Downton Abbey 2 : Une nouvelle ère - critique d'une bande d'aristos

JL Techer | 8 novembre 2022 - MAJ : 10/11/2022 19:19
JL Techer | 8 novembre 2022 - MAJ : 10/11/2022 19:19

Après six saisons variant entre le très bon et le assez sympa pour passer un bon moment, Downton Abbey s'était achevé sur un final doux amer, mais satisfaisant. La famille Crawley avait fait son retour avec un film pseudo conclusif totalement dispensable en 2019, que tous les fans auraient préféré oublier. De retour au cinéma avec ce Downton Abbey 2 : Une nouvelle ère, Julian Fellowes apporte-t-il un vrai point final à sa saga ? Ou est-ce l'épisode de trop ?

comme au bon vieux temps

L'ancien majordome de la famille Crawley, Charles Carson (le toujours excellent Jim Carter) est assis au bout de la table de la cuisine, domaine du personnel de Downton Abbey. Le visage grave, le regard noir, accablé par le poids de l'âge et de ses longues années de labeur, il se souvient des épreuves traversées.

Dans un lent travelling avant, la caméra s'avance vers lui, effaçant par la même occasion tout le monde extérieur, consolidant le sentiment de solitude propre au personnage. De sa voix caverneuse, il déclame un extrait du Roi Lear de Shakespeare : "Vents, soufflez à crever vos joues ! Faites rage ! Soufflez ! Cataractes et ouragans...".

 

Downton Abbey 2 : Une nouvelle ère : photo"J'inspire, Shakespeare..."

 

Le choix du Roi Lear n'est bien sûr pas innocent, Julian Fellowes, créateur de Downton Abbey et oscarisé pour le scénario de Gosford Park, connaît ses classiques. La pièce de Shaskespeare conte la vie et la déchéance du Roi de Bretagne et de ses trois filles. Le parallèle avec la série Downton Abbey est si évident qu'il en est presque grossier. Lord Grantham, ce bon Hugh Bonneville, est le patriarche qui règne Downton, et a lui-même trois filles (Mary, Edith, et feue Sybil) et lui aussi a dû faire face à bien des ouragans. 

Cette scène à elle seule semble porter l'envie de Julian Fellowes pour la saga Downton : en faire une tragédie shakespearienne de l'entre-deux-guerres. Violence, trahison, viols, procès, les pires tumultes ont secoué le quotidien de la famille Crawley au cours des six saisons de la série télé. Des vagues quasi ininterrompues d'emmerdements qui rendaient le show presque hypnotique par moments. Pour le premier film Downton Abbey, tout cela était retombé à plat, tout paraissant trop facile. Malheureusement, c'est également le cas pour cette promise "Nouvelle ère".

Downton Abbey 2 : Une nouvelle ère : photo"On dirait que ces saligauds d'Ecran Large vont critiquer notre film"

 

Downton Abbey sur Mer

Pour cette Nouvelle Ère promise, Julian Fellowes catapulte la haute société de Downton en 1928, un an après les événements du précédent film. La famille Crawley célèbre le mariage de Tom Branson (Allen Leech) et de sa nouvelle compagne Lucy Smith. Une union célébrée et expédiée en quelques scènes qui confirment que Tom est maintenant bel et bien un Crawley à part entière. Il était temps.

Lady Violet, campée par la toujours excellente Maggie Smith, reçoit un étrange courrier lui apprenant qu'elle a hérité d'un manoir dans le sud de la France. Une demeure que lui aurait léguée par le Marquis de Montmirail, officiellement sans lien avec le Godefroy des Visiteurs, et qui officieusement aurait pu entretenir une liaison, crapuleuse ou non, là sera la question, un demi-siècle plus tôt avec la Lady alors à peine mariée.

Dans le même temps, Lord Grantham est sollicité par un réalisateur américain qui souhaiterait tourner son prochain film à Downton. Une proposition indécente que le Lord finit par accepter à contrecoeur, car le château a plus que besoin de coûteux entretiens. Mais cela au prix de l'invasion du Saint des Saints par une équipe de tournage et des acteurs aux antipodes du milieu huppé aristo-monarchique. 

 

Downton Abbey : Une Nouvelle Ère : photo, Allen Leech, Tuppence MiddletonUn seul mariage pour une lune de miel

 

Force est de constater que malgré quelques déboires pas bien méchants, tout est plutôt rose chez les Grantham. Le film se déroule comme du papier à musique, et les enjeux sont si peu cruciaux qu'il est difficile d'y accorder grande importance. Certains problèmes de la série ont même été cachés sous le tapis, par exemple la maladie de Parkinson de Carson passée aux oubliettes.

Reste alors le casting pour se consoler, présent dans sa quasi-entièreté (bien que Henry Talbot soit aux abonnés absents). Si les fidèles seront ravis de retrouver Anna, Bates et consorts, il est bien difficile de se laisser embarquer dans ces deux heures de récits assez fades, à peine soutenu par la réalisation plate de Simon Curtis.

Le sel du film ne provient que de la scission géographique de la famille, à défaut d'être idéologique, ce à quoi Fellowes avait pourtant habitué le public. Une partie devant partir en quête des secrets de Lady Gratham dans le sud de la France, l'autre gérant une équipe de cinéma au château. Une double dynamique qui marche plutôt bien au format série, mais qui ici tombe à plat, la faute à un format cinématographique mal digéré.

Et c'est bien là le problème : le regard que porte Fellowes sur le cinéma laisse dubitatif.

 

Downton Abbey : Une Nouvelle Ère : photo, Harry Hadden-Paton, Tuppence Middleton, Allen Leech, Laura Carmichael"Auteuil, Neuilly, Passy, tel est notre ghetto"

 

cinéma mon amour (ou pas)

Outre la fausse énigme du "Lady Violet a-t-elle fauté, avec un sagouin de français de surcroît ?", dont l'issue est évidente, le véritable attrait de ce Downton Abbey 2 se situe dans son film dans le film. Jack Barber, réalisateur américain star du muet, et sa clique d'acteurs angoissés et pénibles doivent faire face au changement et au succès de cinéma parlant. Julian Fellowes et Simon Curtis livrent alors un écho flagrant à Chantons sous la pluie, certaines scènes copiant si allègrement ce modèle qu'il est ardu de définir la limite entre l'hommage et la parodie.

Julian Fellowes semble jouer avec ces films poupées russes pour montrer à quel point il est lui-même tiraillé entre la volonté et la nécessité d'évoluer, de devoir transformer sa saga en longs-métrages, et l'époque bénie où les séries avaient un début et une fin, sans obligation de cliffhanger ou d'action spectaculaire. Son regard sur le cinéma est celui d'un homme à la fois désabusé et résigné, ce qui finit par laisser au spectateur une sensation douce-amère, car son propre film sonne presque comme un testament, voire comme un aveu d'épuisement.

 

Downton Abbey 2 : Une nouvelle ère : photoC'était mieux avant (c'est faux)

 

Dès lors, l'appellation même de "Nouvelle Ère" se met à sonner faux. Il n'y a pas ici d'évolution. Quand bien même il existe un passage de flambeau symbolique entre deux figures majeures de la saga, ce second film n'est pas le passage vers un renouveau, mais plutôt vers un recommencement. Un éternel retour au même pétri de nostalgie, qui se repose bien trop sur les acquis de la saga pour pouvoir prétendre avancer vers de nouveaux horizons. Et il semble évident que Fellowes n'en a aucune envie.

Se pose alors la question du pourquoi ? Quel intérêt y avait-il à ramener ce casting, brillant au demeurant, pour faire subir à ces personnages si attachants un semblant de suspense doublé d'une comédie maladroitement mise en scène ? D'aucuns diront que comme Lord Grantham, ce sont les sirènes des finances cinématographiques qui auront eu raison des velléités de l'auteur. Une ultime mise en abyme pour un spectacle qui n'est ni désagréable ni réjouissant, et bien plus mélancolique qu'il n'y paraît.

 

 

Downton Abbey : Une Nouvelle Ère : Affiche française

Résumé

Ce second point final à la saga Downton Abbey a un arrière-goût d'épisode de trop. S'il est plus que plaisant de retrouver le casting de la série, une fois encore, le passage du petit écran au grand, qui avait déjà été laborieux pour le premier film, Downton Abbey 2 : Une nouvelle ère ne fait que confirmer que la saga aurait dû rester une série.

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commentaires
Nanoutarn
02/02/2024 à 16:11

On aurait pu se dispenser de ce dernier film, qui déroute ... personnages et situations qui se déroulent au tout début de la série ... mais avec leurs enfants qui ont grandi, (?) on n’y comprend rien, dommage ! Je suis d’accord pour dire qu’il valait mieux faire un épisode de plus. Sinon, les 6 saisons sont remarquables (excepté 2 épisodes sans intérêt).

Tophyze
10/11/2022 à 12:49

Niveau box-office mondial, cela a donné quoi ? Aura-t'on droit à un troisième opus ?

Mary 41200
06/07/2022 à 18:50

Moi perso j'ai adoré le 2e film.

Geoffrey Crété - Rédaction
06/07/2022 à 17:02

@Mr. Agacé

Avec cette logique, devrait-on vous dire de créer un site de critique cinéma, et faire notre métier mais en mieux, au lieu de venir ici nous critiquer en disant qu'on critique trop ?
Si la critique est inutile et amertume, quid de votre critique énervée et un peu amère, et du temps consacré à venir commenter pour nous dire de nous taire car c'est une perte de temps ?
On préfère largement vous dire que tout le monde bien peut penser ce qu'il veut. Vous avez aimé ce film ? Super, j'en suis hyper heureux. Nous, on l'a trouvé raté. C'est la vie, on survivra tous et toutes je pense. On peut même débattre comme des gens civilisés, sans amertume. De notre côté, il n'y en a aucune.

Simon Riaux
06/07/2022 à 16:53

@Mr. Agacé

Non, on aime bien critiquer.

Mr. Agacé
06/07/2022 à 16:48

Au lieu de critiquer, écrivez des scenari et constituez une équipe pour les concrétiser au lieu de perdre votre temps, et le nôtre, à griphoner cette amertume qu'on appelle la critique. Les critiques sont les inutiles de l'art qui sont incapables d'en faire.

Chriscoty
06/07/2022 à 07:55

Ce film m a déçu. Downton Abbey devrait rester une série. La vision des français par les britanniques dans ce film est décevante, de même que le rôle descerne à Nathalie Baye, grimee en mégère acquariatre .

Titan
06/07/2022 à 03:00

J’ai adoré les deux films

myrtille
05/07/2022 à 17:07

Les réparties humoristico-cinglantes typiquement anglaises -et pas si flegmatiques que ça-
me font toujours mourir de rire ! c'est d'ailleurs pour l'écriture que ces 2 films sont si jouïssifs !
Et ce monde d'aristos oisifs et bien-pensants surannés est si drôle et ....si dépassé !
Pour moi, les 2 films sont une réussite, il ne faut pas les critiquer gratuitement, cela est bête et
méchant !!

Cricri
05/07/2022 à 00:40

Autant j'avais apprécié le 1er film, autant celui-ci m'a laissée perplexe. C'était d'un ennui, c'était faire un film pour faire un film. J'aurais préféré une saison de plus pour la série.
Et une question Que vient faire Nathalie Baye dans cette galère ? Son mini rôle n'avait aucun attrait.

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