I Came By : critique qui tague les nantis sur Netflix

Geoffrey Fouillet | 6 septembre 2022
Geoffrey Fouillet | 6 septembre 2022

Débarquant un peu en catimini sur NetflixI Came By est le nouveau long-métrage du réalisateur d'origine iranienne, Babak Anvari, déjà à l'oeuvre derrière Under The Shadow et Wounds. Né d'une idée que le cinéaste porte avec lui depuis une vingtaine d'années, ce thriller d'inspiration hitchcockienne compte à son casting George MacKay, héros du 1917 de Sam Mendes, et d'autres comédiens britanniques de talent, dont Hugh Bonneville, plus connu pour sa participation à la série Downton Abbey. Alors faut-il y jeter un œil ou non ?

JUGE ET COUPABLE

À Londres, Toby (George MacKay) et son meilleur ami Jay (Percelle Ascott) s'introduisent dans les propriétés luxueuses des plus grosses fortunes de la capitale et marquent les lieux avec le graffiti "I Came By" ("Je suis venu"). Mais lorsque Jay apprend qu'il va être père, Toby doit assumer seul la poursuite de leurs activités dissidentes. Son entêtement le conduit chez Hector Blake (Hugh Bonneville), un juge a priori intègre qui ne lui inspire toutefois que du mépris. Et sans surprise, c'est là que ses ennuis vont commencer.

De prime abord, I Came By se contente de rejouer la partition bien connue de l'arroseur arrosé. On pense volontiers au thriller Don't Breathe - La Maison des ténèbres dans lequel trois cambrioleurs se retrouvaient à la merci de leur victime, un vétéran aveugle armé jusqu'aux dents. Ici, pourtant, l'antagoniste n'a rien d'un boogeyman invulnérable, au contraire, il est tout aussi faillible et imprudent que ses proies, au point de tourner le dos à l'une d'entre elles à un moment donné, lui laissant toute liberté de s'échapper.

 

I Came By : photo, Hugh BonnevilleOn l'appelle "Saint Blake", mais il n'a rien d'un saint

 

Bien sûr, Hector Blake ne manque pas de ressources en bon privilégié qu'il est. Son arme secrète, c'est son réseau de contacts, tout aussi haut placés que lui, ce qui le rend d'autant plus intouchable. En l'état, il lui faut donc compter sur l'extérieur pour continuer de préserver ce qu'il cache à l'intérieur, dans sa maison. Rien d'étonnant de fait à ce que les protagonistes, Toby puis ses proches, cherchent à y pénétrer envers et contre tout, leur seul moyen de confondre le juge étant de s'infiltrer au cœur de son intimité.

Chaque fois que l'alarme anti-intrusion de son domicile se déclenche, Hector Blake en est informé via une application sur son téléphone, d'où une vraie interdépendance entre la maison et son propriétaire. Sa demeure devient ainsi un lieu à élucider, comme une représentation topographique de sa psyché malade. En témoignent le portrait de son père, fièrement accroché au mur du salon, puis son atelier, à la cave, dont il se sert uniquement afin d'assouvir une forme de vengeance personnelle.

 

I Came By : Photo Hugh BonnevilleComme une soudaine envie d'attraper un vase, chacun ses pulsions après tout

 

LA FIN JUSTIFIE LES MOYENS

"Rien n'est vrai, tout est permis", telle est la devise de Toby, inscrite sur le mur de sa chambre. Une déclaration anarchiste que le graffeur considère comme parole d'Évangile, et qui lui vaut, cela va de soi, d'écouter de la musique métal à plein volume (on est rebelle ou on ne l'est pas). Toujours est-il que son credo est l'action de terrain, et c'est en narguant les élites jusque dans leur zone de confort, qu'il se persuade de pouvoir contrer le système.

Le cinéaste en fait à ce titre un personnage constamment en mouvement. Les rares fois où on le voit statique correspondent à des scènes d'observation au cours desquelles il jauge son environnement pour mieux se remettre en marche. En ce sens, il est tout autant un prédateur que l'antagoniste, insoupçonnable aux yeux de la population, non pas grâce à son rang social, mais à sa capacité à circuler d'une sphère à l'autre, gardant un pied dans le camp des nécessiteux et dans celui des nantis.

 

I Came By : Photo George McKay, George MacKay"Je m'étais promis d'arrêter de fumer, et voilà que je recommence"

 

I Came By met ainsi en parallèle l'oisiveté des riches avec la résignation des pauvres. Voir Hector Blake immobiliser ses victimes, en les ligotant ou en les droguant, est une manière de les rappeler à leur précarité, mais aussi de prendre sa revanche sur le passé. De fait, si Babak Anvari s'intéresse bel et bien à la question de la lutte des classes, il se saisit également du conflit intergénérationnel en montrant l'influence que les parents exercent sur leurs enfants, et vice versa.

C'est notamment appuyé, de façon un peu caricaturale, via la relation entre Toby et sa mère (Kelly Macdonald), beaucoup plus passive que son fils. Et pour cause, elle passe le plus clair de son temps soit à écouter ses patients à son cabinet, soit à regarder la télévision dans son canapé. Un comportement sédentaire que Toby réprouve et combat par le graffiti qui, au-delà d'humilier les puissants, a aussi vocation à réajuster ce que l'ancienne génération n'a pas su régler.

 

I Came By : photoAttention, ça va graffer !

 

CONTRE TOUTE ATTENTE

Conscient d'orchestrer un jeu du chat et de la souris somme toute classique, le réalisateur déroute son récit dès qu'il en a l'occasion. La traditionnelle structure en trois actes, scrupuleusement respectée ici, sert alors moins à identifier les étapes-clés du scénario qu'à mettre à mal l'arc des personnages. Autant dire que l'ombre tutélaire d'Alfred Hitchcock et de Psychose, célèbre notamment pour son twist à mi-parcours, plane sur l'ensemble du film.

Babak Anvari assume par ailleurs d'autres références. "J'ai été très inspiré par beaucoup de films sud-coréens, comme Mother de Bong Joon-ho ainsi que Old Boy et The Chaser [...]", expliquait-il lors d'une interview donnée au site Scifinow, et on peut effectivement y déceler quelques similitudes. I Came By parvient à retrouver ce même ton cruel, sadique (le juge affichant un goût manifeste pour la séquestration et la torture), et établit à son tour l'impuissance des forces de l'ordre, confrontées à des protocoles trop rigides ou à une hiérarchie corrompue.

 

I Came By : photo, Hugh BonnevilleQuand l'uniforme ne suffit plus

 

Hélas, malgré ces audaces, le film ronronne à plusieurs reprises, et ce n'est pas la mise en scène appliquée, mais sans éclat, qui peut y changer quoi que ce soit. Reconnaissons-lui néanmoins une certaine malice via l'usage des ellipses – toujours à propos quand il s'agit de différer l'information et de suggérer le pire – ou encore un refus bienvenu du surdécoupage, à plus forte raison lors des scènes de tension, la plupart ayant droit de s'épanouir dans la durée.

On préfèrera aussi voir le verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide face à la conclusion, sans doute un peu frustrante, mais plus amère que prévu. Si le tout dernier plan semble entériner une forme de victoire à travers la réhabilitation du graffiti "I Came By", rien ne garantit que les choses vont changer, et surtout, le mal est déjà fait. C'est cette ambiguïté, symptomatique d'un film cherchant le pas de côté au sein d'un programme trop bien rodé, qui mérite au bout du compte d'être saluée.

I Came By est disponible sur Netflix depuis le 31 août 2022

 

I Came By : Affiche US

Résumé

Si l'emballage n'a rien de très stimulant, I Came By se hisse au-dessus du tout-venant des productions Netflix grâce à son habileté à contrarier certains poncifs du genre. On ne boude pas son plaisir, à défaut de s'enthousiasmer outre mesure.

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commentaires
Bdz
25/11/2022 à 15:34

Hello les pisses vinaigres il faudrait que vous passiez du coté des psychopathes pour apprécier de séquestrer et de dominer des mecs et des nanas qui ne servent à rien sur cette terre
Le film est un régal tant le mal est "propre"

Baba au coca
08/11/2022 à 23:39

Vraiment une grosse perte de temps , film assez merdique on ne connaît rien de la fin
Et où son passez Toby sa mère et l’iranien

Jayjay
15/09/2022 à 22:58

Pas original pour un sou mais prenant. Du Netflix convenable, champ/contre-champ et le moins de décors possible, divertissant et oubliable.

Le Seigneur au pays du wokistan
08/09/2022 à 00:02

Très pompeux, verbeux aucune action et beaucoup d'invraisemblance c'est vraiment pas terrible

hanni_84577
07/09/2022 à 17:56

En voilà un super bon film que j'ai vu hier soir.... avec des évènements qui détonnent de ce que l'on peut voir habituellement... bien sur il y a quelques petites choses qui ne sont pas prisent en profondeur mais l'ensemble est passionnant !!! à voir !!!!!!!

Roselyne B.
07/09/2022 à 13:15

est ce que c'est mieux que "échos" avec les jumelles qui est sortie genre en même temps ou une semaine avant ?

car j'ai pas du tout accroché a cause de la réal de premier épisode, sans être péjoratif tous les code du téléfilm M6 de l’après midi était sous mes yeux...

si la réal est du même accabit içi cela est inquiétant

Steph
07/09/2022 à 09:27

Vu la semaine dernière, encore une fois Netflix fait très bien la promo de ces productions. Super alléchantes sur le papier, les premières demi heures sont assez prenantes et puis ensuite c est tiré par les cheveux pas de cohérence pas de réponses aux questions posées.

Loozap
06/09/2022 à 22:29

C'est incroyable ce que je vois là. Seulement à regarder les photos j'ai tellement envie de le voir

Morcar
06/09/2022 à 18:49

@Mooky, j'ai mis quelques minutes à retrouver où je l'avais déjà vu, mais c'était dans "Coup de foudre à Notting Hill", dans lequel il joue le frangin un peu maladroit de Hugh Grant

Petite note
06/09/2022 à 17:39

La phrase "Rien n'est vrai, tout est permis" est loin d'être anodine, c'est une citation de Nietzsche dans la "Généalogie de la morale" souvent reprise (et transformée, par ex : "Tout est faux, rien n'est permis") par W.S Burroughs dans plusieurs de ses romans, ce qui donne une idée claire de la philosophie de Toby.

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