Goliath : critique des mauvaises herbes macronistes

Geoffrey Crété | 23 septembre 2022 - MAJ : 26/09/2022 12:16
Geoffrey Crété | 23 septembre 2022 - MAJ : 26/09/2022 12:16

Gilles Lellouche en avocat déterminé, Pierre Niney en lobbyiste pourri, Emmanuelle Bercot en militante énervée, sur fond de pesticides et de mensonges institutionnalisés : Goliath tombe à point nommé dans le paysage de la France de 2022, pour ramasser une colère citoyenne omniprésente, et de moins en moins simple à étouffer pour les puissants. Un sujet en or dont s'empare le réalisateur Frédéric Tellier (L'Affaire SK1Sauver ou périr), avec de très gros sabots.

enquête sur un scandale d'état bis

Précisément un mois après Enquête sur un scandale d'État, un autre film pourrait prétendre au même titre. Ici, pas de trafics de drogue et d'informations, mais de santé publique, de business et lobbyistes. Bonnet blanc, blanc bonnet : c'est du trafic de fausses vérités et vrais mensonges, entre puissants et politiciens, qui négocient la vie des citoyens et citoyennes entre deux taches de caviar (ou homard) sur leurs belles cravates.

Le combat est triangulaire, entre Pierre Niney en porte-parole véreux d'une grande entreprise, Gilles Lellouche en avocat déterminé, et Emmanuelle Bercot dans le rôle d'une femme qui se lance dans un combat pour la justice. Le lobbyiste, l'avocat et l'activiste : comme une triste fable de La Fontaine sur le désordre organisé du monde moderne, qui pollue les terres et les corps pour mieux nourrir l'ogre du CAC 40.

Aidé par son co-scénariste Simon Moutaïrou (Boîte noire, Braqueurs), le réalisateur Frédéric Tellier se place à la croisée des chemins de sa filmographie, entre le réel de L'Affaire SK1, sur la traque du tueur en série Guy Georges, et le mélo de Sauver ou périr, avec Pierre Niney en pompier abîmé, mais aimé. Sans surprise, le mélange entre drame et thriller est plus que fragile, si bien que le résultat souffle le chaud et le froid à l'extrême.

 

Goliath : photo, Pierre Niney, Laurent StockerCostume cravache

 

MELO Ça mouille

Trois personnages, deux heures, un objectif : Goliath n'y va pas par quatre chemins pour peindre en quelques gros coups de pinceau les enjeux et les protagonistes. La représentante du terroir et visage de la lutte ? Elle s'appelle France, et vit à la campagne, entourée de champs. Le jour, elle travaille comme professeur d'EPS, et la nuit, comme manutentionnaire. L'avocat ? C'est un éternel célibataire mal rasé et mal coiffé, avec un petit penchant pour le whisky. Le lobbyiste ? C'est un loup aux allures de gendre idéal, aussi propre sur lui que son âme est sale.

Tout ce petit monde est peut-être très réaliste. Certainement, même. Et le film aurait pu les rendre entièrement crédibles s'il avait été moins rapide. Mais le récit avance à toute allure pour placer les pions sur l'échiquier, et utilise trop les miroirs grossissants pour écrire les trois protagonistes. Pour montrer le gouffre entre le peuple et les puissants, il y a donc une fête entre amis, où ça boit et gueule et rigole, avant un bain de minuit dans l'océan, pour la liberté de vivre et penser. Et en face, une célébration guindée dans un petit château, avec une bande de culs bénis qui n'ont pas décroché un sourire depuis Mathusalem, et dansent comme dans une mauvaise publicité pour Gensdeconfiance.com.

 

Goliath : photoGilles le louche

 

Cette écriture pas très fine touche véritablement ses limites dès que le scénario fonce tête baissée dans le mélo, particulièrement du côté de France, personnage le plus périlleux puisque toujours proche de la sortie de route mielleuse. Dès que Goliath utilise la carte sentimentaliste (notamment avec la maladie de son mari, poète à ses heures perdues), il s'auto-sabote. Comme si avoir recours à une larmichette était nécessaire dans le portrait d'un pays et d'un monde en pleine décrépitude morale et idéologique.

C'est presque un aveu de faiblesse, et de confiance en la force du sujet. Pire : un manque de foi en la capacité du public à s'y investir avec son cerveau plutôt que ses émotions.

 

Goliath : photo, Emmanuelle Bercot Bercot et blessures

 

la mécanique de l'ombre

Goliath marque plus de points du côté du thriller. La mécanique est simple, voire simpliste, mais parfaitement efficace. Les manœuvres ordurières de l'entreprise pour affronter et détruire la menace, qui pèse sur leurs comptes en banque, donnent lieu aux meilleures scènes. Éléments de langage réutilisés, contre-attaques en ligne, parade officielle délirante, emprise sur les ministres, monétisation des vérités : le film laisse rêver d'une version entièrement focalisée sur les coulisses de ce petit théâtre cauchemardesque du capitalisme, qui hante les écrans de télévision et ondes de radio à longueur de temps.

C'est dans ce territoire glacial, loin des sentiments faciles, que Goliath trouve sa plus grande force. Paradoxalement, c'est même là qu'il raconte le mieux la réalité, contrairement aux scènes les plus triviales, censées ancrer l'histoire.

C'est presque un impossible trait d'union entre la férocité frontale d'un Stéphane Brizé, et l'approche grand public type première partie de soirée sur TF1 (StudioCanal est co-producteur et distributeur). Il y a des défaillances, mais Goliath avance avec suffisamment de force et efficacité pour les faire oublier. Et le film peut compter sur le talent de tous les acteurs et actrices pour y arriver, et tout écraser.

 

Goliath : photo, Chloé StefaniAllumer le feu

 

À l'origine, les rôles du trio étaient inversés : Emmanuelle Bercot était l'avocate, Gilles Lellouche, le lobbyiste, et Pierre Niney, l'activiste. La loterie en a décidé autrement et le résultat est idéal. La jeune belle gueule du cinéma français est enfin détournée pour incarner une magnifique ordure, qui sied parfaitement à son allure de gendre idéal, d'autant qu'il n'a droit à aucune sortie morale. L'acteur de BAC Nord est sans surprise à l'aise dans ce rôle de brute à peine polissée. Et l'actrice est une nouvelle fois épatante, parvenant à donner vie à la plus grossière des scènes, grâce à une énergie captivante.

Derrière le trio, il y a également des seconds rôles impeccables, portés par Chloé Stefani, Laurent Stocker, Jacques Perrin, Marie Gillain et Yannick Renier. Et c'est aussi (surtout) là que le talent des scénaristes transparaît : ces hommes et ces femmes existent autant que les premiers rôles, grâce à seulement quelques scènes et regards qui racontent toute une vie, dans l'ombre. C'est particulièrement fort avec Chloé Stefani, qui tire son épingle du jeu dans cette tragique farce.

 

Goliath : Affiche

Résumé

Goliath y va avec les gros sabots du mélo, et abuse des violons et facilités pour ramasser ce vaste et passionnant sujet sur deux heures. Reste que le film est mené tambour battant, largement grâce à ses acteurs et actrices, impeccables jusque dans les seconds rôles.

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Lecteurs

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commentaires
MonsieurPomme
24/09/2022 à 19:41

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Jajatte
24/09/2022 à 00:26

Gilles Lellouche est un putain d’acteur ❤

Ozymandias
28/08/2022 à 22:55

Plutôt d'accord avec votre critique globalement. J'ai passé un bon moment mais les meilleures scènes sont effectivement à chercher du côté des lobbyistes...

Bibou
20/03/2022 à 08:06

Bof bof.
Film très renseigné (sûrement) mais je me suis globalement ennuyé et j'ai lutté pour pas dormir. Je trouve le film pas bien passionnant malgré les intentions qui me touchent... Mais pourtant... Ça m'a paru très plat. Tout est tellement trop tout le temps .. que je ne suis pas rentré dedans. Dommage de savoir intellectuellement que ce qui se déroule est très grave et pourtant n'en avoir rien à foutre.

Marina
16/03/2022 à 06:17

Très très mauvais film. Manichéen, didactique, bourré de clichés assez bien résumés dans la critique et surtout des dialogues bcp trop explicatifs et pas du tout réalistes. Chaque acteur fait une tirade pour le spectateur sans jamais s’adresser à ses partenaires. La musique est horripilante, les personnages secondaires ne servent à rien et d’une telle mièvrerie que finalement on a aucune empathie pour personne.

The insider38
13/03/2022 à 07:42

@kuLem:

Alors tu vas vite te calmer , déjà tu n’as pas à me reprendre, je ne te le redirai pas , à tes risques et péril.. je vais rester poli mais la prochaine fois que tut te permets ce genre de post , je t’écrase, Vu?

Et toi , tu te prends pour qui à faire l’avocat porte étendard, tu es quelqu’un ? Non, tu es un pauvre anonyme au même titre que tout le monde ici, a moin que tu ais un passe droit..

Donc , la phrase de zorro est horripilante, je le pense et je l’écrit

KULEM
10/03/2022 à 07:12

@the insider38
Excuses moi mais t'es procureur ?
Tu peux pas t empecher d insulter les gens ,des qu ils sont pas de ton avis , ou que t apprecies pas ce qu ils pensent ?
je viens de te reprendre sur une critique car tu insultais un gars qui pensait pas comme toi , je regarde d autres articles , et tu es tjs en train d attaquer les gens sur tous les sujets ou tu n es pas en accord mais de maniere insultante et dedaigneuse
Tu te prends pour qui mec ? un etre superieur ?
Redescends sur terre , tu es insigifiant , et en plus t es anonyme ...
T'es juste un troll en fait ,un bon facho 2.0 non assumé sans doute , bien caché derriere son clavier , plein de haine et de rancoeur envers autrui des qu on a l outrecuidance de pas penser les choses comme tu le voudrais.

The insider38
10/03/2022 à 02:43

@ ST zorro, sinon t as un truc intelligent à dire ?

st zorro
09/03/2022 à 16:18

tous ce film est facile

jp
09/03/2022 à 09:17

...sur l'air du Complot ??!!...

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