Metal Lords : critique heavy méthane sur Netflix

JL Techer | 8 avril 2022 - MAJ : 08/04/2022 17:08
JL Techer | 8 avril 2022 - MAJ : 08/04/2022 17:08

Conçu par les producteurs de Game of Thrones, avec la caution morale de Tom Morello, guitariste légendaire de Rage Against the Machine, Metal Lords tente de mettre une grosse couche de heavy metal sur une tartine de comédie adolescente générique made in Netflix. Entre clichés lourdingues et pseudo esprit de rébellion faussement contestataire, critique de la heavy comédie de Netflix.

Heavy school musical

Un ampli à lampes crache un riff syncopé par ses haut-parleurs, un rack de pédales d'effets avec trop de pédales pour un seul pied trône au sol, les posters de Holy Diver de Dio, de Vulgar Display of Power de Pantera, de Blessed are the sick de Morbid Angel ornent les murs. L'antre de Hunter Sylvester (Adrian Greensmith) ressemble au repère fantasmé d'un metalhead pré-adulte. Cheveux longs, rangers, jean déchiré et veste à patchs, au premier coup d'oeil on se doute que cet ado n'écoute pas Aya Nakamura (sauf en cachette). 

Son repère est le lieu idéal pour qu'un duo de lycéens mal dans leur peau crée un groupe se dirigeant droit vers le panthéon de la musique. Pas de pop, pas de hip-hop : dans leurs veines coule le heavy metal (ou en tout cas dans les veines d'Hunter). Hunter, à la guitare et au chant, secondé par Kevin Schlieb (Jaeden Martell), son compère, binôme et meilleur ami à la batterie, forment les SkullFucker, un groupe en quête d'identité, de gloire et de reconnaissance. 

 

Metal Lords : Photo Jaeden Martell, Adrian GreensmithLes futurs Darkthrone (non)

 

L'occasion de briller se présente bientôt : le "battle of the bands" du lycée, où ils seront confrontés à un groupe de reprises d'Ed Sheeran, autant dire la némésis absolue de celui qui ne vit que pour le Metaaaaaal. Mais plusieurs problèmes se dressent sur leur autoroute vers l'enfer : la quête d'un(e) bassiste, et un tas d'emmerdes adolescentes, des relations familiales au harcèlement scolaire en passant par les premiers émois sexuels. 

Les émois sexuels et la quête de bassiste trouveront leurs résolutions grâce à Emily (Isis Hainsworth), jeune femme rongée par des problèmes de colère (anger issues). Pour le reste, Metal Lords use les tropes du teen movie musical, avec une progression par étapes prévisible, sans aucune inventivité. Car malgré les posters, les t-shirts, et des références à la culture metal, le film de Peter Sollett (Free Love) n'est pas ce qu'il voudrait faire croire au public. 

Certes, Metal Lords assène une bande-originale métallique au possible, en balançant du Black Sabbath, du Judas Priest ou du Metallica. Le heavy metal semble être partout... mais en réalité tout cela n'est qu'une énorme illusion. Un vaste mirage destiné à tromper les metalheads sur la qualité de la marchandise, ou à se mettre dans la poche des ados en manque de rébellion avec un cynisme éhonté. 

 

Metal Lords : Photo Isis HainsworthOn dirait pas comme ça, mais c'est elle la vraie métalleuse

 

Use Your Illusions

Tout cet emballage n'est là que pour donner une couleur différente aux sempiternelles mêmes comédies grand public. Qu'on ne s'y trompe pas, il n'y a dans Metal Lords aucune sincérité. Le film n'est en réalité qu'une comédie générique pour ado dénuée de personnalité, sur laquelle les producteurs ont appliqué un enduit "Metal". Le metal est utilisé ici comme une couche de maquillage pour rendre ce teen movie soi-disant "unique". L'enduit aurait pu être une surcouche de hip-hop ou celle d'un énième concours de chant réchauffé cent fois, rien n'aurait changé. 

Alors que le metal aurait dû être le coeur palpitant du film, il n'est qu'un prétexte et provoque le même effet malaisant que de voir Kendall Jenner et Kylie Kardashian porter des T-shirts à l'effigie de Slayer. Remplacer l'OST par des classiques du WuTang, de Dre et de Tupac, corriger les posters par des icônes du rap 90's, l'appeler "Hip Hop Lords" et la sauce aurait été la même. Metal Lords est à des années-lumière de l'inventivité presque juvénile d'un La folle journée de Ferris Bueller ou même de la verdeur décomplexée de Pitch Perfect

 

Metal Lords : Photo Adrian GreensmithL'art de maquiller un film

 

Une fois la première peau typée "metal" de cet oignon filmique enlevée, il ne reste que les sempiternels mêmes enjeux revus des milliers de fois dans la masse des teen-movies américains génériques produits pour atterrir sur des chaines grands publics un après-midi de vacances scolaires. Les relations parents-enfants ne sont qu'évoquées, les problématiques de questionnements sexuels et la gestion du système de caste endémique aux lycées... Un fumet de déjà-vu flotte autour de ce produit surcalibré. 

Tous ces thèmes puent le recyclage maladroit et souffrent du syndrome du traitement par des adultes ayant oublié leur adolescence. Les souffrances sont identifiées comme minimes, le regard porté par le réalisateur sur la période transitionnelle entre enfance et âge adulte est d'une condescendance éhontée, et pire encore, le mal-être des personnages n'est considéré que comme passager, tout comme l'est leur lubie du metal.

Et c'est là que le film touche le fond du gouffre : il rabaisse l'amour de la musique et la passion du metal à une phase transitoire, symptôme de malaise adolescent et de soif de rébellion due à une immaturité émotionnelle. Metal Lords conchie la culture metal, et ne s'approprie ses codes que pour livrer un produit commercial décérébré se moquant du public qu'il dit viser.

 

Metal Lords : Photo Adrian Greensmith"Mais si c'est metal, il a une veste à patchs" - les producteurs

 

Blague Metal

Le film se trahit lui même quand Hunter explique qu'il monte un groupe afin d'avoir du succès, car "le metal va revenir à la mode" ("heavy music is gonna rise up" en VO). C'est là la raison d'être de l'hypocrite Metal Lords : se placer sur un créneau qui n'est pas encore saturé de productions clonées les unes sur les autres, en espérant toucher le coeur, ou plutôt le portefeuille d'un public en manque de productions métalliques. Qu'importe la passion, tant qu'elle peut rapporter gros. 

Le film se moque royalement du spectateur, et conchie toute forme d'intelligence chez le public, plus encore chez le public metalleux. Ici tout n'est que dédain pour le heavy metal, et rien ne résiste à l'examen de l'oeil du passionné, qui se sentira insulté de bout en bout. Le duo Hunter/Kevin qui déclare faire du "post-death-doom metal", alors que Skullfucker est un groupe de thrash metal. Autant dire que Vianney fait de l'indus. Pour finir le tableau du cliché ambulant, Hunter joue un personnage de Donjons et Dragons appelé "Malmsteen of Gorgoroth"... Merci pour la blague Peter Sollett, il ne fallait pas.

 

Metal Lords : Photo Jaeden MartellWhiplash version Leader Price

 

Empêtré dans ses propres clichés nauséabonds, le film dégueule de malhonnêteté intellectuelle, se tortille et tente de se démener avec un scénario téléphoné, mal mené, qui ne tient un tant soit peu que grâce au trio de jeunes acteurs centraux. Trio qui ne doit sa crédibilité et son alchimie qu'à la brillante Isis Hainsworth, dont le personnage d'Emily, avec sa mutation de jeune fille sage en metalleuse fan d'Apocalyptica aurait pu, voire dû, tenir à elle seule tenu un métrage qui aurait été mille fois plus intéressant.

En 1h38 de film, Metal Lords ne produit qu'un seul moment vraiment "Metal" : lors de la battle band final, Hunter, emporté par l'adrénaline et l'énergie dégagée par le mosh pit du public, s'élève au-dessus de la scène, transcendé par la musique. Dommage que cette seule réussite ait été honteusement pompée sur la mise en scène de Rocketman. Et non, les caméos de Rob Halford, Tom Morello, Ian Scott et Kirk Hammett ne sauvent strictement rien. 

 

Metal Lords : Photo Jaeden MartellLe seul bon moment du film

 

Dépourvu de l'énergie quasi irréfléchie de Tenacious D in "The Pick of Destiny", loin de la sincérité de Lords of Chaos ou de la passion brulante de Sound of Metal, Metal Lords n'est qu'une escroquerie intellectuelle. Le personnage de Hunter déclare que "Metal is commitment and sacrifice" ("le metal est affaire d'engagement et de sacrifice"), cette chose est tout le contraire : elle n'est que parodie dédaigneuse et contentement commercial infâme.

Metal Lords est disponible sur Netflix depuis le 8 avril 2022

 

Metal Lords : affiche (2)

Résumé

Cette comédie adolescente décérébrée n'a rien de metal. Pire encore, Metal Lords trahit même toutes les valeurs de la scène metal, la rabaissant à un symptôme d'un mal-être adolescent passager, et, ultime crachat à la face du public de metalheads, soutient qu'elle sera éliminée une fois adulte. Dio doit s'en retourner dans sa tombe.

Autre avis Lino Cassinat
Metal Lords n'est pas loin d'être le cauchemar ultime pour metalhead : un film de posers, qui ne comprend aucun des codes de la scène à laquelle il se réfère, et ne les exploite que pour donner une cosmétique à un teenage movie rachitique. Condescendant dans son fond, laborieux dans sa forme, culturellement à côté de la plaque : un ratage à fuir.
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Lecteurs

(3.5)

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commentaires
Yannzz
29/10/2022 à 22:41

Votre critique est injuste et acerbe, mais pourquoi tant de haine?????
Les acteurs sont à fond et la musique est bonne, à voir et revoir….

Pierre12
11/06/2022 à 13:05

La critique est dure car certes il y a beaucoup de clichés, mais c'est un peu le principe de ce genre de films, qui reste une comédie.
Si on prend en compte que ce film a été fait comme une comédie, je trouve que ça marche pas trop mal... c'est sans prétention, et pour avoir été un grand métalleux/geek dans ma jeunesse, je ne me suis pas senti ni moqué ni insulté par ce film, au contraire, même si c'est tourné en dérision, j'ai trouvé cela plutôt pas mal...j'y ai retrouvé des mimiques et schéma comportementaux du jeune moi!
Bref, on s'est bien marrés ma femme et moi... au moins ce film m'a permis de poser un peu le cerveau, de me rapeller ma jeunesse de jeune rebelle métalleux, le tout avec une bonne bande son, c'était un bon moment

Michael
29/04/2022 à 14:43

Un film génial, je suis content de l'avoir regardé. J'ai pleuré en revivant mes sentiments d'adolescent inexpérimenté. Dommage que tu aies oublié de noter le film et que tu aies noté ton écriture.


27/04/2022 à 17:49

Alors je ne suis pas du tout d'accord avec cette critique. Sur la forme du film, elle est valide. Mais le critique a, selon moi, laissé passé l'essentiel. Car ce film me parle. Vous voyez le gars à lunette ? Il ressemble à tout ces nerds qui aimaient aussi le metal mais n'en paraissait rien. Et vous voyez ce fils de médecin qui a du mal à vivre ? Il ressemble à tous les autres petits culs comme moi qui vivaient bien mais subissaient leur adolescences. Et cette jeune fille qui se débat avec des pilules et se sent différentes ? Elle trouve dans le metal la porte pour s'exprimer.
Alors oui, c'est léger, et question réalisation on est loin d'un grand film. Par contre, je pense que musicalement le film se tient parfaitement et que les références sont parfaites (y compris le choix des chansons parfaitement à leurs places). Je crois qu'on peut s'y retrouver facilement. J'accepte aussi la critique qu'on aurait pû tout remplacer par des références au rap et ça aurait fonctionné. Mais cher JL... le rap et le metal ont exactement la même raison d'être. Anthrax et Public Enemy ont bien démontré à toutes nos petites têtes chevelus que les deux s'entremêlent dans la même critique sociale et le rejet des conventions. Finalement, plein de band quand j'étais jeune espérait devenir célèbre et faire du pognon... car oui les jeunes veulent ça. Motley Crüe, GN'R, Metallica voulaient quoi ? De l'argent mon cher.... de la célébrité et de l'argent. Et ils ont gagnés : le metal était à la mode dans les années 80. Une certaine mode certes, mais une mode certaine !
Les personnages sont justes. Chacun représente une forme de metalhead qui l'a découvert à sa manière. Les acteurs font du bon travail. Et je suis touché par la douleur de cette jeune fille qui est au prise avec une santé mentale vacillante dans la scène intimiste avec son petit ami qui lui dit qu'elle est parfaite. Le film brise le cliché du metalhead qui sort des couches les moins bien nantis. Il marque que c'est une contestation somme toute très ado (mais bon même à 50 ans je reste nimbé du voile délictuel de cette contestation) mais une contestation sans compromis comme le démontre Hunter qui mène à faire des erreurs stupides ou dangereuses (p.e. la scène de la voiture ou le fait qu'il s'enguele avec son ami). La musique est parfaitement adaptée au propos du film avec une sélection irréprochable. Pour tout cela, le critique a erré selon moi. J'ai du mal à croire qu'il aime le metal (mais c'est un préjugé). Le film mérite bien mieux qu'un 1.

magnus2022
15/04/2022 à 23:46

comme beaucoup ici, j'ai adoré le film. j'ai découvert Metallica à 11 ans, et j'ai adoré, et ce téléfilm m'a tout à fait rappeler cette époque ou j étais comme le héros du film, ado moche boutonneux. c est une véritable critique de vieux c@n aigri que vous nous avez pondu là...bien sur que c'est un pur produit de nostalgique, mais bordel vous avez pas été jeune ????

Kanibalking
15/04/2022 à 12:00

Tain la critique est dure ! J’ai écouté du métal toute ma vie , et franchement ce film te fait passer un chouette moment . C’est no brain, les sons sont plutôt bons. Alors oui c’est des ados , mais on la tous été , et franchement une pincée de métal ça change de la soupe fade qu’on nous sert ces derniers temps sur netflix et autres.

Prout
15/04/2022 à 11:05

Metalleux depuis 30 ans, j'ai bien aimé le film. Ouais, y'a des clichés, mais on passe quand même un bon moment. Rien que de regarder un film qui contient des extraits de Metallica, Pantera, Black Sabbath, et j'en passe vaut le coup! Si je l'avais vu ado, j'aurais adoré.
Franchement il y a des critiques qui se prennent bien trop la tête... comme beaucoup de metalleux en fait ! ;-)
Se rappeler les critiques de l'album Roots de Sepultura à l'époque qui s'était fait descendre...

Pierre ****
15/04/2022 à 00:15

Moi, j'ai tout simplement adoré ce film qui casse les ressorts habituels des films américain de collège. Je trouve les personnages très bien caractérisé et leur progression durant le film me semble très crédibles. Pour une fois ce ne sont pas des victimes passives des gros durs de l'équipe de football local. Ce ne sont pas non plus des canons de beauté et on fini toutefois par les trouver très glamour et par s'attacher à chacun d'eux. Bref un bon film (qui fait du bien (pour ne pas le dire en anglais)) qui m'as juste laissé une impression de bonheur.

Abibak
12/04/2022 à 08:41

La critique est un peu dur. Le film est sympa et ne prétend pas etre plus. Et honnêtement on parle de clichés mais on a tous connu des gens comme ça au collège/ lycée

Le chat machine
12/04/2022 à 06:01

Schtroumfette,

Je te fais découvrir le rap avec jul, la chanson française avec aya nakamura, c'est bon on s'est compris,

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