Loin du Périph : critique en cellule de dégrisement sur Netflix

Simon Riaux | 6 mai 2022 - MAJ : 06/05/2022 22:24
Simon Riaux | 6 mai 2022 - MAJ : 06/05/2022 22:24

Si on pouvait légitimement espérer, dix ans après les méfaits de son duo d'enquêteurs trépanés, échapper à une suite, il semblerait que le cinéma français, lui, n'en avait pas fini avec nous. Voici donc, débarquant tout girophare dehors Loin du Périph, menotté à Netflix, réalisé par Louis Leterrier et mené par le duo Omar Sy-Laurent Lafitte. Heureusement, nous avons le droit de ne pas garder le silence.

KEUF ME HARD

Peut-on réanimer un scénario victime de mort cérébrale, et dont les organes vitaux ont été manifestement mastiqués des mois durant par quelque criminel profanateur ? C'est peut-être la question à laquelle a tenté de répondre le réalisateur Louis Leterrier, tant le matériau qu'il porte devant sa caméra s'approche d'une conception délictuelle du cinéma.

La production hexagonale n'aura que rarement considéré la comédie policière, ou le buddy movie, comme des recettes dignes d'être concoctées avec finesse, mais quand il adjoint à son je-m'en-foutisme un assaisonnement politique frelaté, le résultat est l'équivalent dramaturgique d'un encadrement policier de manifestation parisienne.

 

Loin du Périph : photo, Laurent Lafitte, Omar SyLa fuite des cerveaux

 

Passons sur la structure benête de cette intrigue, qui n'a en vérité pas d'autres fonctions que de servir ses personnages en situations outrées, en rebondissements rigolards ou en surprises variées. Ce qui laisse pantois dès l'ouverture du métrage, c'est l'indigence de ses dialogues. Oscillant entre célébrations de l'arythmie et mollesse spectaculaire, on peine bien souvent à croire qu'un être humain les a écrit autrement que sous la torture. Mais c'est lorsqu'ils tentent de donner une teinte sociale, de faire passer au spectateur des messages moins délicats qu'un lifting à la disqueuse, qu'il s'engouffre dans un abîme de nazerie.

Il faut voir la quasi-intégralité des personnages se vautrer dans un racisme fantasmatique pour bien saisir avec quelle morgue Loin du Périph entend faire la leçon au public. Et quand Ousmane (Omar Sy) s'empare des situations que l'histoire dispose artificiellement sur les pas de son personnage, pour livrer d'improbables sermons, parfois totalement extérieurs au déroulé du récit, la sidération règne. Sidération d'autant plus puissante que le film entend révéler l'abjection morale des français et de leurs institutions, il le fait en les parant des atours de l'alt-right américaine (jusqu'à reproduire dans son climax les accoutrements des émeutiers du Capitole. A moins que cette incurie ne révèle en fait une oeuvre plus conséquente, inquiète d'une dégénérescence synaptique plus profonde de nos contemporains. Mais on en doute.

 

Loin du Périph : photo, Laurent Lafitte, Omar SyVous êtes en état de défenestration

 

THE PROVINCIAN

Quand il ne s'inquiète pas d'élever les faibles âmes de ses concitoyens arriérés, Sy se retrouve face à Laurent Lafitte et heureusement, malgré des dialogues toujours embarrassants, le duo retrouve une belle alchimie, plutôt renforcées par les années. Se rapprochant d'un couple un peu trop ronflant, soudain énergisés par la rémanence d'un vieux souvenir, les comédiens trouvent même une mélodie crâneuse qui leur sied, et sauve parfois des séquences dont on priait quelques secondes plus tôt pour qu'elles aient la décence de ne pas s'éterniser.

Mais c'est au réalisateur Louis Leterrier qu'on doit au film de sortir fréquemment de la léthargie vers laquelle il tend initialement. Artisan toujours efficace quand il est question de greffer du divertissement à un canevas soporifique, il est de ces rares techniciens qui seraient capables d'extraire le substantifique fun d'un traité de thanatopraxie. Comme à son habitude, il parvient, ne serait-ce que par le montage, à injecter un sens du rythme salvateur, jusque dans des dialogues mollassons. Mais surtout, il se marre comme un gosse en expérimentant une technique aux applications récentes, encore balbutiante en France.

 

Loin du Périph : photoBéton armé

 

Le metteur en scène use dans plusieurs scènes des techniques de projection perfectionnée sur le tournage de The Mandalorian, pour remplacer fonds verts et décors traditionnels. L'usage en est ici parfois approximatif, ou plutôt techniquement grossier, mais offre au récit autant d'opportunité de se dynamiser terriblement, et aux situations de renouveler leur mise en forme.

A cela s'ajoute un désir évident d'inscrire une comédie épaisse dans la veine bouffonne d'un Michael Bay, dont il cite ou recycle quantité de petites dingueries venues de Bad Boys II. Jamais avec le même degré d'intensité et sans doute trop rarement, mais cette décontraction adolescente, et cette inconséquence bourrine quand il s'agit de traiter la violence assurent au moins à Loin du Périph de surprendre un peu, et d'afficher une relative singularité, quand elle manque aux projets de ce type en France.

Loin du Périph est disponible sur Netflix depuis le 6 mai 2022

 

Loin du Périph : Affiche officielle

Résumé

Loin du Périph ressemble souvent plus à une séquelle qu'à une suite, tant son écriture s'avère désolante. Heureusement, l'énergie de ses comédiens et de son metteur en scène permettent au spectateur asphyxié de retrouver des couleurs.

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Lecteurs

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commentaires
Dsluc
08/06/2022 à 23:02

Assez débile dans son scénario opportuniste et dans ses répliques bas de la ceinture, le film se sauve sur sa réalisation énergique (ab)usant des plans drones (Michael Bay a trouvé son maître) et sur son duo d'acteur sympathique. Le côté antipathique de Lafitte lasse au bout d'un moment quand même.
Je reste étonné que Simon Riaux n ait pas fait de remarque sur le côté homophobe de certaines scènes. Il l'a pourtant parfois relevé pour moins que ça. Après... les films qui se disent ouverts d esprit sur la diversité mais non regardant sur l'homophobie... c est assez courant dans le cinéma français.

Latristesse du cinéma
22/05/2022 à 09:11

Une bouze sans nom !
Leterrier s'est évidemment "inspiré" des effets neon de bad boy 3..ça pique les yeux.
Honnêtement, ce genre de film doivent être boycottés au maximum, c'est pas possible un tel niveau de nullité.
Affligeant...et Riaux qui met 2,5 sur 5 évidemment...
Ça mérite pas plus qu'un 0,5 sur 5...pour l'encre...

mozzarello
12/05/2022 à 10:01

grosse déception, n'égalera pas le premier en terme d'effet comique, c'est du réchauffé !

Maxime
10/05/2022 à 10:04

On tombe vraiment bas.
C'est nul, mal joué, une intrigue bidon, bourré de clichés....On s'ennuie pendant 2h.
Un des plus mauvais film de 2022.
Une honte....

Sk.
09/05/2022 à 17:47

Pire film que j'ai vu cette année, et j'ai vu Moonfall

Ded
09/05/2022 à 11:45

C'est un peu Starsky et Hutch au pays des faschos. Il faut reconnaître que le duo fonctionne plutôt bien. En tout cas, eux, se sont beaucoup amusés, semble-t-il. Et leurs joutes oratoires m'ont souvent amusé. Pour le reste...

Trox 6
08/05/2022 à 19:21

Cette phrase m’a tué, j’ai fait un arrêt cardiaque rétinien : ”Artisan toujours efficace quand il est question de greffer du divertissement à un canevas soporifique, il est de ces rares techniciens qui seraient capables d'extraire le substantifique fun d'un traité de thanatopraxie”.
Le type qui a écrit cette phrase devrait immédiatement se rendre à papetee et s’envoyer un Martini dry !

Hg
08/05/2022 à 18:05

10 mns et j'ai changé. Vraiment pas terrible

Ahahah
08/05/2022 à 17:02

Moi je vois surtout l'affichage dans ce films de la vérité du racisme quotidien qui a poussé à l'émergence d'un Zemmour et le parallèle est d'autant plus troublant et bien mené que ce film a sans doute été tourné bien avant la campagne électorale.
Navet sans doute mais ça touche beaucoup de point de la vérité quotidienne !!!

Aucun
08/05/2022 à 16:04

Rien à rajouter, tout est dit dans les autres commentaire...Pourquoi Izia se corrompt-elle encore là.. Pas assez de pognon sans doute..

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