Eaux profondes : critique qui bande avec les mous sur Amazon

Simon Riaux | 18 mars 2022 - MAJ : 18/03/2022 14:34
Simon Riaux | 18 mars 2022 - MAJ : 18/03/2022 14:34

Vic (Ben Affleck) est marié à Melinda (Ana de Armas), qu'il aime éperdument, mais dont il supporte de moins en moins la passion pour l'infidélité, le ponçage de fondement et le rentrage de poils. Alors que plusieurs de ses amants deviennent de moins en moins vivants, son épouse change progressivement de regard sur l'épagneul humain qui lui sert de compagnon. Voici pour le point de départ d'Eaux profondes, thriller érotique rescapé des années 80, porté à l'écran par un des artisans historiques du genre, Adrian Lyne, et visible sur Amazon Prime Video en France.

L'EAU, ÇA MOUILLE

Dans la moiteur de sa cave aménagée en vaste terrarium, Affleck l’affligé a le regard perdu dans le lointain, la prunelle embrumée, l’oeil torve, la mine déconfite et le poil humide. Moins expressif qu’un parpaing de cheddar fondu, il palpe intensément un escargot. Ses doigts s’attardent sur la surface visqueuse de l’animal, nimbé dans la lumière bleutée du sous-sol. Soudain. Surgit la femme. En flashs irréels, son image contamine l’écran.

Brune incendiaire à demi-allongée sur un siège de voiture, elle nous adresse des regards polissons tandis qu’elle se fait sourire le lutin à s’en casser un ongle. En gros, Ben Affleck tripote de la limace en pensant à sa femme qui se tripote. Pour ce qui est de l'érotisme noir vendu par Eaux profondes, on touche là à ce qui tient au film d'absolu summum, tant dans la laideur que le ridicule. Mais que s'est-il donc passé ?

 

Eaux profondes : Photo Jacob Elordi, Ana de Armas"Non je disais : un éléphant, ça trompe énormément !"

 

Genre pas avare en performances outrées, sexualité savonneuse et autres foirades divertissantes, le thriller érotique était un genre porté disparu au mitan des années 90 (en dépit d'une brève mais vigoureuse survivance ibérique dans les ultimes années du XXe siècle), dont les plus embarrassants échecs avaient au moins pour eux un sens du ridicule savoureux.

Quiconque est déjà passée à côté d'une rupture d'anévrisme en visionnant L'orchidée sauvage est conscient de la spectaculaire kitscherie d'un genre tout à la fois simpliste, prude, vendeur de cuisseaux faciles, et pour le meilleur, descendant dégénéré et outré du film noir des années 40. Et ce qui étonne, dès la première scène, trop atone pour être ridicule, pas assez bizarre pour susciter la curiosité, c'est que Eaux Profondes rate systématiquement tous ses effets, sans jamais céder au charme de l'aberration ahurie.

 

 

Étant établi que le ridicule ne tue pas, mais fait bien marrer, on notera néanmoins quantité de pirouettes macabres, ou le long-métrage provoque une douce hilarité. Quand Ben s'escargote bien sûr, mais aussi quand à la faveur d'un dialogue encore plus beurré au vermouth que son personnage, le mari éploré tente de se la jouer ténébreux vengeur. N'oublions pas une citation biblique à coup de pomme et de décolleté plongeant, embarrassante de surjeu, ou encore cette dispute impitoyable, ou un essaim de postillons au dentifrice voudrait nous faire croire à une imagerie plus séminale.

 

Eaux profondes : Photo Ben Affleck"Mais qu'est-ce que je fais là, sérieux..."

 

ESCARG'HOT D'OR 

Les plus courageux se régaleront enfin d'une tentative d'émuler Mad Max : Fury Road en bicyclette, qui devrait faire défaillir jusque sur le podium du Tour de France. Quasiment chaque effet censé généré de la tension ou entretenir une forme d'intensité érotique semble tout droit sorti du petit manuel de la lourdeur en débardeur, et pourrait presque transformer l'ensemble en plaisante comédie, si le film n'avait pas l'âge de ses artères.

Initié en 2013, le film d'Adrian Lyne est passé de studio en studio, d'hésitations en reports, d'abandon en rachat, jusqu'à être finalement validé par la Fox, laquelle a été rachetée par Disney qui après en avoir repoussé maintes fois la sortie, l'exploite aux États-Unis sur la plateforme Hulu et l'a cédé à Amazon Prime vidéo dans le reste du monde. Mais non content d'avoir mariné pendant presque une décennie, le projet doit sa philosophie, sa conception et ses ingrédients à une époque encore plus lointaine.

Adaptation du roman éponyme de Patricia Highsmith, publié en 1957, on sent à chaque nouvelle articulation de l'intrigue combien le cinéaste en a conservé l'essence, voire scrupuleusement reproduit la représentation du monde... quitte à paraître terriblement daté. De son décor (un enchaînement de fêtes bourgeoises complètement déréalisées), à sa vision du couple et de la répartition du pouvoir entre ses membres, en passant par les affligeants personnages secondaires, tout respire, non pas tant la misogynie qu'une vision du genre et de la société... purement et simplement disparue.

 

Eaux profondes : Photo Ana de ArmasRappelons que l'usage de boules à facettes est prohibé par la convention de Genève

 

Au-delà de tout débat moral, ou éthique, sur la nature du regard porté sur le personnage qu'interprète Ana de Armas, on est frappé de constater que, de sa caractérisation jusqu'à la présentation des liens qu'elle noue avec les autres protagonistes, rien ne semble avoir de matérialité, de chair, ou tout simplement de réalité. Melinda est un fantasme de prédatrice lubrique imaginée au milieu des années 50... et transposé avec lourdeur au XXIe siècle. La greffe est pour le moins voyante. 

Et elle se transforme en tumeur rectale quand elle est scrutée par la caméra d'Adrian Lyne. Metteur en scène du légendaire L'Échelle de Jacob, il aura été parfois trop vite caricaturé en vilain petit canard pubard. Mais ce fut également un des stakhanovistes du thriller érotique à la papa, et ce jusqu'aux derniers borborygmes du genre, qu'il eut l'honneur d'éructer sur pellicule en 2002 avec Infidèle.

 

Eaux profondes : Photo Ben Affleck"Mais c'est un scénario ou un traité de gastro-entérologie ?"

 

LA VIEILLESSE EST UN DÉCADRAGE

Le cinéaste est demeuré deux décennies durant loin des plateaux de tournage, et en découvrant son retour, on rouvre une malle aux trésors dont le contenu a été rongé par les années. Jamais ici la caméra ne paraît avoir de désir, être mue par un principe quelconque, ou souhaiter jouer avec nous. Un comble, dans le cadre d'un mystère érotique. Érotisme qui a bien du mal à éclore quand son chef d'orchestre traite la chair et le désir avec l'appétit d'une hyène pour les haricots verts.

Certes, son Liaison fatale a toujours été un cliché de sexisme décrivant les femmes en putains psychotiques ou en saintes nitouches respectables, 9 Semaines 1/2 valait plus pour le magnétisme de ses interprètes que ce que le récit racontait d'eux, quand Proposition indécente était déjà une tentative de faire palpiter mollement le spectateur à demi-trépané, tout en l'éclaboussant d'une moraline rance.

Le souci, c'est que l'époque qui faisait de ces histoires des expressions de leur temps, et qui leur permet d'être aujourd'hui encore appréhendées comme telles, n'est plus. Et qu'en plus, Eaux profondes parvient à condenser tous ces traits, au mieux désuets, au pire authentiquement puant, en un récit unique. C'est finalement bien cette dimension anachronique qui achève de tout putréfier, jusqu'aux scènes de sexe, qui évoquent plus l'accouplement de deux lépreux en descente de javel que des apothéoses sensuelles.

 

Eaux profondes : Affiche française

Résumé

Eaux Profondes flirte avec l'auto-parodie, et nous assène de si vigoureux gags involontaires que son potentiel de revisionnage ne doit pas être sous-estimé. Mais hélas, son scénario bien trop long, et la mise en scène en déroute de son réalisateur l'alourdissent trop pour ne pas assommer.

Autre avis Alexandre Janowiak
Eaux profondes est vendu comme un thriller érotique tendu, mais ce n'est ni un thriller ni érotique ni tendu. Adrian Lyne revient avec un drame marital frigide, niais et mou où Ben Affleck tente de jouer le moins possible, avant de plonger dans le gros nanar ultra-teubé. Malaise.
Autre avis Mathieu Jaborska
Ça se voudrait une charge contre le couple bourgeois américain, mais ça ne parvient à qu'à ressasser le pire et le moins sexy du thriller érotique des années 1990. Fincher peut dormir tranquille.
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Lecteurs

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commentaires
Sang chaud
02/04/2022 à 18:36

Quand ana de armas se fait bouffer le cul elle est en culotte . Faut m’expliquer comme la langue de Ben pourrait atteindre son anus

Guihero
23/03/2022 à 18:57

Même l'affiche fait pas révêr, ça devient une habitude pour les films qui tombent sur le service d'Amazon.

Aurélie
22/03/2022 à 13:28

La déception est pê du fait que ce film a été classé en thriller érotique alors que c'est un thriller commun. Et Ben Affleck a donné + de sa personne dans plein d'autres films donc on est déçue qu'il reste habillé :)

Bip-Bip
21/03/2022 à 01:51

Il n'y a pas une erreur de casting avec le vélo de Ben Affleck?
Gravel ou VTT ?

Bon nils
21/03/2022 à 01:20

J'aime bien afleck dedans super présence cette acteur et de arnas dommage c pas très bon c'est PA la prochaine gal gadot ça c'est sur et le film est moyen mais la caricature du producteur qui meurt a la fin est un bon perso

Chris11
20/03/2022 à 12:51

C'est même pas mauvais, c'est vide. Tout est dit dans le paragraphe d'intro de Simon. On est très loin du sulfureux de Basic Instinct ou du morbide de Gone Girl.
Pour Ben Affleck, c'est encore un élément dans la catégorie filmo de m****. Pour de Armas, c'est une (désagréable) surprise.

Terryzir
20/03/2022 à 02:59

Effectivement, ça vole pas haut. L'anti-Gone Girl par excellence !
Mais de là à parler de "male gaze" (vocable horrible) ou d'affirmer que c'est un film misogyne... Arrêtez un peu vos pudibonderies, c'est d'un lourd... Voir des méchants mâles blancs cisgenres derrière chaque mauvais film, ça en dit plus sur vous que sur ces tristes sirs.
Là, on est face à un minable nanar bas du front qui nous court sur le haricot en pensant nous le tirer. Point. Pas de quoi nous sortir une thèse de fragile sur le "phallocentrisme prédateur" en 2022.

Schwarzy31
19/03/2022 à 20:26

Ce n'est pas un chef d'œuvre mais cela se laisse regarder.

Je trouve l'actrice très sensuelle.

ah bon
19/03/2022 à 00:36

non mais il y a Ana de Armas, voilà c'est tout ça suffit mdr

Alexandre Janowiak - Rédaction
19/03/2022 à 00:22

@GTB

Absolument, mais comme nous n'avons pas eu accès aux films avant leur arrivée sur Netflix, il faut qu'on les rattrape.

On va essayer de faire les critiques pour la semaine prochaine.

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