près. Sans être le moins du monde capable d’évaluer la précision de la reconstitution proposée (on doute néanmoins de la propension d’habitants du Dahomey à avoir si bien anticipé les modes de la gym tonic et du hipstérisme sauvage), celle-ci est plaisante à voir, renouvelle un peu les canons du genre. 

 

The Woman King : photo Viola DavisUne réunion de syndic qui tourne mal

 

DÉJÀ VU

L’adage est cruel tant il s’applique à The Woman King. Il suffit que tout change pour que rien ne change. Oh oui, sur le papier, le long-métrage est une date à marquer d’une pierre blanche, tant il pousse plus loin que des décennies de grand-spectacle hollywoodien l’inclusion de son grand programme spectaculaire. Les femmes y sont fortes, dignes, combattantes, autonomes, émancipées et émancipatrices. Et c’est indiscutablement le cas... jusqu’à engendrer le sentiment paradoxal que le long-métrage dévoile quelles sont ses véritables ficelles. 

En dépit de ses douze mille cris de walkyries lancés à la face du soleil, absolument rien ne différencie The Woman King du tout-venant hollywoodien. Son découpage, son montage et sa photographie sont absolument communs. Jamais foirés, mais d’une indiscutable banalité. La dramaturgie est soigneusement esquivée, la plupart des divertissements anglo-saxons s’efforçant à présent de ne rien dérouler qui puisse heurter, malmener ou surprendre le spectateur. Jamais un conflit, un écueil ou un dilemme n’est greffé à la narration sans qu’une solution lui soit trouvée dans la séquence qui suit son établissement. 

 

The Woman King : photo Lashana LynchImpressionnante Lashanna Lynch

 

Les héroïnes de ce récit peuvent bien être des femmes noires. Le rapport que toutes entretiennent à l’individualité, la réussite et l’affirmation de soi pourrait avoir été emprunté à n’importe quel blockbuster de ces quinze dernières années. Ainsi, le film ne parvient jamais à faire illusion quant à la réalité de sa parure progressiste. Jusque dans ses répliques, l'ensemble offre un sentiment de déjà vu vertigineux. Il n'en est pas une qui ne pourrait être échangée avec les centaines de discours de motivation photocopiés dans des productions désincarnées au cours des trois dernières décennies. "Certaines choses valent qu'on se batte pour elles", nous assène Viola Davis avec la conviction d'un représentant en yaourterie défendant une nouvelle ligne de production de faisselles. Mais à part le dieu dollar, on peine à voir de quoi elle parle.

Et ce n’est pas nécessairement dramatique, The Woman King met également en lumière que ses thématiques se démocratisent assez pour pouvoir être traitées par-dessus la jambe. Reste à savoir si cette proposition, qui n’existe que pour dupliquer le programme de Black Panther, ne perdra pas ses griffes avec les années.

 

The Woman King : Affiche officielle

Résumé

Voué à se perdre dans les abîmes d'une kitscherie grandiloquente dont seuls les Américains sont capables, The Woman King demeure toujours divertissant, en dépit de l'artificialité de son discours.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(2.8)

Votre note ?

commentaires
madamepasdaccord
04/01/2023 à 23:59

en tant que femme j'ai apprécié de voir des corps de femmes qui sortent des stéréotypes, et également l’absence d'un mâle qui en sauverait une ou autre remise à sa place de bobonne... (oui, wonder woman demi déesse qui a besoin de l'aide d'un gentil aviateur virile je m'en suis pas remise- et si c'était la seule !). Rien que pour ça, ce film m'a fait du bien. Ensuite, coté révisionnisme, je trouve qu'on tire facilement sur ce film avec cet argument quand d'autres passent sous le filet... Je ne trouve pas choquant que des noir américains reprennent et mythifient des parts d'histoire d’Afrique quand tant de films ont été faits à la même sauce (voir pire) avec la seconde guerre mondiale par exemple !

????
06/12/2022 à 22:24

Hahaha.

Agodjievi
02/10/2022 à 21:14

Fable guerrière ? Il raconte quoi lui ? Les Agodié ont réellement vécues et font la fierté de mon peuple du Benin (ex dahomey)

Ward
02/10/2022 à 00:55

@Mikator

Revois ton histoire avant de commenter: c est le royaume du Dahomey qui étaient esclavagiste et c est les français et les britanniques qui ont arrétez leurs commerce d esclaves et c est pour ça qu elles ont attaqué les français et…. Se sont fait massacrer!

Ce film essaie de tourner l histoire dans la réalité les esclavagiste c etaient pas les blancs

Sasah
30/09/2022 à 08:16

Cette héroïne à exister dans l'histoire du Dahomey" les amazones du Bénin"l'histoire de l'Afrique de l'ouest
.un beau film

Mikator
30/09/2022 à 02:00

N'empêche que ces fameuses guerrières ont réellement existés au Dahomey, les Mi-no. Elles ont aussi résisté aux armées exclavagistes françaises jusqu'à l'utilisation de mitrailleuses par ces derniers.

Certes romancé ici, avec des costumes trop ethnic-chic et un art martial sûrement sur-estimé. Mais n'en est il pas de même pour bons nombres de nos films historiques...

Babtoubab
29/09/2022 à 21:29

Encore un excellent article comme vous seuls savez les faire, sans parler des commentaires d'historiens maitrisants parfaitement le sujet.. il est vrai que mieux de voir des noirs pauvres ou drogués ou faibles ou incultes ou dépourvu de toutes formes d'intelligence ou de sagesse. Le noir fort, courageux et brave fait peur. Mais préparez vous. L'Histoire a été falsifiée mais la vérité approche à grands pas

W0kistan
29/09/2022 à 12:38

Y'aurait beaucoup de chose à dire sur ce film, mais avec la bien-pensance et la censure qui règne sur ce site, je vais pas perdre mon temps à expliquer ce qui ne va pas, mais vous aurez compris.

souleater34
29/09/2022 à 09:47

Woah! A lire l'article, on le croirait sorti de Télérama ou des Inrocks...Mais quand on apprend que c'est la réalisatrice de la bouse "The old guard" qui s'en est chargé, on craint le pire. Si en plus, il y a du révisionnisme W.OK.E, ça freine d'autant plus. Dommage, j'eusse aimé voir un film de femmes barbares, badass et fières. Hollywood nous impose une fois de plus SA vision du Monde et son préchi précha affligeant

Uleertel
28/09/2022 à 20:01

@rientintinchti2 je ne sais pas si "blanchisé" est le bon terme. Le fait est que les noirs américains pour leur plupart n'ont plus rien à voir avec l'Afrique si ce n'est leur couleur de peau. Pas besoin d'entrainer les blancs là dedans c'est juste un film de noirs non-africains, et comme souvent on a tendance à idéaliser ses origines.

Plus
votre commentaire