Moonfall : critique Objectif Nul

Geoffrey Crété | 28 avril 2023 - MAJ : 15/03/2024 18:41
Geoffrey Crété | 28 avril 2023 - MAJ : 15/03/2024 18:41

Il a saccagé la Terre (et surtout l'Amérique) dans Independence Day, Le Jour d'après, 2012 ou encore Godzilla, avant de détruire sa propre carrière avec 10 000, Anonymous ou encore Independence Day : Resurgence. Mais Roland Emmerich n'en démord pas et revient foutre le feu à la planète dans Moonfall, énième film catastrophe aux airs de vieille série B pulp, puisque Halle Berry, Patrick Wilson et John Bradley (Game of Thrones) doivent sauver la Terre... de la Lune, qui va s'écraser sur nous. Et cette idée est mille fois plus drôle que le film lui-même.

ARMAGEDUMB

Roland Emmerich n'avait plus le choix. Il avait rêvé comme un américain dans sa première partie de carrière allemande (une station spatiale capable de contrôler la météo dans Le Principe de l'Arche de Noé, une poupée possédée par un démon dans Joey, un manoir hanté dans Hollywood Monster, et une planète étrangère dans Moon 44). Il avait détruit l'Amérique et donc le monde dans Independence Day, Le Jour d'après, ou encore 2012. Il avait ouvert la porte des étoiles dans Stargate, et celle du temps dans The Patriot et 10 000. Et après quelques parenthèses presque arty, il avait bouclé la boucle, et le nœud autour de son cou, dans le crash Independante Day 2.

 

 

Un peu comme la bande de Fast & Furious, qui devait aller dans l'espace pour éclairer un peu plus les abysses du vide, Roland Emmerich devait donc s'envoler pour de bon dans la SF, pour se donner la belle illusion d'aller toujours plus haut et plus loin. Moonfall ressemble ainsi à un kamoulox sous forme de best of : une équipe de scientifiques héroïques, un gouvernement américain qui tire avant de réfléchir, des familles unies face à l'apocalypse, des ados-enfants livrés à eux-mêmes, un nerd un peu paumé, un complot révélé au grand jour, tout ça autour d'une Lune qui quitte son orbite pour détraquer la gravité, exciter les océans et embraser les métropoles.

Bilan après deux longues heures et environ 140 millions de budget : absolument rien qui n'ait pas été déjà vu, filmé ou raconté dans un film ou un jeu vidéo populaire de ces dernières décennies. Laid, laborieux et lamentablement sérieux, Moonfall sonne de toute évidence le glas pour la carrière de Roland Emmerich.

 

Moonfall : photo, John Bradley, Halle Berry, Patrick WilsonNaze catégorie A

 

que le spectacle ne commence pas

Pas besoin d'espérer beaucoup pour être déçu par Moonfall. Sa seule vraie mission était de passer la planète au karcher CGI, mais Roland Emmerich se contente de pisser les habituelles flammes et flaques sur la planète, avec une paresse parfois rocambolesque. Après une introduction qui doit plus à X-Men : Dark Phoenix qu'à Gravity, la première scène d'action annonce la couleur : une marée haute qui se déverse dans les rues d'une ville, un hall d'immeuble inondé, et un canapé qui menace d'écraser la cheville d'un personnage.

Un minuscule et inutile moment de panique et de sauvetage, particulièrement raté vu que la menace est limitée à une fuite de grosse machine à laver, et que le décor urbain est quasiment laissé en marge, au profit d'un intérieur studio oubliable.

Ce n'est que le début du rien, car Roland Emmerich est plus que jamais confronté à son propre héritage en la matière. À mesure que la Lune se rapproche comme la planète Melancholia de Lars Von Trier, il réutilise à outrance le grand motif de la gravité inversée, mais avec nettement moins de maîtrise que dans le tiédasse Independence Day : Resurgence. Les raz-de-marée, les boules de feu qui s'écrasent dans la nature, la survie dans les contrées glacées, les vaisseaux spatiaux : le réalisateur s'autocite sans fin, comme pour appeler au recyclage et rendre un vibrant hommage au petit pamphlet écolo du Jour d'après.

 Moonfall : photoStockshot film-catastrophe #42

 

Sauf que Moonfall perd à tous les coups au jeu des comparaisons. Ici, il n'y a aucune image marquante, aucun money shot iconique, et aucune vision apocalyptique qui réveille, comme la Maison-Blanche qui explose ou l'ouverture de la porte des étoiles. Il n'y a aucun savoir-faire dans la mise en scène, pour accompagner les petits humains au milieu des immenses catastrophes, comme la fuite de Los Angeles dans 2012. Il n'y a pas la moindre note de sensibilité et de cinéma, comme cet homme de ménage qui ouvrait une porte sur le vide, au milieu des ruines de Hollywood, dans Le Jour d'après.

Ni la photographie fade de Robby Baumgartner (déjà sur Midway), ni la musique insignifiante de Thomas Wander et Harald Kloser, ne peuvent donner la moindre couleur à ce spectacle.

Il y a sûrement une histoire de gros sous derrière cette mascarade, puisque Moonfall a été financé comme un gros film indépendant (notamment 40 millions des Chinois avec Huayi Brothers), avec des coûts et délais imposés par la pandémie ; ce qui peut expliquer le rendu très douteux des effets visuels. Mais ce montage financier a donné à Roland Emmerich une liberté créative revendiquée, et il a coécrit cette farce avec son fidèle Harald Kloser (qui le suit depuis Le Jour d'après), avec l'aide de Spenser Cohen. Moonfall ressemble donc moins à un film méchamment calibré par un méchant studio qu'à un gentil désastre.

 

Moonfall : photo Pas de bol, paquebot

 

des sourires et des hommes

Dans ce champ de ruines, il ne reste plus qu'à observer le vide, qui porte au moins deux noms : Patrick Wilson et Halle Berry. Ailleurs, ils sont capables de porter même les films les plus nuls, grâce à un charisme et une solidité impeccables - elle a survécu à Gothika et Meurs un autre jour, et lui, à Insidious 2 et Conjuring 3. Mais chez Roland Emmerich, ils touchent les hautes sphères du rien et du rire, la faute bien évidemment à un scénario d'une crétinerie formidable.

Patrick Wilson écope des pires scènes, et se promène tel un Playmobil de l'oncle Sam pour entonner le refrain classique du vaillant héros, qui veut que son fils soit un meilleur homme que lui. À moitié endormie sauf lorsqu'elle doit pleurer sur l'épaule de son bambin, Halle Berry devient quasiment une figurante en cours de route, pour remettre le film sur les rails du bon vieux film américain porté par monsieur. Et si John Bradley ressemble de loin à un être humain dans ce trio généré par un algo des années 90, il a aussi le rôle le plus absurde, puisqu'il est catapulté ingénieur de haut niveau en une ellipse.

 

Moonfall : photo, John Bradley, Halle Berry"Un conseiller Apple vous attend dans l'allée 3"

 

Bien sûr, la bêtise du scénario de Moonfall n'est ni une surprise ni un problème. C'est même le prérequis d'un tel spectacle. Mais Roland Emmerich et ses coscénaristes sont totalement incapables de donner vie à ce cirque, qui semble à la fois avancer trop vite, et en montrer trop peu pour avoir du sens. Pire encore : ils s'en contrefoutent à un niveau stratosphérique, comme si plus personne n'y croyait une seule seconde, même lorsqu'il s'agit d'appuyer sur les plus gros boutons de la télécommande hollywoodienne.

Il n'y a qu'à voir la ribambelle de seconds rôles magnifiquement accessoires qui habitent la facette terrestre de l'aventure pour en trembler de rire. Entre le fiston pseudo bad boy, la nounou chinoise, l'innocent gamin, le beau-père pas si méchant, la mère et ses deux filles quasi muettes, c'est une farandole de tous les figurants de luxe du genre, que Roland Emmerich a lui-même poncé dans tous ses films, mais jamais avec aussi peu d'intérêt. Comme si tout ce petit monde faisait désormais partie d'un décor tristounet et d'un cahier des charges encombrant, qui n'intéresse plus le réalisateur - en plus de constamment freiner le film, en le ramenant vers la terre ferme, et molle.

 

Moonfall : photo, Michael Peña"Je croyais que rien ne serait pire qu'Ant-Man 2"


the dark side of the fool

Moonfall a au moins le mérite de repousser la chute de la blague dans la dernière partie. Après un interminable voyage vers la Lune, qui compte plus d'incohérences que de répliques de Halle Berry, la fin se déroule comme une compilation de tous les meilleurs mauvais clichés de la science-fiction depuis des décennies : gentils aliens, méchants robots, utopie interstellaire et dangers de l'intelligence artificielle, le tout enrobé de quelques mots clés qui devaient compter triple au Scrabble des séances d'écriture ("Nanotechnologie !", "Superstructure !").

Si quelqu'un avait voulu mélanger Battlestar Galactica, Mass Effect, Halo ou encore Mission to Mars, en lisant seulement les fiches Wikipedia et en espérant que personne n'en avait entendu parler, il aurait sûrement écrit Moonfall un soir pluvieux. L'affreux flashback explicatif, aux allures de bande-annonce de DTV allemand, n'est plus simplement un clou planté dans le cercueil du film : c'est un rayon de quincaillerie entier, qui propulse Moonfall au rayon du pulp le plus extrême.

 

Moonfall : photo, Patrick WilsonLa lumière au bout du tunnel (le chèque)

 

Ce n'est pas un hasard si Moonfall recycle sans honte le mauvais Independence Day : Resurgence, où la Lune était déjà au centre d'une guerre galactique, avec une sombre (et hilarante) histoire d'IA sphérique. Le énième film catastrophe de Roland Emmerich est un désert de l'imaginaire. Peut-être parce qu'il a dû ravaler ses fantasmes de trilogie Independence Day, tout comme il avait dû s'assoir sur une trilogie Stargate, le réalisateur court après sa guerre des étoiles. Force est de constater qu'il l'a déjà perdue, mais qu'il n'a toujours pas reçu le message.

Et il suffit de comparer ce Moonfall à cet autre kamoulox du genre nommé Fusion (pitch absurde, montagne de clichés, mais deux fois moins d'argent et cent fois plus de plaisir régressif), pour constater qu'il l'a perdue depuis bien longtemps.

 

Moonfall : Affiche

Résumé

Long, laid et laborieux, Moonfall explose en plein vol comme un best of du pire du film catastrophe, et du cinéma de Roland Emmerich. Définitivement loin des Independence Day, Le Jour d'après et 2012. Pas méchant, mais triste comme la pluie.

Autre avis Mathieu Jaborska
Il existe donc des films qui seraient mieux sans extra-terrestres.
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Lecteurs

(2.8)

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commentaires
Fabulous Fab
18/03/2024 à 00:04

Jamais vu un film d'un tel niveau de nullité. Même en essayant de me convaincre de regarder le film en mode 3ème degré, cela ne passe pas tellement le film est bête, ne s'embête pas avec un début de réalisme et de réflexion scientifique. On est quand même dans un film où la gravité de la lune qui entre dans l'atmosphère terrestre (oui oui, sérieux !) permet de soulever un arbre de je ne sais combien de tonnes tombé sur un jeune (qui s'en sort sans une égratignure), mais qui après avoir soulevé l'arbre ne soulève pas le jeune qui lui part en courant comme si de rien n'était. Autre exemple de scène surréaliste: Au début du film; un ras de marée inonde une ville entière, y précipite des yachts et paquebots (donc pas la petite inondation) , mais comme il est l'heure de faire dodo, on constate que les héros (qui sont quand même monté dans les étages pour ne pas se mouiller) se sont déshabillés et se sont glissés sous la couette en caleçon pour dormir du sommeil du juste tranquillement comme si de rien n'était (je suis sur qu'ils se sont brosser les dents et ont fait leur petit pipi avant d'aller se coucher). Et je ne parle même pas de la navette spatiale sortie d'un musée à l'abandon qui finalement vole toujours et qui est même capable de se cogner à des météores sans une rayure. Cela n'en est même pas drôle tellement c'est bête. Cela me fait penser à la télé-réalité (poubelle) "les Marseillais" et aux téléspectateurs qui affirment savoir que c'est bête mais que ça les détend. Ça ne détend pas, au contraire la bêtise à un tel niveau est épuisante....

--fab--
14/09/2023 à 13:05

Article qui relève plus de la diarrhée que de la pensée.
Ce site est le tout à l'égout de la critique cinématographique.
Seul intérêt à y venir de temps à autre : choisir une critique au hasard, et se bidonner en contemplant l'immense égo de son auteur.

Neji
28/08/2023 à 22:17

Effectivement rien de neuf sous la lune, mais c'est pas trop mal tourné le Roland c'est pas le tâcherons du bled.
Sur un grand écran ça fait le job , c'est un poil long pour le délire du projet.
Effets spéciaux plutôt pas mal , mise a part,2,3 incrustation dégueulasse
Un petit 5 sur 10

Angel.Fc13
03/07/2023 à 00:19

Annoncé comme une daube et bien j'ai passé un agréable moment, les personnages sont attachants et si le scénario est ce qu'il est je ne me suis pas ennuyé 1 seconde. Alors descendez de votre piedestal et regardez la lune, et oui 2001 est battu par moonfall

Pseudo ????
09/05/2023 à 15:05

Rarement vu un film aussi nul

RiffRaff
02/05/2023 à 09:54

Le film est moche et bête de bout en bout. Le scénario est un fourre-tout assez indigeste, on est loin du jour d'après, qui pourtant partage la même construction scénaristique et les mêmes archétypes de personnages.

Titi974
01/05/2023 à 15:12

Il est de bon ton de critiquer les nanars à RE, ça fait tellement intello ! Désolé mais c'est bon de débrancher le cerveau, calé dans un fauteuil en velour, avec un pop corn devant une explosion de déluge galactique. Donc , pas déçu du tout !

Steevo Steen
29/04/2023 à 14:33

J'ai laissé mon cerveau et ma suspension d'incrédulité de coté, et pour le coup j'ai passé un très bon moment

Dernier dinosaure du genre
29/04/2023 à 10:37

Emmerich rien à redire sur sa filmo, oui il a produit 1 ou 2 navets, mais même les plus grands en ont réalisé.
Emmerich c'est le symbole du bon blockbuster légèrement à l'ancienne, annees 90. Un peu comme Renny Harlin. Hélas l'époque ne veut plus de ses films, l'histoire a choisi le cinéma produit par IA, Marvel and Co, bien pasteurisé. Il est un peu à la réalisation ce qu'est gerard butler aux acteurs du genre, la dernière etoile qui s'éteint lentement, dernier témoin d'une belle époque. Alors oui on peut passer du temps mais pas trop à critiquer ses derniers films, et surtout en passer plus à revoir sa filmo qui se boniefiera inevitablement avec le temps. Merci Roland ! Je pensais à Renny Harlin mais surtout à Michael Bay le roi du genre également inévitablement amèné à disparaître.
Heureusement EL remet à l'honneur des bons films comme Cliffhanger, qui paraisse incroyablement bon encore de nos jours. L'IA et les CGI dévitalisent indéniablement le cœur artistique des films d'action et à grand spectacle.

Karranos
16/11/2022 à 23:10

On est tellement loin de "Le Jour d'Après"... Déjà, la pente commençait à être glissante avec "2012" (Catastrophes surexagérées, trop de DeusExMachina, personnages pas attachant, autant dire que le film aurait été mieux sans la petite famille de l'écrivain raté incarné par John Cusack...). Et depuis ce temps, c'est la chute vertigineuse à mesure que les catastrophes s'exagèrent. A la limite, il aura réussi à faire un peu original avec "10000BC" qui n'est pas si bon que ca (qui est un préquel refoulé et non avoué de son Stargate de 1994)...

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