Un talent en or massif : critique méta-Cage

Mathieu Jaborska | 18 avril 2022 - MAJ : 19/04/2022 18:18
Mathieu Jaborska | 18 avril 2022 - MAJ : 19/04/2022 18:18

Véritable monstre de cinéma qui a écumé aussi bien les décors de drames à Oscars que les studios d'animation, les explosions des productions Bruckheimer que les séries B fauchées, les cérémonies de récompenses que les pages de mèmes, Nicolas Cage s'attaque cette fois à son propre mythe dans la comédie Un talent en or massif, où il joue... Nicolas Cage. Un programme plus qu'alléchant.

La race des champions

"Je n'ai jamais rien fait à contrecoeur" se défendait l'acteur au micro de GQ, évoquant certains des gros navets dans lesquels il a tourné, la plupart du temps pour régler ses dettes et aider sa mère. Qu'il cabotine dans une bisserie douteuse ou se morfonde dans une balade mélancolique de la trempe du génial Pig, il n'a en effet jamais cédé au cynisme, contrairement à nombre de ses contemporains. Habité par une passion communicative, qui explique en partie la sympathie qu'il inspire, il persiste à affirmer ses influences expressionnistes (Le Cabinet du docteur Caligari, l'une de ses oeuvres préférées, est cité dans le film) et à s'impliquer dans le moindre de ses projets.

Une hargne cinématographique unique, qu'Un talent en or massif transforme en sujet d'étude. Nicolas Cage y joue Nick Cage, savant mélange de l'acteur et de l'image qu'on se fait de lui. Omnubilé par des rôles qu'il n'arrive même plus à décrocher, il songe sérieusement à arrêter sa carrière. Son chant du cygne sera une apparition à l'anniversaire d'un milliardaire aux activités douteuses. Sauf que la CIA l'intercepte avant pour lui faire jouer les espions amateurs et lui donner une dernière occasion de briller.

 

Un talent en or massif : Photo Nicolas CageLe dernier des templiers

 

Un scénario prétexte à une véritable exaltation du génie cagien, qui réside autant dans son talent brut que dans son enthousiasme, à la fois sa plus grande qualité et son plus grand défaut. Coincé entre l'amitié qui le lie à son employeur, interprété par un Pedro Pascal très à l'aise dans la peau d'un fanboy un peu naïf, et ses missions d'espionnage, il se retrouve esclave de ses passions. En passe de laisser tomber la comédie, il se retrouve à jouer deux rôles bien distincts : celui qu'il compose de toutes pièces avec son pote et celui que lui assigne la CIA. Même en congés sabbatiques et potentiellement définitifs, Nicolas Cage ne peut s'empêcher de faire du cinéma.

L'honnêteté du postulat fait assez vite oublier son statut de ricanement post-moderne, de farce méta telle qu'il en pullule désormais dans les multiplexes. Pour peu qu'on soit attaché à la figure de Cage (et nos lecteurs savent que c'est notre cas), impossible de ne pas être attendri par l'exercice, qui vire même à l'introspection psychanalytique par moments.

Non content de revisiter aux côtés de son compère sa carrière, il interagit, via un lifting numérique, avec le lui des débuts, le comédien jeune et fou qu'on a découvert dans les films de Coppola (crédité au générique comme Kim Coppola, son vrai nom), déterminé à emmerder les partisans du method acting et au coeur d'innombrables légendes urbaines. L'occasion pour lui de donner à voir l'évolution de son jeu, qui a perdu en fougue juvénile ce qu'il a gagné en versatilité et même parfois en sobriété, sans se priver de s'autoparodier.

 

Un talent en or massif : photoFamily Man

 

Les associés

Du pain béni pour les aficionados du comédien, auxquels le film est intégralement dédié. Véritable friandise pour toute Cage-zouz qui se respecte, Un talent en or massif déballe son hommage avec un plaisir non feint, grâce au fanatique fébrile campé par Pedro Pascal. De Peggy Sue s'est mariée et Leaving Las Vegas à Mandy, en passant par Sailor et Lula, Volte-face ou même Embrasse-moi vampire et Un ange gardien pour Tess, le film regorge de renvois, de clins d'oeil, voire de pastiches de sa filmographie.

Pas question cependant de se contenter de cet étalage de fan-service attendu : Tom Gormican et Kevin Etten prennent bien soin de laisser le maximum de latitude à l'acteur, dans l'espoir de provoquer les instants de bravoure qui ont fait sa renommée. Ils lui offrent des répliques absurdes, quelques scènes mouvementées, un déguisement pas piqué des hannetons, des élans d'héroïsme et le bourrent de toutes les drogues possibles, entrainant inévitablement quelques pétages de câble savoureux.

 

Un talent en or massif : Photo Nicolas Cage, Pedro PascalThe Runner

 

Logiquement, à force de laisser toute la place à la personnalité hors norme du maestro et au culte qu'il inspire chez la plupart des personnages, le reste du long-métrage se contente du service minium, avec sa photographie estivale et sa mise en scène académique. Quand il ne philosophe pas malgré lui sur le mythe qu'il a lui-même créé – de loin la partie la plus intéressante du film – Nicolas Cage se laisse entraîner dans un buddy movie léger et surtout très inconsistant, qui se borne à l'emmener où les scénaristes le veulent, jusqu'à un climax de fait plus réglementaire que spectaculaire, mâtiné d'un twist peu inspiré.

La Cagesploitation à son paroxysme, en somme. Dans le genre, il s'en tire évidemment bien mieux que certaines catastrophes récentes (le très fatigant Willy's Wonderland, qui prétendait déchainer la folie de Cage... sans lui donner de dialogue à jouer), mais reste un peu trop dévoué à son concept pour le dépasser. Faute de gags inventifs (le muret, encore ?), il manque le coche de la célébration cagienne ultime pour devenir une pastille introspective anecdotique, quoique sincère, qui satisfera sans aucun doute ses plus fervents fidèles. Mais pas forcément les autres.

 

Un talent en or massif : Affiche française

Résumé

Votre dose annuelle de Cage-porn, avec en prime une introspection assez fascinante de la part de l'acteur. Le tout dans un écrin narratif et technique qui tient du prétexte et lassera vite les étrangers à la secte.

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Lecteurs

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commentaires
Dr.ik
03/05/2022 à 23:15

Sans être un cage zouz, même si j aime bien l acteur et compris les gros clins d œil, j ai bien aimé ce film. Je l ai trouvé bien barré! Entre "dans le peau de John M" pour son côté absurde, taré et JCVD pour le côté plus réaliste de l histoire. Il se joue de lui même, fais du Cage à outrance. Son lui rajeuni imaginaire offre des moments bien tripés... Oh cette pelle... et ce trip sous LSD.... pourtant j étais pas sur d aimer au début. J avais peur de pas crocher, un peux dérangé par le côté vrais/faux du film. Mélange du cage représentatif et du vrais lui. J ai été très mal à l aise avec certaines séquences du début. Puis après je me suis laissé aller dans les outrances de ce film, je l ai pris comme un gros délire... et cette mise en abimes sur plusieurs niveau j ai trouvé très astucieux.

The insider38
20/04/2022 à 10:03

Grosse hype pour ce nouveau Nic cage. Tout simplement fun , mise en abîme réussi, on ne s’ennuie pas . J’en redemande !!

PSEUDOUDOU
20/04/2022 à 01:11

Vous forcez de ouf avec cet acteur là...

Bob nims
20/04/2022 à 00:36

Vu et globalement déçu c'est dommage j'en attendais tellement mais le scénario mon dieu et willy wonderland joue bien mieux avec le mythe de cage que ce film

L'autre
19/04/2022 à 09:44

Je me revendique "Cage zouz " avec plaisir ! J'ai hâte de voir ça !

Redwan78
18/04/2022 à 23:18

Je crois qu'on est bien content de le revoir. Un acteur charismatique et qui est capable de tout. C'est le problème de pas mal de films actuels,les acteurs sont trop lisses. Nicolas Cage degage une folie qui nous manque. Je l'adore cet acteur.

Nicco
18/04/2022 à 17:14

*beta

Non justement et c'est pour ça qu'il a tourné dans énormément de navets ces derniers temps. Ca lui a permis d'éponger ses dettes.

beta
18/04/2022 à 13:53

Nicolas cage est aussi un méga riche hein

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