The Man Who Feels No Pain : critique kung-fu rit sur Netflix
Après une tournée très remarquée en festivals – notamment à Toronto – et une sortie en salles trop discrète, la comédie d’action The Man Who Feels No Pain est disponible sur Netflix. Le réalisateur Vasan Bala y propose un joyeux hommage aux films de kung-fu doublé d’une déclaration d’amour au cinéma bis à l’ancienne.
KUNG-FU INDIA
La nostalgie des années 80 ne s’est pas contentée d’envahir toute la production audiovisuelle hollywoodienne. Jusqu’en Inde, on retrouve cette vague de nostalgie. Alors quand un film indien débarque de nulle part pour crier son amour de la culture vidéo-club, on peut être sceptiques. D’autant plus quand le film en question joue au petit malin méta façon Deadpool.
C’est pourtant le pari assez improbable que relève The Man Who Feels No Pain (ou Mard Ko Dard Nahi Hota en VO) de Vasan Bala. On y suit l’histoire de Surya, un jeune homme né avec une maladie génétique rare. Insensible à la moindre douleur physique, il doit tout de même compenser son talon d’Achille : la déshydratation. Protégé du monde extérieur, Surya se construit tout son imaginaire en regardant les films de kung-fu en VHS de son grand-père.
Plutôt que de simplement surfer sur une vague nostalgique un peu rance, le réalisateur Vasan Bala opte pour une approche ludique. Il ne s’agit pas tant de jouer à l’orgie de références façon Stranger Things que de faire une vraie déclaration d’amour à un certain cinéma. Classiques hongkongais, séries B hollywoodiennes bêtes et méchantes, blockbusters indiens... les années 80 de The Man Who Feels No Pain sont celles d’une cinéphilie éclectique et sans cynisme.
Évidemment, les citations seront inévitables. Entre le costume de Bruce Lee, la relecture jubilatoire d’un Terminator sauce masala en début de récit ou les punchlines de Rajinikanth, le film multiplie les clins d’oeil. Cependant, l’hommage sert surtout à construire le monde vu par son personnage. Un monde de pop culture déviante dans la tête d’un héros qui ne connaît de la vie extérieure qu’une vision cinématographique fantasmée.
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CINÉMA BIS PARADISO
L’écriture si particulière du personnage de Surya contribue à rendre le film tant original que déconcertant. Nous avons affaire à un homme qui a la naïveté d’un enfant, la force d’un super-héros et l’imagination d’un paranoïaque. Vasan Bala suit le héros dans ses délires, lui permet de briser régulièrement le quatrième mur. Il commente ses propres flashbacks, les détourne pour qu’ils collent mieux à la magie du cinéma bis. Mais loin du cynisme d’un Deadpool, ici le recul méta déborde d’un amour du 7e art et de sincérité.
D’ailleurs, c’est en sachant faire régulièrement preuve d’un premier degré total que The Man Who Feels No Pain évite toujours de verser dans l’exercice de style vain et auto-suffisant. À l’image de cette scène lors de laquelle Surya demande à son amie d’enfance d’utiliser ses yeux lasers pour se débarrasser de son petit-ami toxique. Traité avec un humour hautain, le dialogue aurait simplement été gênant. Filmé avec bienveillance, il nous fait subtilement embrasser l’imaginaire du héros.
The Man Who Feels No Pain est un mélange de genres en constant équilibre. L’humour y prend une place considérable. L’action n’est pas en laisse, mêlant combats incisifs au corps à corps et duels d’arts martiaux plus chorégraphiés.
Mais le cinéaste aborde également Surya comme un super-héros en formation, pas si loin d’un Kick-Ass dans le genre fan de pop culture qui veut accomplir son rêve. Il filme sa capacité hors du commun quelque part entre le handicap et le super-pouvoir. Et son risque de déshydratation devient automatiquement sa Kryptonite. Improbable, mais sacrément efficace.
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CLICHÉ DRUNKEN MASTER
Les séquences qui assument le jusqu’au-boutisme du récit pulp sont souvent les plus réussies. Citons par exemple la présentation en voix-off de "Karate Man" et son jumeau maléfique. Le narrateur nous prévient, le duel oppose un "cliché de maître karaté alcoolique" face à un "cliché de méchant psychotique". On accordera volontiers au film de ne jamais tomber dans le nanardesque malgré son amour du kitsch. Disons qu’il est bien plus dans la lignée d’un Cobra Kai que d’un Kung Fury.
Sa limite principale sera certainement son manque d’enjeux narratifs. Après une première demi-heure survoltée, un petit ventre mou se fait ressentir. Il faudra attendre assez longtemps avant qu’une vraie quête se dessine avec une histoire de médaillon. Un MacGuffin pas franchement révolutionnaire. Bien évidemment, ce médaillon représente avant tout des souvenirs et un poids psychologique pour notre bande de héros bras cassés. Cependant, force est d’avouer que c’est parfois un peu léger pour justifier une durée totale de 2h16.
Au-delà d’une franche réussite technique malgré des limites budgétaires impressionnantes, The Man Who Feels No Pain brille grâce à ses personnages. En particulier le trio de tête : Surya, son amie Supri et le fameux "Karate Man". On a déjà abordé la particularité de notre (super)héros. À ses côtés, Supri offre la réponse parfaite au cliché de la demoiselle en détresse. Elle est capable de moments assez déchirants, en particulier dans ses échanges avec sa mère. Mais elle offre surtout certains des meilleurs combats du film. À ses côtés, le maître déchu des arts martiaux est à la fois drôle et touchant.
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Si ceux qui viennent uniquement pour les grosses bastons auront peut-être du mal avec les longueurs du récit, qu’ils se rassurent : le final mérite le détour. Comme tout bon film de kung-fu à l’ancienne, The Man Who Feels No Pain offre un long climax sous forme de tournoi. Nos trois héros contre 200 combattants. Et là encore, malgré le manque de moyens et de décors flamboyants, on s’éclate quand même largement plus que sur l’embarrassant Mortal Kombat de Simon McQuoid.
Ces affrontements à la chaîne sont l’occasion pour Vasan Bala de se faire plaisir. Ralentis stylisés, chorégraphies inventives, intensité dramatique et bascule humoristique bien trouvée. Au-delà des limites évidentes, tout y est. Et tout fonctionne. Une belle allégorie du film.
The Man Who Feels No Pain est disponible sur Netflix
Lecteurs
(4.3)25/02/2023 à 13:58
Petite suggestion pour Ecran Large : Pourriez vous rajouter une catégorie "Inde" dans les tags ? Merci !
05/03/2022 à 09:30
Petite précision : les yeux lasers c'est pour se débarrasser de son papa et non de son petit ami ;-)
Sinon effectivement le début du film est prenant, j'ai eu envie de connaître la suite mais les lenteurs dures à faire passer couplée à une intrigue trop légère ont eu raison de moi. Et perso j'ai beaucoup de mal qd ça chante car je vois pas trop ce que cela apporte.
Merci de m'avoir fait découvrir ce film en tout cas !
24/02/2022 à 16:52
Précision très importante les gars d' écran large :
Le film " the man who feels no pain " n existe pas sur Netflix ....
Ça sert à rien de faire une aussi belle critique si c est pour donner le mauvais titre à vos lecteurs : Ces derniers ne risquent pas de trouver le film, en fait il n est dispo que sous son titre original. Écrit avec notre alphabet à nous, ça donne ce nom barbare qu il faut chercher soit même : Mard Ko Dard Nahi Hota
Aucune chance sinon, le film n' apparait dans aucune recommandation.
22/02/2022 à 10:39
Bonjour,
@Kimfist : Parce-que les français sont bloqués au cinéma "Bollywoodien" et s'imaginent qu'il y a une chorégraphie toute les 30 secondes... Et de la "romance" à profusion...
Depuis que mister Costa m'a fait découvrir Baahubali, je suis accro' aux films et séries indiennes...Enfin, ceux et celles dont il parle, car il est vrai que je ne saurai trop sur quoi jeter mon dévolu sinon...
J'attends avec impatience "RRR"...Ça va être une tuerie !! ;-)
22/02/2022 à 05:16
Bon vous m’avez donné envie de voir ca
J’ai eu peur je le trouvais pas sur Netflix, en fait je devais chercher le titre indien (Mard Ko Dard Nahi Hota)
21/02/2022 à 21:47
Ahh Kung pow
21/02/2022 à 21:08
J'ai grandi en regardant des films indiens avec ma mère. Il était impossible de partager cette facette de moi avec qui que ce soit, sinon on se moquait de moi. (C'était encore pire que si j'avais regardé les feux de l'amour ou amour gloire et beauté).
Les Français sont assez hermétique au cinéma indien... La culture indienne et la culture française, c'est un peu comme les deux pôles opposés d'un aimant.
Pas sûr que le film trouve son public en France.